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tions, ou à rester à découvert dans votre maison en ruines. On doit appliquer aux maçons l'article 419, parce que leur association est dans l'esprit de la loi, qui a voulu empêcher qu'on fit monter injustement les prix d'une chose au-delà de sa valeur réelle. Mais ne transgressons pas son esprit, en appliquant l'article 419 à des cas qu'il n'a pas prévus; car pour l'application d'une peine on doit être circonspect. Que l'on n'intervertisse pas l'ordre tracé par le législateur; il avait pour but d'accabler les accapareurs, ayons soin de ne pas étendre la loi à un prétendu monopole qu'il était loin de prévoir. ...

En résumé, l'association des commissionnaires de roulage est licite, elle ne contient rien de con. traire, soit à l'esprit, soit à la lettre de la loi; elle n'a pour objet ni de faire hausser ni de faire baisser le prix des transports; c'est une mesure conservatoire, un moyen de mettre les petites industries en état de lutter avec une plus grande qui les menaçait toutes. Son but est trop équitable pour n'être pas approuvé par la justice.,

35. Remarquons bien que la seule association pour faire monter où baisser les prix des marchandises et des journées de travail (assimilées par nous aux marchandises), ne suffit pas pour faire prononcer les peines portées par l'article 419 du Code pénal. Il faut que cette association ait réussi à faire hausser ou tomber les prix. Ainsi, en sup

posant que l'association ait été connue avant la réalisation des projets formés par son auteur, les associés coupables en équité, ne le seraient pas devant la loi, et par conséquent ne seraient soumis à aucune peine. En effet, que dit l'article 419 du Code pénal? Il ne poursuit de sa juste rigueur que les individus qui, par tous les moyens qu'il énonce, auront opéré la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises ou des papiers, etc., etc. Il faut absolument qu'il y ait hausse ou baisse opérée; sans quoi, pas de pour suite. Telle est la jurisprudence de la Cour de cassation. (Voir Carnot, t. 2, p. 368. Code pénal.)« Elle veut que la hausse ou la baisse ait été » le résultat des manoeuvres employées si les » manœuvrés ne l'avaient pas produite, il n'y au>> rait eu que simple tentative du délit, et la ten»tative en cette matière n'a pas été mise par le >> Code au rang des délits punissables. >> En matière pénale tout est de droit rigoureux; le juge ne peut appliquer une peine par induction, par analogie d'un cas à un autre; si la loi ne prononce pas, il doit se taire. C'est ainsi que le veut la justice, c'est ainsi que s'est fixée la jurisprudence de la Cour de cassation.

Administrateurs de la société.

36. On traitera, ou non, l'administrateur d'une société comme mandataire, selon que ses pou

con

voirs lui auront été donnés par l'acte même stitutif de la société, ou par un acte postérieur.

37. L'administrateur, nommé par une clause spéciale du contrat, a des pouvoirs très-étendus. Ainsi, il peut faire, nonobstant l'opposition des autres associés, tous les actes dépendans de son administration, pourvu que ce soit sans fraude (art. 1856).

Il est plus que le mandataire de la société. Car le pouvoir d'un mandataire serait toujours révocable, tandis que le sien ne peut lui être retiré sans cause légitime, pendant toute la durée de la société (art. 1856).

La raison de cette étendue, de cette irrévocabilité de pouvoir vient de ce que la nomination de l'administrateur est une condition du contrat, puisque l'associé administrateur n'a consenti à la société qu'à la charge que les sociétaires lui confèreraient l'administration.

38. Si, au contraire, le pouvoir ne fut donné que par un acte postérieur au contrat de société, il est révocable comme un simple mandat (art. 1856).

39. Toute la puissance attribuée à l'administrateur ne doit pas servir ses propres intérêts; elle ne lui est donnée que pour l'utilité spéciale de l'association. Le législateur lui fait une loi formelle d'administrer dans l'intérêt de la société. Si, se méprenant sur le caractère de ses fonctions,

l'administrateur ne voit dans le pouvoir qu'elles lui procurent que la facilité d'avancer sa propre fortune, il existe alors une cause légitime de révocation (art. 1856).

40. S'il s'approprie ou recèle ce qui fait partie de la communauté, ou s'il le tourne à son usage, il commet un larcin, et il doit des dommages. intérêts à ses co-associés.

41. Quid? si l'administrateur emploie la signature sociale pour des affaires personnelles, se rend-il coupable d'un faux ? Il n'y a pas là faux caractérisé, il y a seulement escroquerie. Il donnerait aux obligations, contractées par lui, une fausse cause, et ne commettrait qu'un délit de dol, fraude et simulation, simplement justiciable du tribunal correctionnel (1).

42. L'associé administrateur peut faire, nonobstant l'opposition de ses co-associés, les actes qui dépendent de son administration (art. 1856). Comme l'observe fort bien M. Delvincourt, ce mot administration comporte une plus plus grande étendue dans les sociétés commerciales, surtout dans celles en nom collectif, que dans les sociétés civiles. Ainsi, dans la société en

(1) Mais on jugerait autrement, si un des associés se servait de la signature sociale, après la dissolution de la société. Il y aurait alors un véritable faux. (Journal du Palais, 1807 t. 1, p. 145.)

nom collectif, l'associé administrateur peut vendre toutes les marchandises, il a même pouvoir pour engager ses co-associés : tandis que dans les sociétés civiles, si la clause qui lui confère l'administration est spéciale, il doit se renfermer dans les termes de la clause; si elle est générale, il n'a que la faculté d'accomplir les simples actes d'administration; il ne peut aliéner, hypothéquer les immeubles de la société, transiger, compromettre, sans le consentement de ses co-associés.

43. Il faut que cet acte de société, donnant par une clause spéciale pouvoir à un seul individu de faire tous les actes d'administration à l'exclusion de tout autre sociétaire, reçoive la publicité. Si on le tient caché, on ne pourra l'opposer par la suite aux tiers de bonne foi, et l'intérêt de la société pourra se trouver compromis. Si les asso. ciés, auxquels l'acte constitutif défend d'administrer, traitent, malgré cette prohibition, avec des tiers, ceux-ci, si l'acte de société n'a pas été rendu public, réputés avoir agi de bonne foi dans P'ignorance complète des conventions sociales, auront droit à exiger de la société l'accomplissement de l'obligation. (Arrêt de cassation. Journal du Palais, an 1830, t. 1 p. 543.)

44. Souvent, dans une société, un seul individu n'est pas chargé de l'administration. On partage cette tâche entre plusieurs sociétaires, qui, suivant les conventions, ont ou des fonctions

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