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exécuté; les transactions du congrès de Vienne n'en étoient que les supplémens et les développemens; et sans le nouvel attentat de Buonaparte, il eût été pour une longue suite d'années une des bases du droit public de Ì'Europe. Mais cet ordre de choses a fait place à une nouvelle révolution; et les agens de cette révolution, tout en proclamant sans cesse « qu'il n'y a rien de changé (1), » conçoivent et sentent eux-mêmes que tout est changé autour d'eux. Il ne s'agit plus aujourd'hui de maintenir le traité de Paris; il s'agiroit de le refaire. Les puissances se trouvent rétablies envers la France, dans la même position dans laquelle elles étoient le 31 mars 1814. Ce n'est pas pour prévenir la guerre, car la France l'a rallumée de fait; c'est pour la terminer que l'on offre aujourd'hui à l'Europe un état de choses essentiellement différent de celui sur lequel la paix fut établie en 1814. La question a donc cessé d'être une question de droit : elle n'est plus qu'une question de calcul politique et de prévoyance, dans laquelle les puissances

(1) C'est l'idée qui reparoît perpétuellement dans le rapport du conseil d'État de Buonaparte, publié dans le Moniteur du 13 avril 1815.

n'ont à consulter que les intérêts réels de leurs peuples, et l'intérêt commun de l'Europe.

La commission croit pouvoir se dispenser d'entrer ici dans un exposé des considérations qui, sous ce dernier rapport, ont dirigé les mesures des cabinets. Il suffira de rappeler que l'homme qui, en offrant aujourd'hui de sanctionner le traité de Paris, prétend substituer sa garantie à celle d'un souverain dont la loyauté étoit sans tache et la bienveillance sans mesure, est le même qui, pendant quinze ans, a ravagé et bouleversé la terre pour trouver de quoi satisfaire son ambition, qui a sacrifié des millions de victimes et le bonheur d'une génération entière à un système de conquêtes, que des trèves, peu dignes du nom de paix, n'ont rendu que plus accablant et plus odieux (1); qui,

(1) La commission croit devoir ajouter ici l'observation importante que la plus grande partie des envahissemens et des réunions forcées, dont Buonaparte a successivement formé ce qu'il appeloit le grand Empire, a eu lieu pendant ces perfides intervalles de paix, plus funestes à l'Europe que les guerres mêmes dont elle fut tourmentée. C'est ainsi qu'il s'empara du Piémont, de Parme, de Gènes, de Lucques, des États de Rome, de la Hollande, des pays composant la trentedeuxième division militaire. Ce fut aussi dans une

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après avoir, par des entreprises insensées, fatigué la fortune, armé toute l'Europe contre lui, et épuisé tous les moyens de la France, a été forcé d'abandonner ses projets, et a abdiqué le pouvoir pour sauver quelques débris de son existence ; qui, dans un moment où les nation de l'Europe se livroient à l'espoir d'une tranquillité durable, a médité de nouvelles catastrophes, et, par une double perfidie envers les puissances qui l'avoient trop généreusement épargné, et envers un gouvernement qu'il ne pouvoit atteindre que par les plus noires trahisons, a usurpé un trône auquel il avoit renoncé, et qu'il n'avoit jamais occupé que pour le malheur de la France et du monde. Cet homme n'a d'autre garantie à proposer à l'Europe que sa parole. Après la cruelle expérience de quinze années, qui auroit le courage d'accepter cette garantie? Et si la nation françoise a réellement

époque de paix (au moins avec tout le continent) qu'il porta ses premiers coups contre le Portugal et l'Espagne, et il crut avoir achevé la conquête de ccs pays par la ruse et par l'audace, lorsque le patriotisme et l'énergie des peuples de la péninsule l'entraînèrent dans une guerre sanglante, commencement de sa chute, et du salut de l'Europe.

émbrassé sa cause, qui respecteroit davantage la caution qu'elle pourroit offrir?

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La paix avec un gouvernement placé entre de telles mains, et composé de tels élémens, ne seroit qu'un état perpétuel d'incertitude d'anxiété et de danger. Aucune puissance ne pouvant effectivement désarmer, les peuples ne jouiroient d'aucun des avantages d'une véritable pacification; ils seroient écrasés de charges de toute espèce; la confiance ne pouvant se rétablir nulle part, l'industrie et le commerce languiroient partout; rien ne seroit stable dans les relations politiques; un sombre mécontentement planeroit sur tous les pays, et du jour au lendemain, l'Europe en alarme s'attendroit à une nouvelle explosion. Les souverains n'ont certainement pas méconnu l'intérêt de leurs peuples en jugeant qu'une guerre ouverte, avec tous ses inconvéniens et tous ses sacrifices, est préférable à un pareil état de choses, et les mesures qu'ils ont adoptées ont rencontré l'approbation générale.

L'opinion de l'Europe s'est prononcée dans cette grande occasion d'une manière bien positive et bien solennelle; jamais les vrais sentimens des peuples n'ont pu être plus exactement connus et plus fidèlement interprétés que dans

un moment où les représentans de toutes les puissances se trouvoient réunis

la paix du monde.

pour consolider

TROISIÈME QUESTION.

Est-il nécessaire de publier une nouvelle déclaration?

Les observations que la commission vient de présenter, fournissent la réponse à la dernière question qui lui reste à examiner. Elle considère,

1° Que la déclaration du 13 mars a été dictée aux puissances par des motifs d'une justice évidente, et d'un poids si décisif, qu'aucun des sophismes par lesquels on a prétendu attaquer cette déclaration, ne sauroit y porter atteinte;

2o Que ces motifs subsistent dans toute leur force, et que les changemens survenus de fait depuis la déclaration du 13 mars, n'en ont point opéré dans la position de Buonaparte et de la France vis-à-vis des puissances;

3° Que l'offre de ratifier le traité de Paris ne sauroit, sous aucun rapport, changer les dispositions des puissances.

En conséquence, la commission est d'avis

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