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des ténèbres! A peine la forme du gouvernement américain fut-elle déployée, que le despotisme fut ébranlé: l'homme osa lever sa tête.

L'indépendance de l'Amérique, considérée seulement comme une séparation d'avec l'Angleterre, est un évènement de peu d'importance. Mais elle devient majeure lorsqu'on y voit l'époque d'une révolution dans les principes et dans l'art du gouvernement. Elle forme un appui non-seulement à l'Amérique, mais à tout l'Univers qui peut y voir les avantages qu'offre la liberté. Les Hessois, quoique achettés pour la combattre, doivent sentir le bonheur de leu défaite; et les Anglois, condamnant les vices de leur gouvernement, peuvent se réjouir de leurs anciennes pertes.

L'amérique étoit le seul point, sur le globe, où les germes d'une réforme universelle pouvoient se développer. Un concours d'évènemens a causé leur naissance et les développemens extraordinaires de ces principes. Les grandes scènes de la nature y créent des idées fortes, agissent sur l'ame, l'élèvent au niveau de ses contemplations. Ajoutez encore que les premiers habitans de ces colonies, sortis des dif

férentes contrées de l'Europe, nés, élevés dans différentes opinions religieuses, y venant chercher la paix contre les persécutions politiques, se réunirent comme des frères. Les besoins qui accompagnent le défrîchement d'un pays sauvage, firent naître un genre de sociabilité inconnu et négligé dans les pays que déchirent des querelles et les intrigues du gouvernement. Dans cette position, l'homme devient · ce qu'il peut; il voit ses semblables, non comme un ennemi naturel, mais comme étant de sa famille; et cet exemple prouve aux sociétés artificielles, que l'homme doit se rapprocher de la nature pour s'instruire.

On doit conclure, des succès rapides des américains dans tous les genres d'industrie, que si les gouvernemens de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique avoient commencé sur un même principe, ou ne s'en étoient pas écartés, ces contrées seroient dans un état plus florissant. Les siècles se sont écoulés, entraînant avec eux une longue suite de crimes. Supposons un être qui, ne connoissant aucune partie du globe, viendroit à l'observer, il prendroit une grande partie de l'ancien continent pour un pays nouveau, dont les premiers habitans

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luttent contre les incohérences d'une création naissante, Croiroit-il que ces hordes miséra bles, qui couvrent l'ancien continent, sont autre chose que des individus qui n'ont pas encore eu le tems de pourvoir à leurs besoins? Pourroit-il soupçonner qu'elles sont une conséquence de ce qu'on appelle là, un gouvernement?

Si des parties les plus méprisables de l'ancien monde on détourne les yeux sur celleş qui ont déjà quelques degrés de perfection, on y voit les mains rapaces du gouvernement pénétrer tous les asyles de l'industrie pour y dépouiller la multitude : l'esprit des agens, toujours occupé des moyens d'inventer de nouveaux impôts et de nouvelles taxes regardant la prospérité publique comme sa proie, et nul homme, quelque pauvre qu'il soit, ne peut échapper sans avoir payé le tribut.

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Dès que les révolutions ont commencé, on doit naturellement espérer qu'elles seront suivies d'autres révolutions, et les probabilités sont plutôt pour le succès d'une chose déjà commencée, qu'elles ne l'étoient pour sa naissance.

Les dépenses extraordinaires et toujours augmentantes, auxquelles les gouvernemens sont induits; les guerres fréquentes qu'ils provoquent, ou qu'ils sont obligés de soutenir; les obstacles qu'ils mettent aux progrés d'une civilisation universelle et du commerce, en même tems qu'ils multiplient dans l'intérieur leurs usurpations et leurs actes oppressifs, ont épuisé la patience des hommes et les ressources pécuniaires.

Dans cette situation, avec les exemples existans, ils ont les révolutions en présence; elles sont l'objet de toutes les conversations, elles sont:

A l'ordre du jour.

Si on peut introduire un systême de gouvernement moins dispendieux et plus favorable au bonheur général, tous les efforts pour nuire à ses progrés deviendront infructueux. La raison, en peu de tems, prend des racines, et les préjugés échouent dans leur lutte contre l'intérêt. Si la paix universelle la civilisation et le commerce forment le sort le plus heureux des hommes, ils ne pourront l'obtenir que par une révolution dans les

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systêmes des gouvernemens. Tous les gouvernemens monarchiques sont militaires; la guerre leur tient lieu de commerce, le carnage et les impôts sont tout leur dessein. Aussi long-tems que ces gouvernemens existeront on ne pourra jouir d'un seul jour de paix absolue. Quelle est l'histoire de tous les gouvernemens monarchiques? misères, crimes, épuisement, et par hasard quelques années de repos; appauvris par la guerre, fatigués de carnage, ce calme de la satiété, ils le nomment paix. Ce n'est certainement pas la condition que la nature réserve à l'homme, ou la monarchie est la punition des crimes de nos pères.

Les révolutions qui ont précédemment agité certaines parties du monde, ont été nulles pour les intérêts généraux de l'humanité. Elles se bornoient seulement à déplacer quel

ques

individus, à changer quelques mesures; mais elles n'atteignoient pas les principes, et passoient dans la série des évènemens journaliers. Les évènemens qui viennent de nous jetter dans l'admiration et le recueillement, peuvent être nommés une contre-révolution. La tyrannie et la conquête avoient, à des épo

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