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que Murat, s'il eût été sincère, éût trouvé l'occasion de détruire par quelque opération positive les soupçons qui y sont exprimés.

Le noble lord donne alors lecture d'un extrait de cette conversation, qui commence par des observations sur la conduite que Murat auroit dû tenir pour prouver, par une coopération immédiate et sincère, sa fidélité à remplir les stipulations du traité conclu avec l'Autriche. « N'a-t-il pas, au contraire, continue lord Bentinck, agi comme s'il craignoit, non Buonaparte, mais les alliés? Il ne peut avoir aucune espérance de se réconcilier avec Buonaparte, si celui-ci est vainqueur; pourquoi donc a-t-il retenu les places où il est entré? Ne dit-il pas continuellement, ainsi que tous ses officiers, que l'Italie doit s'unir pour assurer son indépendance, et qu'il sera lui-même le chef de cette entreprise? N'est-ce pas le langage qu'a toujours tenu Buonaparte? Que signifie la continuation de sa correspondance avec toutes les autorités françoises en Italie, comme Fouché, Beauharnois et autres? Enfin, ne semble-t-il pas chercher, sous différens prétextes, à ne point compromettre ses forces jusqu'à l'issue de la lutte, pour se ranger du côté du plus fort, quel qu'il soit?»

Tel étoit le jugement que lord W. Bentinck portoit de la conduite et des intentions de Murat, et il faut convenir qu'il étoit à portée d'observer de près. Lorsque cette conversation me parvint, je cherchai à combattre les soupçons qu'elle manifestoit, non que je les crusse sans fondement, mais parce que je pensois que lord W. Bentinck avoit pu se laisser entraîner par un sentiment très-respectable en faveur de la cour de Sicile, et juger avec trop de sévérité les procédés de Murat ; je pensois aussi que s'il falloit maintenir la paix avec Murat, et assurer sa coopération, le seul moyen d'y parvenir avec un tel homme, étoit de lui témoigner une confiance sans bornes, confiance qu'on n'avoit pas. Néanmoins mon opinion, ainsi que celle des personnes avec qui j'en communiquai, fut que Murat ne se conduisoit pas comme les alliés avoient droit de l'attendre; mais d'un autre côté, ce n'étoit alors qu'une opinion, et eûtelle été la seule règle que nous eussions à suivre dans nos relations avec Naples, quelque force ou quelque probabilité qu'elle eût, je n'y aurois pas trouvé, pour ma part, un motif suffisant pour ne pas remplir les conditions stipulées.

J'eus cependant, lors de mon séjour à Paris, dit le noble lord, l'occasion de communiquer

avec une personne que je ne puis nommer, et dont je reçus des renseignemens qui ne me laissèrent aucun doute sur la mauvaise foi de Murat à l'égard des alliés. Ces renseignemens venoient d'une telle source, que leur authenticité ne pouvoit être contestée, et je déclarai ouvertement, au nom du gouvernement de S. M., que si l'on acquéroit la preuve claire et satisfaisante que Murat n'avoit pas rempli ses engagemens, ceux de la Grande-Bretagne avec lui seroient regardés comme rompus. En conséquence, mon premier soin à m n retour en ce pays, fut de renouveler cette déclaration au ministre napolitain; je la fis, dans les mêmes termes, au duc de Campochiaro, à Vienne, et j'ajoutai que, d'après la certitude morale qui existoit de la non exécution du traité de la part de Murat, la question relative à Naples restoit entière et seroit discutée au congrès, indépendamment de toute considération étrangère.

Le noble lord lit l'extrait d'une dépêche qu'il adressa de Vienne ici, le 25 janvier 1815, et par laquelle il soumet au Gouvernement une note remise par lui au duc de Campochiaro, en ajoutant «< que dans deux occasions différentes, il a explicitement déclaré que l'opinion du

gouvernement Britannique est que Murat a manqué aux stipulations du traité, et qu'en conséquence le congrès n'a à considérer dans la question sur Naples, que l'intérêt général et la politique de l'Europe ». Je ne puis dire quelle auroit été ni quelle auroit dû être la décision du congrès, car les plénipotentiaires assemblés à Vienne regardoient tous la question comme extrêmement difficile et embarrassante, et le seul point sur lequel tout le monde se trouvât d'accord, fut de la renvoyer aux dernières séances, au lieu de s'en occuper d'abord. En effet, le congrès n'avoit encore rien décidé à ce sujet, lorsque les hostilités commencèrent entre Naples et l'Autriche. On n'a point fait un secret de l'opinion du gouvernement Britannique, ni de la conviction où il étoit que ses engagemens étoient dissous par la conduite de Murat; les ministres de Naples, et à plus forte raison ceux des autres puissances, en ont été prévenus. Le prince de Talleyrand, en particulier, me pressa de déclarer quelles étoient les dernières intentions du gouvernement de S. M,, mais je ne pouvois anticiper, une décision dont le terme étoit encore éloigné; cependant je l'engageai à me remettre une note pour avoir le temps de la transmettre au gouvernement de S. M., et

d'en recevoir la réponse avant que le congrès ne fût appelé à prononcer. Voilà l'origine de la lettre du prince Talleyrand. Le duc de Campochiaro me remit, dans la même circonstance, un examen détaillé de la conduite de son maître, sous le rapport politique et moral, depuis la bataille de Leipsik, jusqu'au moment où il écrivoit. Ce document sera communiqué à la Chambre avec les autres. Il n'ébranla point ma conviction; néanmoins, dans une matière aussi délicate et aussi importante, je crus qu'il étoit sage de ne point m'en rapporter à moi, seul, et de m'étayer des lumières de personnes en état de prononcer sur l'exactitude des faits. J'en référai donc au jugement du général Nugent, officier de la plus haute considération, d'un honneur sans tache, et capable de motiver son opinion. La Chambre sait que le général Nugent agit conjointement avec Murat en Italie, après la conclusion du traité entre Naples et l'Autriche. Je communiquerai aussi le rapport détaillé qu'il fit sur cette pièce, article par article, et où il contredit non-seulement les faits allégués par le duc de Campochiaro, mais même toutes les conséquences que ce ministre prétendoit en déduire. Il affirme que Murat ne s'en tint pas à rester inactif, mais qu'il s'efforça de contra

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