Page images
PDF
EPUB

ment à ses vues, devint, par son tarif et les règlements qu'elle contenait, le code de la douane.

Le troisième législateur, c'est l'Assemblée constituante: l'économie politique et les usages des nations européennes lui donnaient à choisir entre quatre systèmes le système prohibitif absolu, pratiqué par l'Espagne; — le système de réciprocité proposé par l'Angleterre, laquelle, par son industrie avancée, devait en absorber les avantages; - le système de liberté illimitée qu'exaltaient les économistes; - et enfin le système restrictif de Colbert. L'Assemblée adopta l'idée de Colbert, en modifiant le tarif existant selon les besoins de l'industrie nationale : elle vit dans la douane, reportée aux frontières, autre chose que le produit des 20 millions que la taxe avait procurés à l'Etat en 1789 (revenu net, 14 millions). -Le rapport du 23 avril 1791 contient toute sa pensée : « Ce serait mal juger les douanes, << dit l'organe du comité, que de placer au premier << rang le produit qui en résulte pour le trésor public : « les droits de douane doivent être essentiellement con« sidérés sous le rapport de l'économie politique, parce qu'ils sont un moyen de protection pour l'agriculture « et les manufactures de la nation. » Le comité expose les principes fondamentaux d'économie sociale que s'est proposés le législateur de 1791, et qui gouvernent encore la matière des douanes. Ces principes peuvent se résumer ainsi :

«

[ocr errors]

1° Mettre des entraves à l'introduction de tous les objets que nos fabriques peuvent fournir à notre consom

mation, et à la sortie de tous ceux qui sont essentiels à l'industrie nationale;

2o Etablir des droits pour favoriser la concurrence de nos manufactures avec les manufactures étrangères;

3° Appeler, par un affranchissement absolu, les matières premières dont nous sommes dépourvus.

Tel est le fondement des décrets des 2 mars et 22 août 1791, qui dominent encore notre législation. La loi du 10 brumaire an V, dirigée surtout contre l'industrie anglaise, et les lois des 17 décembre 1814 et 28 avril 1816, ont apporté successivement quelques modifications dans les détails, quelques changements motivés par les circonstances; mais les principes sont restés ceux de Colbert, ceux de l'Assemblée constituante. Et même aujourd'hui, en présence des 150 millions que peuvent produire les droits de douanes, selon les prévisions du budget annuel, on doit dire encore, avec le rapporteur du comité du commerce de 1791: «Ce serait mal juger « les douanes que de placer au premier rang le produit « qui en résulte pour le trésor public. >>

Le sénatus-consulte du 25 décembre 1852 a introduit une innovation importante, en donnant au gouvernement le droit de modifier les tarifs des douanes compris dans les traités de commerce, sans les soumettre à l'approbation législative mais, pour garantie de l'exercice de cette haute prérogative, et de l'examen de toutes les questions relatives aux douanes, le décret du 2 février 1853 a institué un conseil supérieur du commerce,

de l'agriculture et de l'industrie, qui est chargé de donner son avis sur les projets de lois et de décrets concernant le tarif des douanes; sur les projets de traités de commerce et de navigation; sur la législation commerciale des colonies et de l'Algérie (1).

2.

DOUANES DANS LEURS RAPPORTS AVEC LE RÉGIME ADMINISTRATIF ET L'APPLICATION DES DROITS.

Cette branche importante des revenus publics est placée dans les attributions du ministre des finances. L'administration centrale se compose d'un directeur et de quatre sous-directeurs qui forment le conseil d'administration (2). L'administration locale est distribuée en vingt-six directions, dont les limites sont fixées par ordonnance ou décret.

[ocr errors]

L'organisation est civile et militaire : membres d'une organisation civile, les employés de la douane prêtent serment devant les tribunaux, et ils sont compétents pour faire, en matière de douanes, les actes du ministère des huissiers; - membres d'une organisation militaire, ils sont distribués en quatre légions du nord, du sud, de l'est, de l'ouest (3).

La surveillance spéciale des douanes s'exerce dans les circonscriptions qui constituent le rayon-frontière de terre et le rayon maritime. Le rayon de terre comprend

- Décret du 2 février 1853.

(1) Sénatus-consulte, 25 décembre 1852, art. 3. -Le conseil est dans les attributions du ministère de l'agriculture et du com

merce (V. infrà, partie II, tit. II, chap. 2).

(2) Ordonnance du 17 mai 1817.

(3) Ordonnance du 31 mai 1831.

les

quatre lieues, à partir de la ligne des frontières étrangers qui seraient propriétaires d'un domaine, en France, à la distance d'une lieue seulement de la ligne frontière, seraient libres d'exporter leurs récoltes, à charge de réciprocité pour les Français qui seraient, à égale distance, propriétaires sur le sol étranger. La libre circulation, dans le rayon-frontière, des bestiaux et des objets de consommation qui ne font pas route vers l'étranger, est assurée par les lois des 22 août 1791 et 19 vendémiaire an VI. Des ordonnances ou décrets, en maintenant ces dispositions, peuvent renouveler ou modifier toute autre disposition des règlements sur les formalités à observer et les précautions à prendre (1).

Le rayon maritime s'étend à quatre lieues en mer, parallèlement aux côtes de France. La surveillance que la douane doit exercer dans ce rayon, donne le droit aux employés de se rendre à bord des bâtiments qui entrent dans cette ligne, de demander la copie du manifeste, et de signer l'original.

Dans l'étendue de ces rayons frontière et maritime, pour l'entrée et la sortie des marchandises, on a dû déterminer des points particuliers où se feraient la vérification des marchandises et la perception' des droits : ce sont les bureaux de la douane. La loi du 22 août 1791 [tit. 3, art. 1] porte qu'il ne peut être établi ni supprimé aucun bureau des douanes sans un décret du Corps législatif. «Mais le sens de cet article, dit Merlin, << n'est pas qu'une loi est nécessaire pour établir ou sup

(1) Loi du 28 avril 1816, art. 37.

«

primer un bureau sur une ligne de douanes déjà au« torisée par une loi existante. Cet article signifie seulement, et c'est ainsi qu'il a été constamment entendu, qu'il faut une loi, pour pouvoir transporter une ligne << de douanes d'un département qui cesse d'être fron« tière dans un autre département qui commence à « l'être (1). »

Le mouvement des marchandises, par importation et exportation, donne lieu à l'application des droits.

Les conditions de l'importation par mer sont le dépôt à la douane, avant le débarquement, du manifeste et du rapport de mer, et, de plus, la déclaration détaillée des objets à débarquer.

La condition de l'importation par terre est la déclaration au bureau de la douane le plus voisin du point d'arrivée.

La condition de l'exportation est la déclaration des marchandises, à quelque classe qu'elles appartiennent de marchandises soumises aux droits, de marchandises en franchise légale, de marchandises exportées avec primes.

Les droits doivent être payés à l'entrée ou à la sortie du royaume, ou représentés par un acquit-à-caution. Les marchandises abandonnées sont vendues après un an; après deux années, le prix en est affecté à l'Etat. S'il y a eu contrebande, les objets et les moyens de transport sont confisqués : la poursuite des objets est permise, s'ils n'ont pas été perdus de vue par les employés.

[ocr errors]

(1) Répertoire de jurisprudence, par MERLIN. (V. Douanes, § ter).

« PreviousContinue »