instruits, qui nous ont enseigné la plus pure morale, qui nous ont inspiré cette douceur de mœurs, qui distinguoit jadis le peuple français de tous les peuples de l'Europe. Notre littéra ture, ils l'ont enrichie : notre langue, ils l'ont créée : nos établissemens utiles, ils les ont tous élevés par leurs mains ou soutenus par leur zele. Tout ce que la vertu a de plus grand et le génie de plus auguste, ce sont eux qui l'ont produit. Qui nourrissoit les pauvres? Qui reconcilioit les familles? Qui consoloit les infirmes? Qui assistoit les mourans? Il y avoit sans doute roient eux des hommes qui déshonno roient leur état par le scandale de leurs moeurs; mais c'étoient des philosophes qu'on voyoit dans les académies. C'étoient des prêtres qui n'étoient pas prêtres et tous les autres attachés à leurs saintes fonctions, n'en formoient pas moins la classe la plus utile, la plus éclairée, la plus incontestablement vertueuse, la plus portée vers cette heureuse tolérance qui concilie tout-à-lafois les intérêts de l'humanité et ceux de la religion. Hélas! vertus, talens, bienfaits, exemples, tout a été oublié. C'est sur eux que sont venu fondre toutes les calamités. C'est sur ces hommes de consolation et de paix, qu'on a couru comme sur des bêtes féroces; et par une inconséquence dont les Français sont seuls capables de donner l'exemple, tandis qu'ils élevoient une statue au prêtre Fénélon, ils aiguisoient de l'autre le poignard qui devoit égorger les prêtres. Fénélon! quel touchant souvenir! quel nom doux à notre ame! Ah! il nous semble en ce moment voir son ombre pacifique et aimante, s'indigner dans son tombeau. Il nous semble l'entendre ici, s'adressant aux Français et leur dire: «Eh quoi, vous philosophes, vous admirateurs de mes écrits, vous panégyristes de ma douceur et de ma tolérance, auriez-vous donc oublié que moi aussi j'ai été prêtre de cette religion contre laquelle vous vous élevez aujourd'hui? Si j'ai rempli quelques devoirs et pratiqué quelques vertus, c'est l'esprit de mon état qui me les a inspirés. En vain voudriez-vous me séparer de mon saint caractere; tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai dit. je l'ai dit, je l'ai fait comme prêtre. Ce n'est pas comme philosophe, c'est comme prêtre que je visitai les chaumieres. Ce n'est pas comme philosophe, c'est comme prêtre que j'assistai la veuve et consolai l'orphelin. Eh! qui de vous pourroit donc me faire l'outrage de supposer que j'ai prêché une religion à laquelle je ne croyois pas, et exercé un sacerdoce dont les principes n'étoient pas dans mon cœur? La cause des prêtres est donc inséparable de la mienne. Ils pensent comme moi, et j'ai pensé comme eux. J'ai été élevé comme eux; j'ai prêché la même morale qu'eux; le serment qu'ils ont refusé, je l'aurois refusé comme eux; et cependant vous me traitez de sage, et eux de fanatiques vous m'élevez des statues, et vous les accablez d'outrages: Ah! brisez ma statue, ou cessez de persécuter mes freres, et songez que s'ils sont dignes de votre haine, je le suis de votre mépris ».. Séance du conseil des Cing-Cents, 29 pluviose. (17 février.) Le directoire a envoyé soixante-six liasses de pieces relatives aux prêtres, que l'on s'obstine toujours à appeler réfractaires, non-seulement contre la vérité, mais contre la loi même. Plus, un rapport du ministre de la police sur l'esprit public des départemens de l'Eure et des Landes. Dans l'Eure, selon le ministre, les mécontens se multiplient, et la ruine des propriétaires et des créanciers y contribuent les réfractaires confessent, disent la messe, et prêchent la contre-révolution. Le ministre presse le directoire d'adresser des messages au conseil. Même situation dans le département