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trés nos ancêtres. Toute plainte cessoit, toute querelle intestine s'apaisoit, dès qu'il étoit question du salut de la commune patrie ; c'est ainsi que, jusqu'à nos jours, la Suisse a été heureuse, libre et estimée des grandes puis

sances.

Nous allons maintenant nous expliquer davantage et avec une entière confiance envers vous sur la nécessité et le but de l'armement ordonné par nous et par vos gouvernemens.

La France, qui sous le sceptre bienfaisant de son Roi, jouissoit des suites heureuses de sa réconciliation avec le resté de l'Europe, est menacée de nouveau d'être le théâtre des secousses les plus violentes et d'une guerre civile. On attaque ce Roi que la Suisse a reconnu comme tous les états de l'Europe, avec lequel elle étoit prête à renouer des relations de bienveillance qui ont subsisté pendant des siècles entre la couronne royale de France et la confédération helvétique. Autant la rupture de ces anciennes relations avoit été douloureuse pour nous et funeste à notre liberté et à notre tranquillité intérieure, autant la nouvelle des derniers événemens nous a causé de vives alarmes.

Ce n'est cependant point le haut prix que

nous attachons à ces relations amicales qui détermine maintenant notre résolution. Une triste expérience apprend combien le destin de la France influe sur celui du reste de l'Europe; comment, d'après la tranquillité intérieure dont jouissoit ce grand état, ou les dissentions orageuses auxquelles il étoit en proie; les états voisins avoient de la sûreté pour le présent et de la confiance pour l'avenir, ou se voyoient également privés de ces deux avantages. Aucun peuple ne peut voir d'un œil indifférent éclater en France une nouvelle révolution, nous surtout qui, d'après la situation particulière de la Suisse, avons tout à espérer ou à redouter de ce voisinage.

De là résultent, confédérés, le devoir sacré, la nécessité urgente de contribuer avec autant de zèle que d'énergie à maintenir l'ordre et la tranquillité publique dans l'intérieur, à assurer notre territoire, l'indépendance et l'honneur de la confédération. A mesure que l'esprit d'insurrection se propage en France, le danger s'accroît pour nous dans la même proportion, et nos préparatifs doivent avoir de même plus d'activité et d'étendue.

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Quel Suisse n'aimeroit point à payer à la trie cette dette sacrée! Qui voudroit rester en

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arrière, lorsqu'il est appelé par l'honneur et le devoir ? Mais, ô confédérés, quand nous ne voudrions considérer que les relations extérieures de la Suisse, notre choix ne devroit pas être douteux. L'événement qui ébranle maintenant la France, porte atteinte au système politique de l'Europe, dont les fondateurs et les garans sont encore réunis au congrès de Vienne. Déjà ces puissans Souverains ont déclaré, par un acte solennel, leurs intentions d'une manière qui ne laisse plus lieu de douter que si la France manque des moyens nécessaires pour rétablir l'ordre et la tranquillité, l'Europe réunira de nouveau toutes ses forces pour recouvrer la paix générale, sauver et garantir encore une fois l'indépendance de tous les états. Pesez toutes ces considérations, chers confédérés; réfléchissez sur les suites, et chacun de vous sentira vivement que dans de telles circonstances, la Suisse ne peut pas s'empêcher de s'armer; que, par des mesures foibles ou incertaines, elle compromettroit ses intérêts les plus importans.

Si, au contraire, nous nous montrons aux yeux de l'Europe comme un peuple animé d'un véritable esprit national, qui prend l'attitude militaire la plus énergique pour la défense

de sa liberté, de sa religion, de ses lois et de ses foyers, alors la confédération peut concevoir les espérances les plus favorables; son salut est entre ses mains, et l'estime du monde assurera son avenir.

Dans cette persuasion, et d'après la volonté de nos cantons, nous avons ordonné à l'unanimité l'armement et la mise sur pied de tout le contingent de la confédération. Que ce même esprit de concorde règne entre vous, ô confédérés. Soyez toujours convaincus que la fidélité seule de vos pères a conservé leur lien fédératif, et que la même fidélité conservera la confédération actuelle. La diète vous demande de grands sacrifices, mais pour un but beaucoup plus grand encore ; des efforts tels que la Suisse n'en a point faits depuis un grand nombre d'années; mais jamais les circonstances n'ont été aussi graves ni aussi urgentes. Empressez-vous donc de faire ce que la patrie vous demande.

Le système adopté par la diète, et les ordres donnés aux commandans militaires, ont la défense de la Suisse pour objet. Ce système embrasse les anciennes frontières de la confédération, par conséquent les pays dont les hauts alliés ont garanti la reddition par le traité de

TOME V.

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Paris; cette fixation de nos frontières se fonde sur des droits sacrés aussi-bien que sur la loi de la nécessité, puisqu'autrement la confédération sans frontières n'auroit aucune sûreté.

Vous connoissez maintenant, chers confédérés, votre situation et nos sentimens. La diète compte sur votre appui : elle a besoin de votre confiance, elle s'efforcera de la justifier. Que le ciel bénisse nos efforts, et conserve notre chère patrie.

Donné à Zurich, le 24 mars 1815.

Au nom de la diète, son président le bourgmestre du canton de Zurich, DE WYSS.

No X.

Traité d'alliance conclu à Vienne le 25 mars 1815, entre les grandes puissances de l'Europe.

Au nom de la très-sainte et indivisible Trinité.

S. M. l'Empereur de toutes les Russies, et S. M. l'Empereur d'Autriche, Roi de Hongrie et de Bohême, considérant les suites que l'invasion de Napoléon Buonaparte en France et la situation actuelle de ce royaume peuvent avoir

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