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La transaction ne sera valable qu'autant qu'elle aura été homologuée par le tribunal de première instance, après avoir entendu le procureur du roi.

=Transiger. La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître, au moyen de concessions ordinairement réciproques (art. 2044). Il faut avoir la capacité de disposer de l'objet qui fait la matière de la transaction (article 2045), parce que les sacrifices qu'elle renferme sont une espèce d'aliénation.

L'avis de trois jurisconsulles. Les membres du conseil de famille sont le plus souvent étrangers à la jurisprudence; c'est pour cela que le Code exige que l'avis de trois jurisconsultes puisse les guider dans leur décision, en déterminant quels sont les points douteux de la cause, les concessions qu'on peut exiger, celles qu'on peut faire. Cette consultation doit donc être faite avant que le conseil ait donné son autorisation; mais, s'il en était autrement, la transaction, une fois homologuée, ne serait pas nulle pour cela.

Qu'elle aura été homologuée. Cela s'entend de la transaction passée avec l'adversaire du mineur, et non de la décision qui l'autorise. Le tuteur ne peut jamais compromettre, même avec l'autorisation du conseil de famille. Compromettre, c'est remettre la décision d'une contestation à certaines personnes qu'on choisit pour juger à la place des juges que la loi a nommés. On ne peut compromettre sur les affaires qui doivent être communiquées au ministère public (art. 1004, Cod. de proc.), parce que ce ministère n'est point admis dans un tribunal arbitral; or les affaires des mineurs doivent toujours lui être communiquées (art. 83, ibid.).

{HOLLANDE. Article 465 du nouveau Code civil.]

468. Le tuteur qui aura des sujets de mécontentement graves sur la conduite du mineur, pourra porter ses plaintes à un conseil de famille, et, s'il y est autorisé par ce conseil, provoquer la reclusion du mineur, conformément à ce qui est statué à ce sujet au titre de la puissance paternelle.

=Provoquer. Le tuteur ne peut donc jamais faire emprisonner le mineur par voie d'autorité, mais seulement par voie de réquisition. Mais le père ou la mère tuteurs, conservant toujours la puissance paternelle, ne sont pas soumis à cet article.

(HOLLANDE. Article 442 du nouveau Code civil.]

SECTION IX. Des Comptes de la Tutelle. 469. Tout tuteur est comptable de sa gestion lorsqu'elle finit.

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Tout tuteur. Même le père ou la mère : aussi, en nommant un tuteur testamentaire, ne pourraientils pas le dispenser de rendre compte.

Est compiable. Si le tuteur se refusait à rendre compte, on pourrait le poursuivre devant le tribunal où la tutelle a été déférée (art. 527, Cod. de proc.), et il pourrait y être contraint par les juges, même par corps (art. 334, Cod. de proc.).

Lorsqu'elle finit. Soit que cette gestion finisse par la fin de la tutelle, soit par toute autre cause. Par

ROGRON. C. CIV.

exemple, pour la mère tutrice, parce qu'elle se re marie; pour un tuteur, parce qu'il se fait excuser, parce qu'il est destitué. Le compte, dans ce cas, doit être rendu au nouveau tuteur, en présence du subrogé tuteur. La cour de Bordeaux a jugé que le tuteur, ayant dû se faire rendre compte de la gestion du tuteur précédent, est comptable de cette gestion. (Arrêt du 1er février 1828. Sirey, t. 28, II, 128.) [HOLLANDE. Article 467 du nouveau Code civil.]

470. Tout tuteur, autre que le père et la mère, peut être tenu, même durant la tutelle, de remettre au subrogé tuteur des états de situation de sa gestion aux époques que le conseil de famille aurait jugé à propos de fixer, sans néanmoins que le tuteur puisse être astreint à en fournir plus d'un chaque année. Ces états de situation seront rédigés et remis, sans frais, sur papier non timbré, et sans aucune formalité de justice.

