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tif auquel sont attachés les effets légaux de la vicinalité et le caractère de l'imprescriptibilité. Les autres chemins de la commune, qui peuvent servir aux habitants, ne sortent pas du droit ordinaire des biens des communes, tant que la déclaration n'a pas eu lieu. Cette déclaration émane du conseil général pour la grande vicinalité; elle émane du préfet, sur l'avis du conseil municipal, pour la petite vicinalité (1). Le préfet rend un arrêté qui contient le tableau de la classification des chemins vicinaux, et, s'il y a des difficultés d'interprétation, il lui appartient de les résoudre.

II. La déclaration de vicinalité doit être considérée dans ses effets par rapport aux chemins déjà existants et par rapport aux chemins nouveaux.

1° Appliquée aux chemins déjà existants, elle met le public en possession de la largeur des chemins, malgré les prétentions des riverains, se disant propriétaires de l'assiette de cette largeur. La possession privée disparaît; nulle action possessoire n'est admise; la propriété se résout en question d'indemnité; les longs débats de la jurisprudence ont été formellement écartés ou résolus par l'article 15 de la loi de 1836.

S'il s'agit du sol intégral d'un chemin occupé de fait par le public, bien qu'il n'appartienne pas aux commu-nes, la déclaration de vicinalité dépossède le propriétaire du droit de faire cesser la viabilité. Peu importe la valeur que l'on voudrait assigner au sol; la limite de la loi de 1824, quant à la valeur, a été supprimée par la

(1) Loi du 28 juillet 1824.

loi de 1836. L'arrêté est immédiatement exécutoire ; mais s'il s'agissait d'une avenue non destinée au public, et dont le public aurait joui par pure tolérance, il faudrait suivre les formes ordinaires de l'expropriation [16].

L'idemnité qui est due au propriétaire, pour le sol du chemin livré de fait à l'usage du public, est fixée à l'amiable dans les formes prescrites par la loi du 28 juillet 1824 [10], qui fait intervenir à cet égard le conseil municipal, ou bien elle est réglée par le juge de paix du canton sur une expertise régulière : le sous-préfet et le propriétaire nomment chacun un expert; le conseil de préfecture nomme le troisième en cas de partage [15-17].

2o Appliquée à des chemins nouveaux ou à des redressements de chemins existants, la déclaration de vicinalité ne peut dispenser de l'expropriation pour cause d'utilité publique; mais les formes de l'expropriation sont modifiées : l'arrêté déclaratif du préfet tient lieu de tous les actes préalables que prescrit la loi ordinaire d'expropriation (1). Le tribunal de l'arrondissement prononce l'expropriation; il nomme un juge ou même un juge de paix directeur du jury. C'est un jury tout spécial qui est appelé par la loi de 1836 à fixer l'indemnité : le tribunal choisit sur la liste générale quatre jurés et trois jurés supplémentaires; l'administration et le propriétaire exercent chacun une récusation. Le procèsverbal du juge emporte translation définitive de propriété; mais le recours en cassation est ouvert selon les formes et dans les cas prévus par la loi du 3 mai 1841.

(1) Cassation 12 avril 1838.

La confection des chemins nouveaux entraîne le droit de faire les fouilles et prises de matériaux. L'arrêté du préfet, notifié aux propriétaires dix jours avant son exécution, indique les lieux où les fouilles seront faites. Le conseil de préfecture, en cas de difficulté, règle l'indemnité sur une expertise: il en serait de même à l'égard de l'indemnité réclamée pour dépôt et enlèvement de terres, ou pour occupation temporaire d'un terrain limitrophe.

Lorsque la vicinalité est déclarée, les alignements sont donnés aux propriétaires riverains par les maires pour les chemins purement communaux, et par le préfet directement pour les chemins de grande communication, car la loi a placé expressément ces chemins sous l'autorité du préfet [9].

Pour tous les objets accessoires et les circonstances inhérentes à l'existence des chemins vicinaux, la loi de 1836, art. 21, a imposé aux préfets l'obligation de faire un règlement qui doit être communiqué au conseil général, et qui est soumis à l'approbation du ministre de l'intérieur. Ce règlement statue spécialement sur la largeur des chemins, l'alignement, les autorisations de construire le long des chemins, l'écoulement des eaux, les plantations, l'élagage, les fossés et leur curage: il doit être approprié aux besoins et à l'état de chaque contrée, il peut être modifié; et comme tous les préfets sont dans l'obligation de proposer un règlement pour assurer l'exécution de la loi de 1836, le ministre de l'intérieur a le moyen d'indiquer les modifications sollicitées par l'expérience successivement faite sur tous les points de la Fracce.

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Le régime des cours d'eau, sous le point de vue du droit administratif, embrasse :

Les rivières et canaux navigables ou flottables;
Les rivières non navigables ni flottables;
Les canaux artificiels non navigables.

Une question de la plus haute importance est celle relative à la propriété des rivières non navigables ni flottables. Elle touche par plusieurs points au droit civil, à l'ensemble du régime des cours d'eau. Elle doit être traitée spécialement et comme un préliminaire indispensable.

QUESTIONS RELATIVES A LA PROPRIÉTÉ DES RIVIÈRES NON NAVIGABLES ET

DE LEUR LIT. - EXAMEN DE LA DOCTRINE CONTENUE DANS LE LIVRE DE M. CHAMPIONIÈRE.

Le problème relatif à la propriété des rivières non navigables embrasse les points suivants :

1o Les rivières non navigables ni flottables sont-elles la propriété des riverains?

(1) On peut consulter spécialement les ouvrages de MM. CHAMPIONIÈRE, DAVIEL, GARNIER, RIVES, sur les Cours d'eau, et un article de M. le conseiller SACAZE, Revue critique de jurisprudence, 1853.

2o En supposant que l'eau courante ne puisse servir de base au droit de propriété, le lit ou le très-fonds de la rivière est-il une dépendance du domaine des riverains?

3o Les ruisseaux et les canaux artificiels doivent-ils être distingués des rivières non navigables ni flottables quant au droit de propriété ?

I.

L'eau courante dans le lit des rivières non navigables peut être considérée sous deux rapports: relativement aux particuliers non riverains, elle est chose commune, l'aqua profluens des institutes (1), en ce sens que chacun peut s'en servir pour son besoin personnel ou pour y abreuver ses bestiaux, sauf le moyen d'y aborder sans nuire au propriétaire de la rive. — Relativement aux riverains, elle constitue avec son lit ce que les jurisconsultes, comme Pothier et Proudhon, appellent le corps de la rivière (2), et elle offre des avantages qui tiennent à sa nature, pour la pêche, l'agriculture, l'industrie ou le seul agrément de son cours. Ces avantages sont attribués par la situation des lieux à tous les riverains. Ceux-ci, par la force des choses, sont, en ce qui concerne l'eau et ses avantages, des communistes. Ils ont naturellement droit aux avantages que le cours d'eau

(1) Inst. II, 1. Naturali jure communia sunt omnium hæc; aer, aqua profluens, mare, et per hoc littora maris. —LA GLOSE expliquait l'aqua profluens par l'eau qui tombe du ciel, de cælo cadens. (2) POTHIER, Traité de la propriété, no 84. t. III, no 947.

PROUDHON, Dom. public,

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