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3. Le caractère de l'association en participation bien établi, il sera facile de la distinguer de toute autre société, et surtout de celle en nom collectif, avec laquelle souvent elle a quelque ressemblance. Toutes les fois que plusieurs individus se réunissent dans le but de terminer soit une, soit plusieurs affaires déterminées, il existe entre eux une association en participation: et, ce qui est digne de remarque, c'est que la valeur des opérations ne change pas sa nature. Ainsi on peut s'associer en participation pour des affaires d'une haute importance, quand une société en nom collectif peut n'avoir pour but que des opérations d'un mince intérêt. Cette société, au dire de Jousse et des autres commentateurs de l'ordonnance de 1673, était connue dans le monde commercial sous le nom de société anonyme. L'ordonnance n'en parlait pas.

4. La différence entre les sociétés et les associations en participation est d'un grand poids, et pour les intérêts des tiers et pour les intérêts des associés.

5. Si les tiers parviennent à prouver que, loin d'avoir voulu former une participation, les associés n'ont formé qu'une société collective, alors ils ont un recours contre tous les sociétaires qui, aux termes de la loi, sont tenus solidairement de tous les engagemens sociaux. Pour les associés en participation, la solidarité n'existe pas. Il faut

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qu'ils l'aient promise, pour qu'on puisse l'invoquer contre eux. (Arrêt de rejet de la Cour de cassation, 9 janvier 1821. Journal du Palais, 1822, t. 1, p. 556.) Quand bien même ils auraient tous signé un engagement sans faire mention de la solidarité, je crois encore contrairement à l'opinion de M. Pardessus (t. iv. p. 160), qu'ils ne sont pas engagés solidairement; car, dans le silence de la loi il faut se référer au principe général, et il est de principe général que la solidarité ne se présume pas, qu'elle doit être expressément stipulée (art. 1202, Cod. civ.). Cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi (idem). Ici la solidarité n'est ni stipulée par les parties, ni ordonnée par la loi, elle ne doit donc pas exister. Mais, dira-t-on, les associés ayant tous signé, il est de toute vraisemblance que, par cette signature collective, ils ont entendu s'engager solidairement. Où en est la preuve? N'est-il pas plus juste de croire qu'ils ont voulu tous s'engager, il est vrai, mais seulement pour leur part et portion? Dans le doute il faut interpréter l'acte en faveur des débiteurs : car les créanciers certant de lucro captando, tandis que les sociétaires certant de damno vitando. Il y a donc pour les associés en participation, signataires de l'engagement, l'équité et le texte de la loi; c'est pour ce double motif que je décide la question dans le sens qui

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leur est favorable. Pothier pense aussi, avec la majorité des auteurs qui ont traité la matière, que les associés en participation, malgré leur signature collective; ne sont pas obligés solidairement.

6. Les créanciers d'une société en participation doivent-ils être payés sur l'actif social, par préférence aux créanciers personnels des participans? Cette importante question qui n'a pas encore reçu une solution définitive, offre de trèsgrandes difficultés. La jurisprudence de la cour de Paris a varié. Je vais rapporter ses deux arrêts, pensant bien que mes lecteurs me sauront gré de leur fournir toutes les autorités qui les mettront à même de prendre un parti.

Le 26 juin 1824, la troisième chambre de la Cour royale de Paris, présidée par M. Desèze, a statué ainsi :

« Considérant que la raison et l'équité, d'ac>> cord avec la jurisprudence, indiquent que l'effet >> des associations en participation est d'obliger » les associés les uns envers les autres pour le ré»sultat de leurs avances respectives, comme pour » celui des bénéfices ou pertes, et de les obliger

aussi, soit solidairement, soit personnellement, » selon les circonstances, envers les tiers créan» ciers spéciaux de la société pour fournitures et » avances de fonds employés au service social, » en telle sorte que les créanciers spéciaux ont un » droit privilégié sur l'actif de la société, a l'ex

»clusion des créanciers particuliers des associés;

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» Que, s'il en était autrement, les créanciers » d'une entreprise de fournitures en participation » seraient à la merci des créanciers particuliers d'obligations personnelles du titulaire ou des » participans, pour cause étrangère aux affaires » sociales, inconvénient que le législateur a prévu » et évité pour les sociétés commerciales ordi»> naires, et que nécessairement il a voulu éviter >> pour les associations en participation, que la >> loi reconnaît aussi :

>>

>> Par ces motifs, la Cour confirme le jugement de première instance qui ordonnait que les créan>> ciers de la société seraient payés par préférence >> aux créanciers particuliers des associés. »

La même question s'est représentée devant la même chambre de la Cour, présidée cette fois par le vénérable doyen des présidens, M. Lepoitevin. Elle a reçu une solution différente.

Voici l'espèce rapportée par la Gazette des Tribunaux du 4 août 1831:

<< Mouroult, spéculateur sur les terrains, avait » acquis tous ceux situés entre la rue de Rivoli et » celle Saint-Honoré. Il forma pour faire des >> constructions sur ce terrain, une société en » participation avec les sieurs Vautier et Meslier. » La mise de Mouroult consista dans les terrains » qui lui appartenaient, estimés 800,000 fr.; les >> deux autres associés apportaient leur travail et

>> leur industrie, et s'obligeaient à faire exécuter tous >> les travaux projetés; Mouroult devait fournir les » fonds et faire les emprunts nécessaires, après » s'être concerté avec ses co-associés. L'acte portait expressément qu'il ne serait pas publié, puis» qu'il s'agissait d'une société en participation.

» Mouroult succomba sous le poids des char>> ges qu'il avait contractées, et, en septembre

1826, fut déclaré en faillite. Un syndicat fut >>formé, qui obtint l'administration de l'entreprise >> conçue par Mouroult. Bientôt un débat grave » s'établit entre Vautier père, Meslier fils, Ver» gnon etVautier fils. Ceux-ci se prétendant créan» ciers de la société, soutinrent qu'ils devaient » être payés de préférence aux créanciers qui, » n'ayant traité qu'avec Mouroult, n'avaient que » la personne de ce dernier pour obligée. C'était » établir, pour la société de commerce en parti>> cipation créée par le failli, la séparation des patrimoines et la distinction entre les divers » créanciers, que l'on adopte pour les sociétés » en général.

» C'est ce système que repoussa le tribunal de » commerce de Paris, par son jugement du 25 » février 1830, par les motifs qu'une association » en participation, bien que reconnue par la loi, présente un caractère distinct des autres so» ciétés; que l'être moral, qui, dans toute société, » existe en dehors de chacun des associés, ne re

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