Page images
PDF
EPUB

Prusse, l'Allemagne entière et les autres pays ne doivent plus être exposés à la dévastation. Si la France ne veut pas se réunir au reste de l'Europe pour obtenir immédiatement la sûreté générale et la paix, que la guerre soit portée en France, pour la punir de sa foiblesse et de sa coupable docilité! Si les militaires françois croient que c'est une injustice de les arrêter dans leur carrière d'avancement et de pillage, et veulent troubler encore l'Europe, il faut que l'Europe leur apprenne que s'ils aiment tant la guerre, ils l'auront, mais comme l'Europe le jugera à propos, et non selon leur bon plaisir. En même temps il seroit injuste de dire que les souverains désirent la guerre ; mais l'expérience leur a démontré qu'ils ne devoient plus ni se fier aux protestations pacifiques de Buonaparte, ni attendre la paix d'aucunes relations quelconques avec lui. Ils ont reconnu que seul moyen de sûreté étoit une union cordiale.

le

On demande pourquoi les alliés ne traiteroient pas maintenant avec Buonaparte, comme ils l'ont fait à Châtillon. De ce qu'on auroit pu traiter avec lui avant son abdication, il ne s'ensuit pas qu'on doive le faire actuellement. Le fait est qu'il avoit offert lui-même un armistice, à condition qu'il conserveroit la posses

que

sion de l'ancienne France; mais trois jours après, ayant obtenu de légers succès, il a rétracté cette offre. Il n'a jamais été proposé à Buonaparte aucun traité plus favorable à la France celui de Paris. Jamais on n'auroit admis son plénipotentiaire au congrès. Lorsque son gouvernement a été renversé, ce qui a causé la plus grande satisfaction aux alliés a été de pouvoir immédiatement traiter la France comme amie et l'admettre au congrès. Ils ont rendu au Roi ce que Buonaparte n'auroit jamais recouvré, et entre autres choses, une partie de la flotte d'Anvers, et plusieurs colonies importantes. Ils ont fait de grands sacrifices pour assurer la paix générale. Qu'on examine la conduite de Buonaparte, soit dans les succès soit dans les revers, on reconnoîtra que jamais il n'a rien négligé pour satisfaire son ambition et ses vues personnelles, et que toujours il a fait tout son possible pour obtenir plus qu'il n'avoit. Il n'a jamais connu de bornes dans ses projets, et ne s'est jamais arrêté dans leur exécution. A moins qu'il ne soit entièrement changé, ce qui n'est pas dans l'ordre des choses probables, on doit s'attendre qu'il ne mettra d'autres bornes à son ambition et à ses ressentimens que celles de ses moyens, et que jamais

F

[ocr errors]

il ne cessera de viser au même but. Assez de preuves attestent qu'une mauvaise foi systématique est le trait particulier qui distingue le plus son caractère. En voici un exemple : Il avoit envoyé des instructions secrètes à son plénipotentiaire, que ce dernier devoit détruire dans certains cas; mais elles ont été interceptées accidentellement. Elles offrent la preuve d'un systême de perfidie inoui dans les transactions entre des nations civilisées. Elles étoient contenues dans une lettre secrette adressée par Maret à Caulincourt, sous la date du 19 mars, époque à laquelle les négociations n'étoient pas terminées. Buonaparte étoit à la veille d'entreprendre un mouvement dont le succès lui paroissoit douteux; en conséquence, il avoit autorisé son ministre à faire des concessions. En même temps, il ordonnoit que les personnes qui seroient chargées de l'exécution du traité, après qu'il auroit été conclu et ratifié, retardassent l'exécution de plusieurs articles, afin que l'Empereur pût tirer avantage de cette suspension, selon les circonstances subséquentes. Il exprimoit donc l'intention de ratifier un traité et de ne pas l'exécuter. Quels étoient les objets de cette insigne duplicité? Buonaparte ne vouloit pas livrer ce qu'il nommoit les trois

1

1

grandes clefs de son empire. La première étoit Anvers, qu'il appeloit aussi la clef de l'Angleterre; la seconde étoit Mayence, qui est effectivement la clef de l'Allemagne ; et la troisième Alexandrie, qui est plutôt la clef de l'Italie que celle de la France. Quelle preuve plus frappante pourroit-on désirer du caractère de cet homme? N'est-il pas évident qu'il violera tous les traités quand bon lui semblera? Est-il peu important qu'un tel homme ait du pouvoir ou non? S'il a le pouvoir en main, il est à croire qu'il ne tardera pas à vouloir couvrir encore l'Europe de ces bandes rapaces. Quelqu'étrange que puisse paroître l'idée de faire la guerre à un individu, assurément les puissances de l'Europe sont autorisées à s'opposer à ce que le pouvoir soit entre les mains d'un individu dont le caractère ne comporte aucune des relations morales ou sociales de la vie. Ce caractère est plus que suffisant pour qu'elles cherchent dans une guerre commune les moyens de défendre des intérêts communs. Les alliés n'agissent pas d'après des idées vagues ou dont l'application soit impraticable. Ils sont réunis pour maintenir les arrangemens stipulés par le traité de paix fondé sur l'abdication de Buonaparte. Tant qu'ils persévéreront dans leurs efforts

pour accomplir l'objet de la guerre, qui est d'ôter le pouvoir à Buonaparte, il n'est pas douteux qu'ils auront l'appui de la nation angloise, car l'intérêt commun de l'humanité est de résister au systême de spoliation qu'il est notoire que cet homme veut poursuivre.

Le noble lord finit par assurer la chambre que les ministres de Sa Majesté ont à cœur de conserver la paix, si elle pouvoit être maintenue avec honneur; mais ils désirent une paix honorable et solide, qui puisse garantir l'Europe d'une nouvelle désolation. Il annonce que bientôt il soumettra à la chambre un arrangement par lequel elle verra que ce pays-ci n'est engagé qu'à fournir aux alliés les secours d'argent nécessaires pour agir avec énergie, mais que la plus forte partie des dépenses de la guerre restera à leur charge. Les membres opposés, qui l'examineront sans doute soigneusement, auront eux-mêmes lieu de reconnoître que les moyens fournis par ce pays-ci aux puissances du continent ne suffiroient pas pour être des motifs ou des moyens de guerre. Il espère que les alliés, par un effort vigoureux et prompt, parviendront à rétablir la sécurité qui en est l'objet.

« PreviousContinue »