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de plusieurs moutons, les réunissent pour former un troupeau commun, il y a là société des choses mêmes. Alors tout le troupeau appartient également à ces deux individus : ils sont deveuus propriétaires de toutes les têtes de bétail, ils ont sur chaque mouton des droits égaux. Viennent-ils à vendre un mouton, ils en partagent le prix sans s'inquiéter quel était, avant la communauté, le propriétaire du mouton vendu. Si le troupeau périt, la perte à supporter se partage entre les deux sociétaires, sans que l'un soit reçu à établir un calcul tendant à prouver que la maladie épargna plutôt ses moutons que ceux de son associé. La perte, comme les profits, est commune.

29. Mais si la société ne porte que sur l'usage du troupeau, ou sur les fruits à en percevoir, les deux associés jouiront, sans contredit, du troupeau. Y a-t-il communauté pour l'usage du troupeau, pour fumer les terres; ou bien communauté pour les fruits à en percevoir, pour le croît? Dans l'un et l'autre cas, la jouissance est commune; les profits se divisent, car la société existe seulement pour les profits, et non pour les choses elles-mêmes. Il n'y a pas là copropriété du troupeau, mais seulement communauté pour le droit de jouissance. Aussi, dans le cas où le troupeau dépérirait, on appliquerait la règle res perit domino, c'est-à-dire la perte tomberait en entier sur celui des associés à qui la chose appartenait.

30. Il faudrait faire la même distinction à l'égard de deux marchands qui se seraient associés pour la vente des marchandises qu'ils avaient dans leurs boutiques.

a 31. Il y a encore société particulière, lorsque plusieurs personnes s'associent, soit pour une de fine. entreprise désignée, soit pour l'exercice de quel-h que métier ou profession (art. 1842 ).

32. Les sociétés pour l'exercice d'un métier ou

d'une profession doivent, comme toutes les autres

sociétés, être licites. Par exemple, si tous les atenta maçons d'une ville se réunissaient pour l'exercice alter de leur métier, et convenaient de ne point travailler si on ne leur payait leurs journées à un prix supérieur à celui fixé ordinairement pour V les journées de maçons, la société par eux

formée serait illicite. Tous les membres de cette association seraient passibles de l'article 419 du Code pénal. Cet article 419 est ainsi conçu : « Tous ceux qui, par des faits faux ou calomnieux » semés à dessein dans le public, par des sur>> offres faites aux prix que demandaient les ven» deurs eux-mêmes, par réunion ou coalition » entre les principaux détenteurs d'une même » marchandise ou denrée, tendant à ne la pas » vendre, ou à ne la vendre qu'à un certain prix, » ou qui, par des voies ou moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la » baisse du prix des denrées ou marchandises, ou

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>> des papiers et effets publics, au dessus ou au » dessous des prix qu'auraient déterminés la con

currence naturelle et libre du commerce, se >> ront punis d'un emprisonnement d'un mois au » moins, d'un an au plus, et d'une amende de >> cinq cents francs à dix mille francs. Les coupables pourront de plus être mis, par l'arrêt ou » le jugement, sous la surveillance de la haute » police pendant deux ans au moins et cinq ans » au plus. >>

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33. Cet article exclut formellement le monopole. Il ne veut pas que les moyens d'existence des habitans soient réunis uniquement dans les mains de certains hommes, aveuglés par l'intérêt personnel au point de porter les marchandises à un prix si élevé, que leur achat serait impossible pour la classe ouvrière, ordinairement peu aisée.

Cet article poursuit de la même haine et le mo nopole des marchandises, et le monopole du travail, assimilé aux marchandises quant au prix perçu pour salaire. Toutes ses dispositions sont justes, mais elles ne doivent pourtant pas, dans leur application, dépasser l'intention du législa teur.

34. L'article 419 sera-t-il applicable dans l'espèce suivante qui a fait l'objet d'une consultation? Plusieurs négocians forment une société, qui a' pour but le roulage. Entre autres statuts, elle porte ceux-ci: 1° Si un commissionnaire de rou

lage refuse de faire partie de l'association, il 'est regardé comme étant en concurrence avec la société; 2° il est défendu à tout associé d'avoir des relations avec lui.

On prétend, pour soutenir l'illégalité d'une pareille société, que cette association a tous les caractères et d'une jurande prohibée par la loi du 2 mars 1791, et d'une coalition défendue par l'article 419 du Code pénal.Voyons si l'objection est fondée.

Ce n'est que par une fausse application de l'article 419 que l'on soutient l'illégalité de cette association. Nous avons dit plus haut que cet article portait l'exclusion formelle de tout monopole. Toute la question consiste à savoir si l'association critiquée à ce caractère de monopole prohibé par l'article 419.

Examinons d'abord ce que l'on entend par monopole. Le Dictionnaire de l'Académie le définit ainsi : << Vente faite par un seul de marchan>> dises, de denrées dont le commerce devrait » être libre. Il se dit aussi, ajoute le Dictionnaire, » de toutes les conventions iniques que les marchands font entre eux dans le commerce pour » altérer de concert quelques marchandises » ou les vendre plus cher. » Voici la définition que notre savant Merlin donne du monopole : « C'est, dit-il, l'abus de la faculté qu'on s'est procurée de vendre seul des marchandises, des » denrées dont le commerce devrait être libre. Il

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» se dit aussi de toutes les conventions iniques >> que les marchands font entre eux dans le com» merce, pour altérer ou enchérir de concert quelques marchandises. >>

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Ainsi, le monopole, et par ce mot je résume l'idée de destruction de la libre concurrence du commerce, le monopole, défini par le Dictionnaire et M. Merlin, se rattache à la définition détaillée du Code pénal. La loi ne défend que le monopole des marchandises et des denrées : mais elle n'exclut pas l'achat exclusif qu'une société pourra faire des travaux, des talens d'un homme. Que demande l'association du roulage? Elle dit à tous les commissionnaires qui sollicitent la faveur d'entrer dans la société: Je vous agrée, mais à la condition que vous livrerez tous vos travaux à la société; que vous ne partagerez pas vos soins entre notre entreprise et les entreprises rivales. Songez bien qu'une fois agréé, si vous vous rendez coupable d'une contravention, une forte amende punira l'infidélité à vos engagemens. Voilà nos statuts; s'ils vous plaisent, acceptez-les; sinon, vous serez regardé comme voulant vous constituer en concurrence avec notre établissement, et nous tâcherons, par tous les moyens légaux, de capter la faveur publique à votre préjudice. Tel est à peu près le résumé de l'esprit de la société. Les signataires veulent, comme toute entreprise qui commence, gagner la faveur du public. Et vien

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