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était débiteur, sans désignation spéciale, de dix barriques de vin, dont il fera l'apport à la société, malgré le malheur qui le frappe.

66. Pour apprécier encore la responsabilité de la société, il faut examiner si les biens, mis dans la société, y sont apportés pour la propriété, où seulement pour la jouissance. S'ils y sont pour la propriété, leur perte est à la charge de la société; s'ils n'y sont que pour la jouissance, ils restent aux risques de l'associé propriétaire. Mais pour qu'il en soit ainsi, ils doivent ne pas être dans la classe de ceux qui se consomment par l'usage (art. 1851).

Car, si les choses apportées dans la société se consomment par l'usage, si elles éprouvent une détérioration en les gardant, si elles ont été destinées à être vendues, ou si elles ont été mises dans la société sur une estimation portée par un inventaire, elles sont aux risques de la société.

Si elles ont été estimées, l'associé ne peut répéter que le montant de son estimation (art. 1851).

67. L'associé qui devait apporter une somme dans la société, et qui ne l'a point fait, devient, de plein droit et sans demande, débiteur des intérêts de cette somme, à compter du jour où elle devait être payée.

Il en est de même à l'égard des sommes qu'il a prises dans la caisse sociale, à compter du jour

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où il les en a tirées pour son profit particulier; Le tout sans préjudice de plus amples dommages-intérêts, s'il y a lieu (art. 1846).

68. Cette disposition de la loi reçoit quelquefois une application plus sévère envers certains associés. En règle générale, il faut, pour demander à un associé l'intérêt des sommes qu'il a prises dans la caisse sociale, prouver que réellement il a fouillé dans la caisse pour prendre les fonds dont on réclame les intérêts. On n'a pas besoin de cette preuve, quand le sociétaire a le caractère de gérant. Par cela seul qu'il ne justifie pas de l'emploi des deniers sociaux, il en doit, de plein droit, l'intérêt, indépendamment de toute demande judiciaire, parce qu'on présume qu'il les a tirés de la caisse pour son profit particulier. La raison de cette sévérité est celle-ci ; on regarde l'associé gérant comme mandataire : suivant l'article 1796 du Code civil, le mandataire se trouve redevable des intérêts des sommes employées par lui à son usage, à dater de cet emploi. ( Arrêt de cassation, Sirey, 13, 1, 386.)

69. Les associés qui se sont soumis à apporter leur industrie à la société, lui doivent compte de tous les gains qu'ils ont faits par l'espèce d'industrie, qui est l'objet de cette société (art. 1847).

70. Le sociétaire se trouve encore débiteur envers la société de toutes les sommes auxquelles monte l'estimation du dommage par lui causé.

Pothier prétend que l'associé n'est tenu que de la faute ordinaire, et non pas de la faute la plus legère. Selon le même auteur, l'associé est tenu des fautes d'omission: Si qui societatem ad emendum coierint, denique res alterius dolo vel culpá empta non sit, pro socio esse actionem constat. (L. 52. § 11. ff. pro socio.)

Associés créanciers de la société.

71. Nous venons de voir que souvent l'associé est déclaré débiteur de la société ; il arrive souvent aussi qu'un sociétaire possède contre elle des créances. Aussi le législateur accorde une action contre la société à un sociétaire, à raison des sommes qu'il a déboursées pour elle (art. 1852).

72. Si deux associés abandonnent, pour dé ́sintéresser leurs créanciers, non-seulement leur mise sociale, mais encore tout ce qui leur appartient en propre, celui qui se trouvait plus riche, et qui, par suite, a fait un abandon plus considérable, devient-il créancier de son co-associé pour tout ce qu'il a livré en plus? Les partisans de l'affirmative soutiennent qu'au cas où les tribunaux rejetteraient la créance du sociétaire sur son co. associé, l'un des caractères essentiels de la société, c'est-à-dire l'égalité dans les pertes comme dans les profits, serait blessé.

Nous ne sommes pas touché par cette considération. Le sociétaire qui, par suite de sa plus. grande fortune, a fait un abandon plus large aux créanciers communs, a-t-il par hasard payé à la décharge de son co-associé? Non, car l'un et l'autre ne se sont libérés que par un abandon total, sans s'inquiéter de la valeur abandonnée par chacun des co-débiteurs: celui qui a abandonné plus, comme celui qui a abandonné moins, n'a véritablement acquitté que sa dette; les associés n'ont fait, les uns envers les autres, aucune espèce de réserve. Cette règle ne souffre exception, qu'autant qu'il existe entre les co-sociétaires des conventions particulières, qui alors changent la nature de leurs droits et leur situation mutuelle. Si les associés sont convenus que celui d'entre eux qui abandonnerait le plus, conserverait un recours contre les autres, alors il acquiert une créance contre ses co-associés. Mais si ces conventions particulières n'existent pas, il ne peut devenir créancier; puisqu'au moment où la cession s'est opérée, il a cédé toutes ses créances, sans se réserver aucun recours contre ses co-associés. (Arrêt de la Cour de Rennes. Sirey, 9, 2, 210.)

73. Un associé a encore action contre ses co-associés à raison des obligations qu'il a contractées de bonne foi pour les affaires de la société, et des risques inséparables de sa gestion (art. 1852).

Un sociétaire, par exemple, vend, pour le

compte de la société, un objet quelconque, il se porte garant de la vente, il doit être indemnisé par la société de l'obligation de garantie qu'il a contractée envers l'acheteur. (Pothier, § 127, de la société.)

74. L'article 1852 donne encore à l'associé une action contre la société pour qu'on lui accorde une indemnité des risques inséparables de sa gestion. La justice commandait la concession de cette action: en effet, quand la société jouit des avantages que la gestion d'un sociétaire procure, il est de toute équité qu'elle en supporte les charges directes. Ubi emolumentum, ibi onus. Posons une espèce. Une société fonde un établissement à la Martinique : elle charge un de ses membres de faire tous les envois nécessaires; ensuite elle lui donne mission de traverser les mers, d'aller se mettre à la tête de l'établissement, d'en surveiller les débuts, de mener à fin une entreprise qui, si le succès répond à ses espérances, fera la fortune de tous les sociétaires. De toute évidence, l'associé exécute son mandat dans l'intérêt seul de la société. Aussi, celle-ci lui doit-elle indemnité pour les risques qu'il a courus. Si, battu par une tempête, le vaisseau se détériore; si, pour sauver les passagers, on est forcé de jeter la cargaison à la mèr; l'associé aura rècours contre la société pour la réparation des pertes qu'il a faites.

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