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de l'ennemi. A un quart de lieue du champ de bataille, l'armée se reforma. L'ennemi ne se hasarda pas à la poursuivre. Le village de Brie resta occupé par nous pendant la nuit, ainsi que Sombreffe, où le général Thielmann avoit combattu avec le troisième corps d'armée, et d'où il se mit lentement en retraite à la pointe du jour pour Gembloux, où étoit enfin arrivé dans la nuit le quatrième corps de l'armée sous le général Bulow. Le premier et le deuxième corps se portèrent dans la matinée derrière le défilé de Mont-Saint-Guibert. Notre perte en tués et blessés étoit grande; du reste, l'ennemi ne nous avoit fait d'autres prisonniers qu'une partie de nos blessés.

La bataille étoit perdue, mais non l'honneur. Nos soldats avoient combattu avec une bravoure qui ne laissoit rien à désirer; et leur moral se maintenoit, parce que chacun avoit conservé toute confiance dans ses propres forces. Dans ce jour, le feld-maréchal Blucher avoit couru de grands dangers. Une attaque de cavalerie conduite par lui-même n'avoit pas réussi. Tandis que celle de l'ennemi poursuivoit avec vigueur, un coup de feu perça le cheval du feld-maréchal. L'animal, loin d'être arrêté dans sa course par cette blessure,

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s'emporta avec plus de fureur, jusqu'à ce qu'il tomba mort. Le feld-maréchal, étourdi par cette chute violente, resta engagé sous le cheval. Les cuirassiers ennemis s'avançoient en poursuivant leur avantage; nos derniers cavaliers avoient déjà dépassé le maréchal; un aidede-camp seul étoit resté près de lui, et venoit de mettre pied à terre, résolu de partager son sort. Le danger étoit grand; mais le ciel veilloit sur nous. Les ennemis, en continuant la charge, passèrent brusquement près du feld-maréchal, sans l'apercevoir et l'instant d'après, une seconde charge de notre cavalerie les ayant repoussés, ils repassèrent avec la même précipitation, et ne l'aperçurent pas plus que la première fois.

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Alors on dégagea, non sans peine, le feldmaréchal de dessous le cheval mort, et il remonta aussitôt sur un cheval de dragon.

Le soir du 17 juin, l'armée prussienne se concentra dans les environs de Wavres. Napoléon se mit en mouvement contre lord Wel

lington, sur la grande route qui conduit de Charleroy à Bruxelles. Une division angloise soutenoit le même jour, près des Quatre-Bras un combat très-violent contre l'ennemi. Lord Wellington avoit pris position sur la route

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de Bruxelles, ayant son aile droite appuyée contre Breine-la-Leud, le centre près le MontSaint-Jean, et l'aile gauche contre la HayeSainte. Lord Wellington écrivit au feld-maréchal, qu'il avoit résolu d'accepter la bataille dans cette position, si le feld-maréchal vouloit le soutenir avec deux de ses corps d'armée. Le maréchal promit de venir avec toute l'armée;

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proposa même que, dans le cas où Napoléon n'attaqueroit point, les alliés l'attaquassent eux-mêmes le lendemain avec toutes leurs forces réunies. On peut juger par-là combien peu le combat du 16 avoit désorganisé l'armée prussienne, et affoibli sa force morale.-Ainsi se termina la journée du 17.

Bataille du 18.

A la pointe du jour l'armée prussienne se remit en mouvement. Le quatrième et le cinquième corps d'armée marchoient par SaintLambert, où ils devoient prendre une position couverte dans la forêt située près de Frichemont, pour prendre à dos l'ennemi lorsque l'action paroîtroit favorable. Le premier corps d'armée devoit opérer par Ohain sur le flanc droit de l'ennemi. Le troisième corps devoit

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suivre lentement, pour fournir du secours en cas de besoin. La bataille commença vers les dix heures du matin.

L'armée angloise occupoit les hauteurs de Mont-Saint-Jean; celle des François étoit sur les hauteurs devant Plancheniat; la première étoit forte d'environ quatre-vingt mille hommes: l'ennemi en comptoit au-delà de cent trente mille. En peu de temps la bataille devint générale sur toute la ligne. Il paroît que Napoléon avoit le dessein de rejeter l'aile gauche sur le centre, et de consommer ainsi la séparation de l'armée angloise d'avec l'armée prussienne, qu'il croyoit en retraite sur Maestricht. A cet effet, il avoit placé la plus grande partie de sa réserve au centre contre son aile droite, et sur ce point il attaqua avec fureur. L'armée angloise combattit avec une bravoure qu'il est impossible de surpasser. Les charges répétées de la vieille garde échouèrent contre l'intrépidité des régimens écossois, et dans tous les chocs la cavalerie françoise fut culbutée par cavalerie angloise. Mais la supériorité numérique de l'ennemi étoit trop grande. Napoléon portoit continuellement en avant des masses considérables, et avec quelque fermeté que les troupes angloises se maintinssent dans leur

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position, des efforts aussi extraordinaires de voient avoir un terme.

Il étoit quatre heures et demie. Les difficultés excessives qu'avoit présentées le passage du défilé de Saint-Lambert, avoient considérablement retardé la marche des colonnes prussiennes, de manière que seulement deux brigades du quatrième corps d'armée étoient arrivées à la position couverte qui leur étoit assignée. Le moment décisif étoit arrivé, et il n'y avoit pas un instant à perdre. Les généraux ne le laissèrent pas échapper. Ils résolurent de commencer sur-le-champ l'attaque avec les troupes qui se trouvoient à leur portée. En conséquence, le général Bulow, avec deux brigades et un corps de cavalerie, avança rapidement sur le dos de l'aile droite de l'ennemi. L'ennemi ne perdit point la présence d'esprit; il tourna sur-le-champ sa réserve contre nous, et un combat meurtrier commença aussi sur ce point. Long-temps le combat fut incertain, et la lutte engagée contre l'armée angloise n'en continua pas moins avec la même violence.

Vers les six heures du soir, nous reçûmes la nouvelle que le général Thielmann, avec le troisième corps d'armée, se trouvoit attaqué près de Wavres par un corps ennemi très-consi

TOME V.

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