des Lardes, où une commune a entendu un réfractaire lui dire : « Mes freres, nous voici revenus parmi vous attendons le moment où les brigands qui ont assassiné le roi, son épouse et ses enfans, cesseront de regner; nul républicain n'aura l'absolution, nul ouvrier servant un patriote, ne l'aura; en attendant, il ne faut point payer les impositions: les armées se débanderont; et celles de l'empereur triompheront des régicides». Un commissaire du directoire dénonce ce prêtre au directoire, en accusant le conseil des cinq-cents d'une coupable indifférence à cet égard. Comment ce commissaire respecte-t-il assez peu le directoire, pour lui envoyer de semblables folies? Comment ce prêtre n'a-t-il donc pas été mis aux Petites-Maisons? Et comment peut-on ainsi se se jouer de la crédulité d'une assemblée de législateurs, en mettant sous leurs yeux un fait qui se dément si fort par lui-même. Aussi, Boissy-d'Anglas a-t-il dit : Puisque le fait dénoncé a eu lieu, sans doute le directoire a dû ordonner la punition du coupable: je demande qu'on lui adresse un message à cet égard. Il est à remarquer que c'est peut-être la premiere fois depuis six ans, qu'un législateur ait fait une question aussi simple et aussi naturelle. Combien auroit-on confondu de dénonciateurs! Combien auroit-on empêché de persécutions, si au-lieu de ces calomnies clandestines et de ces pieces déclamatoires, on eût demandé des procédures légales et d'arrêts de tribunaux! Aussi cette proposition de Boissy a-t-elle déconcerté un peu les montagnards. Hardi l'a trouvée insidieuse et inutile. Et il a dit plus vrai qu'il ne vouloit. Car très-certainement elle étoit insidieuse, puisqu'elle tendoit à faire tomber l'accusateur dans ses propres pieges. Duprat a justifié le département des Landes et révoqué en doute les faits dénoncés. Ceux qu'on a dénoncés comme des séditieux, a dit cet homme vertueux, sont des octogénaires languissans dans les prisons, et à l'agonie. Au surplus, s'il en est quelques-uns qui prêchent contre le paiement des impôts, ce n'est pas dans le département des Landes qu'ils font fortune, puisque ce département à acquitté les siennes en totalité........ C'est pour l'avenir, se sont écriées plusieurs voix. On voit que l'art des persécutions se perfec- 1 tionne, chaque jour. Il peut bien y avoir des tyrans qui aient persécuté pour le passé; mais punir pour l'avenir et pour des fautes qui sont encore dans les futurs contingens, c'est un rafinement qu'a pu seul inventer le progrès des lumieres. Boissy a insisté fortement sur sa proposition, il faut le répéter à sa louange; et Bion sur-tout l'a appuyée avec chaleur. Roux, prêtre constitutionnel, a demandé l'ordre du jour. Croyez-vous, a-t-il dit, que le directoire ne soit point intéressé à punir le coupable? pourquoi lui demander un compte particulier, quand il nous demande une loi gé nérale ? Ce raisonnement aussi dépourvu de logique que de pudeur, n'a pas fait fortune. Dumolard s'est empressé de répondre qu'il suspectoit bien moins le directoire de négligence, que certains prêtres, de mauvaises intentions. En disant ceci, il fixoit Roux. Non, a-t-il ajouté, nous ne prendrons point parti dans une guerre des prêtres également suspects, les uns par leur désobéissance, les autres pour l'infamie du rôle qu'ils ont joué, en se nommant eux-mêmes des imposteurs. Ce raisonnement ad hominem, a décidé le conseil, qui a ordonné l'envoi du message. Séance du 30. Le rapport tant attendu sur les prêtres a été fait par Dubruel. La justesse de son esprit et l'honnêteté de son ame y respirent, d'un bout à l'autre. Nous en donnerons un extrait, dans notre prochain numéro ; en attendant, voici les articles fondamentaux du projet de résolution. |