Page images
PDF
EPUB

Une forme de gouvernement déterminée ne comprend qu'une petite partie de la vie civilisée; et lors même qu'on auroit établi la meilleure forme que la sagesse humaine puisse inventer, elle seroit plutôt un être de raison ou factice, qu'un être réel. Elle étoit une consequence des principes primordiaux de la société et de la civilisation, de l'usage qui la consent et la maintient réciproquement, de la circulation perpétuelle des intérêts qui, passant au travers de mille et mille canaux vivifient la masse entière de la communauté, Elle seroit due enfin à tous ces objets beaucoup plus qu'à aucune des institutions que le meil leur des gouvernemens puisse former, parce que la sûreté et le bonheur de la société et de tous les individus en dépendent.

L'état le plus parfait de civilisation est celui où le besoin du gouvernement se fait le moins sentir, et où chacun peut régler ses propres affaires et se gouverner soi-même. Mais ce principe est si contraire à la pratique des anciens gouvernemens, que leurs dépenses augmentent dans la proportion où ils devroient les diminuer. L'état civilisé exige un très-petit nombre de loix générales, et d'un usage. si

habituel et si nécessaire, que leur effet seroit absolument le même quand elles ne seroient pas appuyées par la forme du gouvernement, Considérons quels principes réunissent d'abord l'homme en société, et quels motifs déterminent ensuite leurs relations mutuelles ; nous trouvons dans l'intervalle qui nous conduit de la société à ce qu'on nomme gouvernement que presque tout ce qui lui étoit nécessaire s'effectuoit par l'action et réaction de chacune des parties de cette société.

L'homme, relativement à l'art de se gounerner en société, a beaucoup plus d'ordre et de conduite qu'il ne l'imagine, ou que ses gubernateurs voudroient le lui faire croire.

Toutes les loix fondamentales de la société sont des loix que prescrit la nature, et celles de commerce soit entre les individus, soit entre les nations, sont des loix d'intérêt réciproque, et on leur obéit parce qu'il est de l'intérêt des parties de s'y soumettre, et nullement parce qu'elles sont l'ouvrage des gou

vernemens.

Mais combien de fois la tendance naturelle de la société n'a-t-elle pas été dérangée et détruite par les opérations du gouvernement

quand, loin d'être greffé sur la nature, it veut exister pour lui et qu'il agit par faveurs ou oppressions; alors il devient la cause dest malheurs qu'il croit prévenir.

[ocr errors]

Si nous jettons en arrière un coup-d'œil sur les querelles et les révoltes qui ont eu lieu en Angleterre, nous voyons qu'elles ne naissent pas du manque de gouvernement; mais que lé gouvernement en a été la première cause: au lieu de consolider la société, il la diviscit, lui ôtoit sa cohérence naturelle formoit des mécontens, alimentoit des désordres qui sans lui, n'auroient pas existé. Dans les associations que les hommes contractent entre eux, et dans lesquelles ils agissent purement d'après les principes de la société, voyez combien toutes les parties sont unies; et les gouvernemens, loin d'être la cause ou le moyen de l'ordre, l'est quelquefois de leur destruction.

Les mouvemens de 1780 n'ont d'autre origine que la conservation des préjugés que le gouvernement avoit lui-même entretenus, mais quant à l'Angleterre, ces mouvemens avoient encore d'autres causes.

Des taxes excessives et inégalement répar

ties, quoique déguisées dans leur mode; produisent nécessairement des effets qui se font tôt ou tard sentir; et comme ils réduisent par-là une grande partie de la société à la pauvreté et au mal-aise, ils sont constamment préparés àl'insurrection; et, dépourvus comme ils le sont malheureusement, des moyens de connoître leur état et d'exprimer leurs plaintes, il s'enflamment aisément pour la vengeance, dernier espoir des malheureux.

Qu'elle qu'en soit la cause apparente, la véritable cause d'une révolte est toujours le manque de bonheur. Voyez combien est faux le systême de ces gouvernemens qui outragent la félicité publique, seule conservatrice des institutions sociales.

Mais comme les faits prouvent encore mieux que les raisonnemens, l'exemple de l'Amérique vient à l'appui de ces observations. S'il est un pays au monde qui, d'après les combinaisons ordinaires, pouvoit le moins espérer une paix intérieure c'est l'Amérique. Composée de plusieurs peuples, (1) différens par leurs usages,

(1) La partie de l'Amérique, nommée vulgairement Nouvelle-Angleterre, qui renferme le New-Hamp

leurs habitudes, leur langage, même par leur religion; leur union paroissoit infaisable; mais l'accord entre la forme du gouvernement, les principes de la société et les droits de l'homme, a vaincu les difficultés, et toutes les parties se sont rapprochées dans une union fraternelle. Là, le pauvre n'est point opprimé, le riche n'est pas privilégié, l'industrie n'est pas épuisée par la fastueuse extravagance d'une cour qui dévore le fruit de ses travaux. Les impôts sont peu nombreux, parce que le gouvernement est juste, et comme il n'y existe

*

shire, Massachusett, Rhode-Island et Connecticut, est principalement peuplée de descendans anglois. L'état de New-York contient moitié d'allemands, et le reste d'anglois, d'écossois et d'irlandois. Le NewJersey contient un semblable mêlange. La Pensylvanie est composée d'un tiers d'anglois, d'un autre d'allemands, et le reste d'écossois, d'irlandois et de quelques suédois. Les états du sud contiennent un plus grand nombre d'anglois que ceux de l'intérieur; et, dans le nombre de ces peuples, on voit encore un nombre considérable de françois, et quelques individus de toutes les autres nations dans les villes maritimes. La religion la plus dominante c'est la presbytérienne; mais toutes les sectes sont égales, et tous les hommes sont citoyens.

aucune

« PreviousContinue »