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pour celui des autres ; il pouvoit cicatriser ses profondes plaies, et devenir une des colonnes du système politique de l'Europe.

La France se repentira amèrement d'avoir perdu tous ses avantages; elle sentira quel malheur c'est pour elle que d'avoir sacrifié la tranquillité et le bien être de vingt-cing millions d'hommes au point d'honneur malentendu. d'une armée égarée. L'armée elle-même s'appercevra qu'ayant rompu le lien honorable qui l'attache à l'état, elle se prépare un abîme sans fond, dans lequel elle se verra tôt ou tard engloutie avec toute sa gloire imaginaire et ses chimériques espérances.

No IV.

Autres réflexions du même journal, sous la date du 26 avril.

LA déclaration du 13 mars est connue en France. L'article inséré dans le Journal de Paris du 5 avril en est la preuve. Cette déclaration est l'expression unanime des vœux et des suffrages des nations.

Développer les principes qui ont dicté l'acte du congrès du 13 mars, c'est démontrer à la

nation françoise qu'elle n'a point parlé, qu'elle ne parlera jamais le langage sacrilége que lui prête son oppresseur; c'est séparer sa cause de la sienne; c'est conserver à la nation sa véritable dignité, lui ouvrir une voie prompte et honorable pour se rallier encore à l'Europe.

Le congrès n'a point délibéré sur des hypothèses. Il a proscrit Buonaparte. Cet homme ne peut et ne doit plus trouver un asyle parmi les peuples civilisés. Il peut encore moins les gouverner. Tel est le principe de l'acte de proscription lancé contre lui. Il se fonde sur la justice, autant que sur les intérêts légitimes des nations. Il est donc irrévocable.

pas

On a offert des secours à la nation françoise et à son gouvernement. On lui en offre encore. Elle peut noblement les refuser en rejetant de son sein le principe de la guerre. Elle ne pourra s'en passer tant qu'elle supportera le joug d'un homme qui veut son déshonneur en la rendant coupable d'un double parjure. Un pacte l'unissoit à son souverain. Un traité l'avoit réconciliée avec l'Europe. Buonoparte, en s'arrogeant le pouvoir suprême, lui a fait violer l'un et l'autre. Il la replonge dans les horreurs de la guerre civile, de l'anarchie ou du despotisme militaire. Et se peut-il qu'il ose

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encore promettre à la France des institutions libérales et l'empire des lois? Se peut-il que ce même homme ait le front de promettre aux nations étrangères de respecter les traités et de ne point se mêler de leurs affaires? Est-ce lui qui prétend faire respecter l'indépendance des François? Son évasion de l'île d'Elbe, son arrivée en France, les titres dont il ose se revêtir, l'autorité dont il s'est emparé, les prestiges dont il l'environne, ceux qu'il prépare pour la soutenir, tous ces attentats légitimés par l'assentiment des puissances européennes, menaceroient l'ordre social d'un bouleversement complet, et les nations du joug dont elles viennent d'être délivrées.

Non, aucune expérience n'est perdue pour - l'Europe, après tant d'années de souffrances et de calamités, aucune ne le sera de même pour la France. Elle sait que ce sont les maux innombrables que ce monstrueux despotisme d'un seul homme fit peser sur elle comme sur le reste de l'univers, qui ont fait sentir aux nations ce qu'elles doivent à leur dignité comme membres de la famille européenne, et à leur prospérité intérieure comme états. Ce sentiment devenu commun à tous les peuples et à tous les gouvernemens, créa, dans les combinaisons

politiques, une nouvelle force morale, qui seule fit prospérer la grande alliance, et la mit à même de conquérir la paix générale aux portes de Paris. Cette force existe. Elle est indestructible, parce qu'elle se compose des mobiles les plus puissans et des sentimens les plus chers: ceux de la religion, de la patrie et de l'honneur national.

Le traité du 30 mai posa les bases de la restauration du droit public de l'Europe, et il établit par ses suites un accord salutaire entre les progrès de l'esprit du siècle et le perfectionnement des institutions propres à garantir à chaque peuple la jouissance de sa gloire et de sa liberté. Le congrès de Vienne étoit à la veille d'achever l'œuvre de la reconstruction du système politique de l'Europe. Ce même congrès, la marche qu'il a suivie, prouvent que tous les intérêts ont été mûrement pesés, et son travail offre le résultat consolant qui assure aux peuples l'inaliénabilité de leur indépendance. Ce n'est plus la volonté du plus fort qui étouffe la voix de la vérité, et brise les résistances les plus légitimes. C'est le droit de chacun, c'est la convenance générale. C'est la justice et la raison d'état qui décident. Ce ne sont plus les

armées.

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L'Europe veut la paix. Elle en a sans doute besoin. Mais elle ne croira l'avoir obtenue que quand elle sera fondée sur les principes immuables inhérens à chaque état, et sur l'intérêt commun à tous de la maintenir. Elle ne veut point être réduite à la placer sous la sauvegarde perpétuelle des armées. Elle ne le peut pas sans se démoraliser.

Mais cette France représentée par des adresses, cette France gouvernée par un homme que le parjure et l'infraction de tous les traités ont conduit sur le trône; cette France, tant que cet homme parleroit en son nom, pourroit-elle prétendre à inspirer la confiance qui fait la première base des transactions politiques?

Il en est des états comme des individus : leur crédit ne résulte que de leurs actions.

L'Europe a déclaré la guerre à Buonaparte. La France peut et doit prouver à l'Europe qu'elle sent assez sa dignité pour ne pas vouloir de la souveraineté de cet homme. La nation françoise est puissante et libre. Sa liberté et sa grandeur reposent en elle-même, et sont nécessaires à l'équilibre européen. La paix de Paris et le congrès de Vienne l'ont prouvé.

C'est dans cette intention et dans cet espoir que la déclaration du 13 mars a eu lieu. Si cet

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