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de famille, j'ai examiné la question avec une scrupuleuse attention; j'ai pesé consciencieusement les motifs apportés par les habiles avocats... Je me suis décidé pour la négative. Mais, pour que tous ceux qui daigneront parcourir ce recueil aient à leur disposition tous les matériaux nécessaires pour se former une opinion, je rapporterai en entier la consultation de mon père, le plaidoyer de Me Horson prononcé dans le même sens, celui de l'adversaire, Me Dupin jeune, tels qu'ils se trouvent dans la Gazette des tribunaux, et le jugement rendu par le tribunal de com

merce, ⠀⠀

CONSULTATION DE MÅ PERSIL.

(Cette consultation fut faite pour divers actionnaires de la Société dite des Messageries de commerce, sous la raison Armand, Lecomte et compagnie.)

"

Le contrat de société, dit l'article 18 du Code de commerce, se règle par le droit civil, par les lois particulières au commerce et par les conventions des parties.

Le droit civil définit la société, en général, un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en com mun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter (art. 1832 du Code civil).

Dans ce contrat, les personnes jouent le principal rôle; c'est leur convenance personnelle,

c'est le choix qu'elles font respectivement l'une de l'autre, c'est l'accord qu'elles attendent de cette réunion qui les ont déterminées à contracter; l'intervention d'un tiers que l'une d'elles seulement n'agréerait pas serait repoussée, ainsi que le décide l'article 1861 du même Code civil..

Les lois particulières au commerce ne déro, gent pas à cette règle; il résulte même des défini tions qu'elles donnent des diverses espèces de société, que, sauf l'exception relative à la société anonyme, où ce sont seulement des capitaux qu'on associe, chacune d'elles se détermine et se fixe d'après la considération des personnes,

Nous ne nous arrêterons pas à démontrer cette vérité relativement aux sociétés en nom collectif; le simple bon sens révèle que deux ou plusieurs personnes ne peuvent pas mettre en commun leur fortune, leur industrie, leur responsabilité personnelle, sans se connaître et s'agréer. Il faut faire, discuter et signer le pacte social, et tout cela ne peut avoir lieu entre des anonymes.

Il en doit être de même pour la société en commandite; c'est au moins ce que suppose la définition qu'en donne, en ces termes, l'article 23 du Code de commerce :

« La société en commandite se contracte entre » un ou plusieurs associés responsables et soli» daires, et un ou plusieurs associés simples bail

» leurs de fonds, que l'on nomme commandi>> taires ou associés en commandite. >>

La considération des personnes entre encore pour beaucoup dans la formation de ce contrat. C'est parce que l'on connaît la moralité, la capacité, la fortune des gérans que l'on consent à leur confier ses capitaux. C'est parce que les gé+ rans son édifiés sur le caractère paisible des commanditaires, sur leur exactitude à remplir leurs engagemens, qu'ils les reçoivent parmi eux. Les uns et les autres consentent à se recevoir et à contracter ensemble: or, pour contracter, il faut se voir, se connaître, et signer, pour ainsi dire, sous les yeux les uns des autres.

Dans les deux espèces de société que nous venons de définir, il y a société de personnes d'a bord et de capitaux ensuite, à la différence de la société anonyme, dans laquelle il n'y a que société de capitaux sans réunion de personnes, et sans même qu'il soit besoin de l'indication de leur nom.

De là cette différence que nous essayons en ce moment de démontrer, entre les actions de l'une ou l'autre espèce de société et leur mode de transmission.

Dans la société anonyme, tout doit rester inconnu, hors le capital social. Quels que soient les titulaires des actions, les choses n'en restent pas moins ce que le pacte social et l'ordonnance

royale les ont faites: peu importe que les actions soient nominatives ou au porteur.

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Dans la société en commandite, au contraire, les contractans ne peuvent pas ne pas se connaître. Dès qu'ils ont contracté des obligations respectives, il faut bien qu'ils sachent où se trouver pour se contraindre réciproquement à les exécuter. De là cette conséquence, que, si la commandite est divisée en actions, ces actions doivent être nominatives et non au porteur, et que, si elles sont transmissibles sans l'agrément de la société, la transmission ne peut s'opérer que par un acte qui fasse connaître le légitime titulaire.

Toutefois l'article 18 du Code de commerce, qui a servi de point de départ à notre discussion, porte que, outre le droit civil et les lois particulières au commerce, les conventions des parties doivent aussi régir le contrat de société; or, pourquoi ces conventions ne pourraient-elles pas établir que les actions d'une société en commandite seraient au porteur?

Parce qu'il y aurait incomptabilité absolue entre les actions au porteur et les règles de la société en commandite; parce qu'avec le caractère de ces actions et le mode de transmission, il n'y aurait jamais de société de personnes se connaissant et s'étant déjà agréées; parce qu'enfin cette stipulation et la facilité qu'elle donnerait de placer anonymement les actions contien

draient une dérogation aux règles qui sont de l'essence des sociétés en commandité.

Attachons-nous de suite à prouver toutes ces propositions.

Que la société en commandite soit nécessairement une société de personnes d'abord et ensuite de capitaux, c'est ce qui résulte de tout ce qui précède. L'article 23 du Code de commerce, que nous avons transcrit, ne laisse rien à désirer à cet égard.

S'il en est ainsi, on ne peut pas (nous ne dirons pas convenir, car la convention suppose une proposition agréée par des personnes qui se voient ou au moins qui s'entendent), mais établir que les actions seront au porteur. Aucun lien n'existerait ni entre les commanditaires entre eux, ni entre les commanditaires et les gérans. Tous seraient inconnus les uns aux autres; ils seraient en société sans avoir contracté ensemble, sans s'être vus, sans se connaître, et souvent quand il existerait une incomptabilité qui les éloignerait les uns des autres.

Lorsque la commandite est divisée en actions nominatives, le contrat est formé entre personnes qui se connaissent; le nom des titulaires est dans les registres de la société. Si, plus tard, les actions passent dans des mains ignorées, c'est en vertu des pouvoirs que l'on a donnés aux premiers titulaires, auxquels on s'en est rapporté

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