du présent. Vous avez déshérité le pauvre dans l'autre monde, il cherche à s'en dédommager dans celui-ci; que trouvez-vous donc là de si extraordinaire? Et maintenant, venez leur parler de l'amour de l'ordre, ils vous parlent de l'amour de soi. Vantez-leur tout le prix de leurs droits politiques, ils vous vantent l'excellence de leurs droits naturels. Prêchez-leur l'amour de la patrie, ils vous diront qu'elle est toute, là où ils dînent bien, Montrez-leur la nécessité de se co-ordonner avec l'harmonie sociale, ils vous montrent la douceur de se co-ordonner avec l'harmonie animale. Tout cela n'est-il pas dans l'ordre ? N'y a-t-il pas là autant d'esprit que dans tous vos systêmes? Et qu'ont-ils donc à faire de vos maximes générales, de toutes vos combinaisons savantes sur la balance des intérêts et la morale raisonnée? Vous voulez qu'ils calculent? ils calculent aussi. Vous voulez qu'ils soient philosophes? ils le sont en effet; et vaut-il bien la peine de le devenir, si ce n'est pas pour s'enrichir, faire son bien, et tenter de se mettre à l'aise à quelque prix que ce soit? Vous aimeriez mieux qu'ils fussent dupes, ils aiment mieux être frippons. Plus pénétrés de vos exemples que de vos principes, ils font tout comme vous; ils laissent la métaphysique, pour aller au solide; ils donneroient pour moins d'un écu toutes vos rapsodies politiques et tous vos chiffons de morale. Fatigués depuis si long-temps de mots et de paroles, ils veulent enfin voir ce que c'est que la chose; et c'est pour eux un parti pris de préférer à vos abstractions creuses, le plaisir qui se sent, la monnoie qui se compte et le vol qui se palpe. Misérables sophistes! cessez donc de philosopher et allez au remede. C'est la religion que vous détruisez; c'est sa `morale sainte; c'est l'ascendant suprême de ses promesses et de ses menaces; c'est l'idée pénétrante d'un souverain juge entre les mains duquel il est horrible de tomber; c'est cet enfer qui vous fait rire, parce que vous en avez peur, qui peut seul réprimer le méchant, contenir les passions et inspirer l'horreur de l'injustice; et non toutes vos loix futiles, ou vos systêmes plus futiles encore; et non cette morale versatile et arbitraire qui ne porte sur rien; et non tous ces vieux haillons de métaphysique dont vous rappetassez vos nouveaux catéchismes où se forment tous nos brigands. Nos catéchistes du jour ne manqueront pas de dire que nous somines des fanatiques qui calomnions leur morale. Nous leur répondrons en ouvrant leurs livres. Nous prenons le premier qui nous est tombé sous la main. C'est le Catéchisme du Citoyen Français, par Volney. Ce n'est pas ici un de ces philosophes. outrés et ultrà-révolutionnaires, que la sagesse dominante puisse récuser. C'est un philosophe modéré, bien éloigné d'avoir jamais approuvé les excès du philosophe Carrier, ni ceux du philosophe Joseph Lebon; et si on a quelque reproche à lui faire, ce n'est pas sans doute d'aimer le sang, mais seulement les ruines. Or, quels sont donc les documens que donne aux citoyens français notre catéchiste à la mode? Que toutes les vertus se rapportent à l'objet physique de la conservation de l'homme. Que la nature ayant implanté en nous le » besoin de cette conservation, elle fait une >> loi de toutes ses conséquences, et un crime » de tout ce qui s'en écarte; et que toute » sagesse, toute perfection, toute philosophie > consistent dans la pratique de ces axiomes, » fondés sur notre propre organisation. Con>> serve-toi, instruis - toi, modere - toi, vis » pour tes semblables, afin qu'ils vivent pour > toi ». Maintenant quelles conséquences nécessaires et immédiates doit tirer de cette doctrine l'homme physique et