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ques anciennes, dépossédé l'homme de ses droits, et maintenant il y rentre. Les évènemens humains ont leur marée, dont le flux et le reflux s'écoulent en directions contraires : un gouvernement fondé sur la morale, sur un systême de paix universelle, sur les droits imprescriptibles de l'homme, reflue maintenant de l'ouest à l'est: mais, par une impulsion bien plus forte que celle du gouverne ment militaire qui s'étendoit en sens contraire; ces mouvemens ne concernent point les individus, mais les Nations dans leurs progrès, et préparent un nouvel ère à la race humaine.

Le danger qui menace davantage le succès des révolutions, c'est lorsqu'elles naissent avant que les principes dont elles découlent, et les avantages qui en résultent soient vus et sentis. Presque tous ces traits, qui caractéri sent une nation, ont été confondus sous le mot général et mystérieux, gouvernement. Quoiqu'il évite d'avouer les erreurs qu'il commet et les maux qu'elles occasionnent, le gouvernement n'oublie point de s'attribuer la plus légère apparence de prospérité. Il enlève à l'industrie ses honneurs en proclamant insolemment ses succès, et dérobe ainsi au

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caractère général de l'homme, ce qui lui appartient comme être social.

Il est donc nécessaire, dans ce jour des révolutions, de séparer ce qui est l'effet du gouvernement d'avec ce qui ne l'est pas. On ne peut mieux y réussir qu'en jettant un coupd'œil sur les sociétés, et leur civilisation et leurs conséquences, comme objets distincts de ce qu'on nomme gouvernement. Commençant par ces recherches, nous serons en état d'assigner aux effets leur véritable cause, et d'analyser la masse des erreurs vulgaires.

CHAPITRE PREMIER.

De la société et de la civilisation.

Une grande partie de l'ordre qui règne entre les hommes, n'est pas l'effet du goùvernement, mais tire son origine des principes de la société et de la constitution de l'homme; il est antérieur aux gouvernemens et survivroit à leurs formes. La dépendance mutuelle et les intérêts réciproques qui unissent les hommes les uns aux autres, et les sociétés aux sociétés crée cette grande chaîne qui les lie. Le propriétaire, le

fermier, le manufacturier, le négociant et le détailleur, et tous les arts ne prospèrent que par les secours mutuels et généraux qu'ils recoivent. L'intérêt commun détermine leurs rapports et forme leurs loix; et ces loix, que les besoins de la société exigent, ont une plus grande influence que celles du gouvernement. En un mot, chaque société s'astreint à tels devoirs réciproques qui constituent son gouver

nement.

Pour concevoir la nature et la quotité de gouvernement propre à l'homme, il est nécessaire de saisir son caractêre. La nature l'ayant destiné à la vie sociale, lui a donné ce qui convenoit à sa position. En général, il rend ses besoins plus grands que sa puissance; il ne peut les satisfaire que par un systême d'affection sociale, et les besoins déterminant les individus, ils se réunissent en société aussi naturellement que la gravitation dirige tous les corps vers un centre.

Mais la nature n'a pas seulement contraint l'homme à vivre en société par la diversité des besoins qu'il ne peut satisfaire que par des secours réciproques; elle a aussi gravė dans son cœur un systême d'affections sociales,

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qui, sans être nécessaires à son existence; sont utiles à son bonheur. Il n'est aucun âge, dans la vie, où ce besoin de la société, cesse; il commence avec la vie, et ne finit qu'à la mort.

Si nous examinons, avec attention, la constitution de l'homme, la diversité des besoins et des talens des individus si bien appropriés aux besoins des autres, sa tendance vers la société, et par conséquent à conserver les avantages qui en résultent on voit aisément que ce qu'on nomme gouvernement est un véritable mensonge.

Le gouvernement n'est nécessaire que dans certains cas, où la société et la civilisation ne sont pas suffisantes; et il est évident que tous les actes que le gouvernement s'attribue, sont l'effet d'un consentement tacite de la société, et non la conséquence du gouvernement.

Deux années se sont écoulées au commencement de la guerre d'Amérique, et un plus long espace de tems dans quelques-uns des Etats, avant qu'il y eût une forme établie de gouvernement. La forme ancienne avoit été abolie, et les habitans étoient trop occupés de leur sûreté pour donner leur attention à une

forme nouvelle; et, pendant cet intervalle, l'ordre et l'harmonie règnèrent dans les Etatsunis aussi bien que dans aucune des contrées de l'Europe. C'est un 'besoin naturel à l'homme, et sur-tout lorsqu'il est en société, parce qu'il augmente les moyens de s'habituer à toutes les circonstances. Du moment où le mode du gouvernement est aboli, l'état de société commence; une association générale, le remplace, et l'intérêt commun fait la sécurité générale.

Il n'est pas vrai, quoiqu'on ait osé le prétendre, que l'abolition d'une forme de gouvernement entraîne la dissolution de la société; au contraire; la société devient plus intime. Toute la partie de l'organisation sociale qui étoit dépositaire du gouvernement, se développe sur la masse, et n'agit qu'au travers de cet ensemble. Les hommes, par instinct et par le calcul de leur bonheur, se sont habitués à la vie sociale. Ces motifs sont devenus sufisans pour les porter à tous les changemens qu'ils trouveront nécessaires et convenables dans leur gouvernement. En un mot, l'homme est un être sociable, et il est impossible de l'isoler.

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