Page images
PDF
EPUB

aient raison contre toute l'église. Mais élevez plus haut vos pensées et vos regards. Voyez ces nuages qui s'accumulent: cette affreuse tempête qui nous menace encore. C'est dans les grands malheurs que la foi doit se réveiller. C'est le moment de nous prouver si vous êtes les vrais enfans de l'église romaine, Hâtez-vous donc de vous réunir à nous, pour lui faire un rempart commun de notre zele et de notre fidé lité; la consoler du moins par votre déférence, et lui montrer que toutes les considérations mondaines ne sont rien, quand il s'agit de sauver à la-fois et la religion et vous-mêmes.

Aux Rédacteurs des Annales Catholiques.

Je viens de lire dans le No. 28 de vos Annales, l'article où un de vos abonnés ne peut concevoir qu'on ait dit, en refutant l'ouvrage de Dupuis, que la plupart des anciens philosophes n'ont été au fond que des athées. Cette assertion lui a paru si étrange, que le livre lui en est tombé des mains. Si, avant de feuilleter pour la combattre, son Selectæ è profanis, il eût pris la peine de lire en entier le chapitre où se trouvent les phrases qui l'ont si fort effarouché; de considérer avec quelque attention ce qu'avance Dupuis, et ce que je soutiens il auroit vu que sa censure étoit sans fondement, et que la proposition qui le révolte cst de la plus exacte vérité.

Dupuis prétend que la théologie des chrétiens prend sa source dans les religions payennes, et qu'ils ont emprunté des anciens phi

losophes, le dogme de l'unité d'un Dieu. Falloit-il avouer à cet ennemi qu'il avoit raison de le penser ainsi? A Dieu ne plaise! c'eût été lui céder la victoire, et trahir indignement la cause de la religion. Le chapitre critiqué par le censeur, est destiné à combattre une prétention non moins folle qu'injurieuse au christianisme. J'y démontre que la théologie chrétienne a une source et plus haute et plus pure; qu'en tout ce qui a rapport à la religion, les anciens philosophes n'ont été que des aveugles et des insensés; que la plupart d'entr'eux, ou n'ont jamais connu le Dieu vivant et véritable, ou en ont si horriblement défiguré la majestueuse idée par leurs dissentions et leurs erreurs, que les plus fameux, tels qu'un Cicéron, un Pline, un Séneque, n'ont été au fond que des athées.

D'où j'ai conclu contre le blasphémateur Dupuis; 1o. qu'il est impossible, à moins d'insulter la raison et l'évidence, de soutenir que le dogme par et sublime de l'unité d'un Dieu, tel que le christianisme le propose à nos adorations, ait été puisé dans des sources aussi corrompues que les écoles de l'ancienne philosophie; 2°. Que c'est la gloire de la religion chrétienne d'avoir dissipé les ténebres, qui, avant son fondateur, couvroient la terre; d'avoir fait connoître à l'homme le vrai Dieu, sans que la philosophie puisse l'usurper ni la partager avec elle. Qui jamais l'eût imaginé que de tels principes pussent déplaire à un censeur religieux; qu'une théorie si conforme à la vérité, si honorable au christianisme ne dût être à ses yeux qu'une erreur choquante, dont la vue seule lui feroit tomber le livre des mains?

Il se seroit moins allarmé de ma proposition, s'il eût voulu se souvenir qu'il est deux sortes d'athéismes. L'un est arrogant et brutal; il déteste la vérité; il voudroit l'effacer de son propre cœur et de celui de ses semblables. Ayant mille raisons de redouter un Dieu, il invente des systêmes, il accumule les sophismes pour éteindre une importune lumiere, et se rassurer contre les terreurs que lui inspire la seule idée d'une majesté inexorable contre le vicieux et le méchant endurci. Tel est l'athéisme d'un Toland, d'un Collins, d'un Dupuis et autres semblables désespérés, qui, jadis ou de nos jours ont dit avec insolence, il n'est point de Dieu; tout est l'ouvrage du hasard, où d'une aveugle

nature.

