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ment concertée, il l'a rompu et anéantį, qu'ainsi il n'en peut inférer aucuns nouveaux droits, qui ne peuvent jamais avoir un crime évident pour base. Il s'est donc mis, dans la plus rigoureuse acception du terme, hors du droit et de la loi; il n'appartient plus à l'ordre social et civil; il s'est livré lui-même au ban que les signataires du traité de Paris ont prononcé contre lui au nom de toutes les autres Puissances de l'Europe, avec une pleine autorisation et le consentement unanime de leurs contemporains.

Les intentions qui ont dirigé cette mesure sont suffisamment justifiées et dignes d'approbation, si l'on considère qu'elles sont les mêmes que celles auxquelles l'Europe doit sa délivrance, auxquelles la grande alliance à laquelle la France, guidée par les mêmes vues, a accédé plus tard, doit son origine, et l'époque actuelle sa gloire et son éclat. Les fondateurs et les membres de cette alliance, quoiqu'ils n'eussent aucune crainte réelle d'une entreprise qui sembloit braver le résultat de leurs glorieuses victoires, et menacer le répos de l'humanité assuré par tant d'efforts et de sacrifices, n'ont pu néanmoins garder le silence sur ce sujet. Ce n'est pas contre les moyens personnels et les

forces de Buonaparte, mais contre sa première tentative, toute impuissante qu'elle est, de relever son affreux système, que leur déclaration est dirigée. Devenu une sorte de phantôme, il ne peut plus faire trembler l'Europe. Qu'il puisse même troubler long-temps et sérieusement le repos de la France seule, c'est ce que ne croira point possible quiconque connoîtra plus ou moins la situation de l'intérieur de ce pays, les dispositions actuelles de ses habitans et les ressources de son gouvernement. Mais le mépris ne suffit en aucun cas contre l'esprit dans lequel ce nouvel attentat a été conçu, et lorsqu'il se porte à des entreprises, il doit être traduit devant le tribunal de l'Europe et solennellement flétri.

En outre, on a plusieurs raisons de croire que de vains bruits sur de prétendues mésintelligences entre les grandes cours ont été le premier mobile de la tentative insensée de Buonaparte. Il étoit donc de la dignité des souverains réunis à Vienne et de leurs ministres, de convaincre le monde par une démarche solennelle et imposante, que les principes de 1815 et 1814 n'ont pas cessé un instant d'être la règle de leur conduite; et que, fermement résolus d'achever leur ouvrage, de le consolider

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et de le maintenir, ils sont prêts à combattre ensemble et de concert, comme un ennemi commun, quiconque voudroit menacer par une nouvelle guerre ou de nouvelles révolutions la paix générale de l'Europe.

Considérée sous ce point de vue, la déclaration du 13 mars, quand même la cause qui l'a occasionnée auroit déjà cessé, et que le sort que Buonaparte, s'est attiré lui-même seroit rempli, sera un monument digne d'être conservé dans l'histoire du temps, et qui fera éternellement honneur à l'esprit qui anime le congrès, à l'union et à la noblesse de sentimens des alliés, ainsi qu'à la sagesse de leurs mi

nistres.

No III

Nouvelles réflexions du même journal, sous la date du 4 avril.

du

RIEN n'est plus remarquable que les efforts gouvernement de Napoléon pour persuader au public, tant à Paris que dans le reste de la France, que la déclaration des Puissances du 13 mars est une pièce supposée, et qu'elle a été fabriquée à Paris. C'est une preuve que cette déclaration, malgré toutes les mesures da

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gouvernement, est très-répandue dans la capitale, et que le gouvernement auroit le plus grand intérêt à faire croire au peuple que l'événement qui a ramené momentanément Napoléon aux Tuileries, à eu lieu, ou de concert avec les Puissances de l'Europe, ou du moins par la connivence de quelques-unes d'entre elles.

La manière solennelle et décisive dont la déclaration prononce qu'il n'y a point de paix avec Buonaparte, la perspective évidente, même pour lui, des maux incalculables que son retour va répandre de nouveau sur la France, après une courte jouissance du repos qu'elle avoit si long-temps désiré ; l'idée que ce funeste présage est inséparable de son nom dans tous les esprits, tels sont les motifs qui déterminent le dominateur du moment à ne rien épargner pour faire ignorer aussi long-temps que possible à unepartie du peuple françois la proscription fatale dont l'Europe l'a frappé.

Cependant ce grand arrêt a été prononcé. Les ménagemens que les Puissances alliées en entrant en France en 1814, ont montrés pour les vœux et les droits d'un peuple libre et indépendant, ne sont point encore effacés du souvenir de ce peuple. Les mêmes Puis

sances attaquent encore aujourd'hui le même fléau; elles ne veulent qu'une paix sûre et durable; mais elles ne regarderont jamais comme une paix un état de choses qui pourroit fournir à un despotisme militaire les moyens de menacer sans cesse ses voisins; un état qui forceroit les autres Puissances à faire toujours de nouveaux efforts et de nouveaux sacrifices.

L'opinion de la nation se prononce trèshautement dans les provinces du midi et de l'ouest de la France. Un morne abattement règne à Paris. Le départ de tous les étrangers, l'interruption du commerce et de toutes les relations au-dehors, l'isolement où la France se trouve subitement jetée, sont autant d'événemens qui porteront bientôt le public de la capitale à exprimer le vœu de n'être plus exclu de toute communication avec les autres peuples. La France est menacée aujourd'hui de la guerre avec toute l'Europe, d'une révolution dans l'intérieur, et du retour de toutes les calamités qui l'ont affligée depuis vingt-cinq ans. Il y a peu de temps que cet état estimé et honoré étoit rentré dans le rang des premières puissances; il étoit appelé à faire de grandes choses, tant pour son avantage que

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