l'homme plante? sinon que la santé est tout le secret de la vertu. Que le plus sage est celui qui se porte le mieux; que tant qu'on est frais et dispos, on est parfaitement dans l'ordre, et qu'enfin n'aimer que soi ou les autres pour soi, c'est la loi et les prophetes. Voilà d'abord une morale dont peuvent fort bien s'accommoder tous les frippons et les libertins de bonne compagnie. En voici une autre du même catéchiste, qui ne déplaira pas aux brigands de la forêt de Bondi. Demande. La loi naturelle défend-elle le vol? Réponse. Oui, car l'homme qui vole autrui, lui donne le droit de le voler. Dès lors plus de sûreté dans sa propriété, ni dans ses inoyens de conservation, etc. Or, nous demandons à tout homme de bonne foi, si ce n'est pas se jouer de la morale que de parler ainsi. Nous demandons s'il y a au monde un seul voleur de grand che min qui ne s'arrange fort bien d'un pareil catéchisme? Eh! qu'importe au voleur que la victime de son larcin acquierre aussi le droit de le voler à son tour, si par le fait ce droit ne peut se réaliser? Quel est donc cet étrange droit que donne le voleur de le voler aussi? Quel est donc l'honnête homme qui voudra user de cette infâme représaille ? Mais si le vol est défendu, par la seule raison qu'il n'y a plus de sûreté dans la propriété du voleur, il peut donc être permis, quand on a pris toutes ses mesures, ou que le vol n'est pas connu? S'il est défendu de voler parce qu'il n'y a plus de sûreté dans les moyens de sa conservation, il est donc permis de le faire, quand le voleur ne s'en porte que mieux, et qu'il a su mettre à couvert et sa personne et son butin. Ce n'est donc pas le mal qui est un mal, mais le danger; ce n'est donc pas le vol qui est un crime, mais la maladresse. Si notre citoyen français avoit voulu faire un catéchisme pour les citoyens des bois, auroit-il pu mieux s'y prendre? Autre demande, Comment la loi naturelle défend-elle le meurtre? Réponse. Par les motifs les plus puissans de la conservation de soi-même. Car 1°. l'homme qui attaque, s'expose au risque d'être tué par droit de défense; 2°. s'il tue, il donne aux parens, aux amis du mort et à la société, le droit de le tuer lui-même, et il ne vit plus en sûreté. Nouvel avis à tous les assassins, que ce n'est pas le mal, mais l'échafaud qui fait le crime. Nouvelle recommandation de prendre si bien 1 leurs précautions dans l'attaque, qu'ils n'aient rien à redouter du droit de défense. Nouvelle preuve qu'il n'y a ici pour eux de faute que de manquer leur coup, et que pourvu que leurs personnes soient bien en sûreté, leur conscience doit être aussi. Il y a plus, le voleur de grand chemin fera même une action vertueuse, en ajoutant le meurtre au brigandage, puisqu'il pourvoira par là même à sa conservation d'une maniere bien plus sûre et plus efficace. Quelle abominable doctrine! Sauve qui peut et malheur à qui est pris; c'est la morale des brigands, c'est aussi celle du citoyen Volney. Veut-on un autre échantillon de la morale publique, physique, économique et encyclopédique qui nous régénere, ouvrons le journal d'Economie publique, Morale et, Politique, no. 8, page 360. - Tout le monde connoît ces deux vers, opprobre éternel de Diderot, dont nous souillons à regret cette feuille. Et des boyaux du dernier prêtre, On pouvoit encore douter s'ils appartenoient à ce chef des philosophes ou au chef des bourreaux. Eh bien ! ces deux vers exécrables, qui non-seulement font frissonner toute ame honnête, mais que n'oseroit avouer tout homme un peu jaloux de sa réputation, viennent d'être excusés, justifiés dans le journal dont nous parlons. On s'y fait gloire de les rétablir dans leur premiere pureté, de les restituer |