Mais ces esprits pervers ne sont pas les seuls à qui l'on puisse appliquer la flétrissante dénomination d'athées. Il en est de plus modérés, qui, nés dans des siecles de ténebres et d'ignorance, dégoûtés de la vérité par les honteuses superstitions qui la déshonoroient, placés au milieu d'une foule de systêmes et d'opinions contradictoires, ne savoient plus à quoi s'en tenir, et ont fini par laisser aller leurs pensées à l'aventure: tel qu'un pilote qui laisse échapper le gouvernail au milieu de la tourmente et qui ne pouvant plus ni maîtriser les vagues, ni discerner la route, devient le jouet des vents et des flots.Tels furent, au jugement de Lactance, les prétendus sages de l'antiquité payenne (1).

(1) Errant ergò philosophi velut in mari magno ; nec quò ferantur intelligunt, quia nec viam cernunt, nec ducem sequuntur ullum. Eadem namque ratione hanc

[ocr errors]

A parler franchement, je ne connois sur le point dont il s'agit, point de milieu entre l'athée et le croyant. Ce dernier, à mon avis, est Phomme religieux qui reconnoît de bonne-foi un Dieu infiniment sage, bon, juste, puissant, créateur et modérateur de l'univers, qui veille sans cesse sur le genre-humain, qui a des récompenses pour la vertu et des châtimens pour le vice. Qui heurte de front ou qui hait ce dogme sacré, est un impudent athée. Qui l'ignore, ou n'a, sur cet article fondamental, ni croyance ferme, ni sentiment fixe, mais des doutes seulement ou des opinions flottantes, est à mes yeux, un athée aussi. Si cet infortuné ne se fait pas détester, comme le premier, parson audace, en est-il moins plongé dans les ténebres de l'athéisme et de l'irréligion?

D'après ce principe, je le demande au censeur ferons-nous entrer dans l'assemblée des croyans, le nombreux troupeau d'Epicure, qui se moque ouvertement de Dieu et de sa providence; ou les superbes disciples de Zenon, qui ne connoissent d'autre dieu que l'univers et l'ame qui l'anime; ou les vains discoureurs de l'académie, pour qui l'existence d'un premier être, auteur et modérateur du monde, n'est qu'une pure opinion, un problême, bon tout au plus pour amuser le loisir des écoles et la vanité des philosophes? Loin de nous une si honteuse complaisance! Il faut donc, sans hésiter, les ranger parmi les athées.

vitæ viam quæri oportet, quâ in allo iternavibus quæritur; que nisi aliquod cæli lumen observent, incertis cursibus vagantur. Lact. Div. inst. liv. VI, ch. 8.

Pour donner un peu de développement à une idée que je n'ai fait qu'indiquer, peut-on ne pas reléguer dans la malheureuse classe des athées, ces insensés raisonneurs, qui, en admettant le nom de Dieu, n'ont entendu par-là que le grand tout, la nature, ou, comme parlent les anciens sophistes, le grand animal intelligent et matériel, ou enfin cet être chimérique qu'ils nomment l'ame du monde? Si cet extravagant systême n'a rien de commun avec l'athéisme, il faut rayer de la classe des athées jusqu'à l'impie Dupuis; et le censeur est bien éloigné d'avoir pour lui une une pareille complaisance. Ör, que cette folle théorie ait été l'opinion dominante de la philosophie payenne, c'est ce qui est avoué de tous ceux qui ont la moindre connoissance de l'antiquité. Les plus habiles parmi eux, les plus profonds raisonneurs regardoient tous les dieux adorés par le vulgaire, comme les vertus, les attributs, les ministres, ou des portions du grand Jupiter, leur dieu suprêine; et ce Jupiter étoit pour eux, comme pour l'athée Dupuis, le grand tout, l'univers-dieu, l'ame du monde.

[ocr errors]

Un fait aussi certain et aussi connu n'a pas besoin de témoignage: en voici pourtant un ou deux qui tiendront lieu de tous les autres : « Tous ces » dieux et toutes ces déesses du paganisme, dit St.-Augustin, sont le seul Jupiter, ou comme » ses parties, ou comme ses vertus, dans l'opi»nion de ceux qui veulent que Jupiter soit l'ame » du monde : OPINION QUI EST LA PLUS COMMUNE parmi les savans d'entre les payens (1)».

(1) S. Aug. de Civ. I. IV. c. XI.

« PreviousContinue »