=

Au subrogé tuleur. Ces comptes ou états de situation, qui se renouvelleront successivement pendant la gestion du tuteur, mettront le subrogé tuteur à même de connaître et mieux surveiller son administration. Le père, la mère, ne sont pas astreints à remettre ces comptes, même lorsqu'ils n'ont plus l'usufruit légal sur les biens de leurs enfants; on se confie en leur tendresse. (MODÈLE de ces états de situation, form. Ño 2.)

[HOLLANDE. L'article 429 du nouveau Code civil, qui remplace cette disposition, est beaucoup plus explicite: Le subrogé tuteur exigera, dit-il, tous les deux ans un compte sommaire et se fera représenter les effets et titres appartenant au mincur. »]

471. Le compte définitif de tutelle sera rendu aux dépens du mineur, lorsqu'il aura atteint sa majorité ou obtenu son émancipation. Le tuleur en avancera les frais.—On y allouera au tuteur toutes dépenses suffisamment justifiées, et dont l'objet sera utile.

Le compte définitif. C'est celui qui est rendu lorsque la tutelle est entièrement finie pour le pupille; ce qui a lieu à sa majorité, à son émancipation, ou à sa mort survenue pendant la minorité. Dans le premier cas, c'est à lui-même que le compte est rendu; dans le deuxième, il est assisté d'un curateur (art. 480); dans le dernier, c'est à ses héritiers. Comme il ne doit y avoir qu'un compte définitif, le dernier tuteur doit nécessairement comprendre dans son compte ceux des tuteurs qui ont pu le précéder. (Arrêt de la cour de Bourges du15 mars 1826, Sirey, t. 26, II, 301.)- Quand le compte est rendu à l'amiable, il l'est devant notaires ou sous seing privé; quand il est rendu en justice, il l'est devant le tribunal du lieu où la tutelle a été déférée (art. 527, Cod. de proc.), quel que soit le domicile du tuteur et du pupille, parce que ce compte n'est qu'une suite, ou plutôt que la fin de la tutelle, et qu'on devait le faire au lieu où le conseil de famille a toujours continué de s'assembler, et de donner ou de refuser son autorisation pour les faits de la tutelle. (MODÈLE de compte définitif de tutelle sous seing privé, form. N° 3.)

Aux depens. Le compte, surtout lorsqu'il est rendu

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en justice, peut occasionner des frais, tels que ceux de voyage, de vacations, pour l'avoué qui aura mis en ordre les pièces du compte, etc. (art. 552, Cod. de proc.). Ils seront à la charge du pupille, si le compte est définitif. Lorsqu'il ne l'est pas, on pense que les frais peuvent être à la charge du tuteur; par exemple, s'il rend compte à la suite de sa destitution.

En avancera les frais. Le pupille n'a encore rien dont il puisse disposer.

Justifiées. Il n'est pas exigé qu'elles le soient par écrit. Une infinité de petites dépenses ne pourraient pas l'être.

Sera utile. Il suffit que l'objet de ces dépenses ait été utile dans le principe. Si quelque événement postérieur l'a rendu inutile, le tuteur ne doit pas en répondre.

[HOLLANDE. Article 468 du nouveau Code civil.]

472. Tout traité qui pourra intervenir entre le tuteur et le mineur devenu majeur sera nul, s'il n'a été précédé de la reddition d'un compte détaillé, et de la remise des pièces justificatives; le tout constaté par un récépissé de l'oyant compte, dix jours au moins avant le traité.

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Tout traité.-QUESTION. La disposition de l'article actuel s'applique-t-elle au contrat de vente d'un objet particulier? La cour suprême a consacré la négative: Considérant que l'article 472 ne reçoit aucune application au contrat de vente d'un objet particulier et indépendant du compte de tutelle; qu'il se trouve, en effet, à la section intitulée des comptes de tutelle, et qu'il résulte de son texte, autant que de la place qu'il occupe, qu'il n'a pour objet que de proscrire tous les traités, tous les actes, sous quelque dénomination qu'ils se présentent, qui ont pour but de soustraire le tuteur à l'obligation légale de rendre compte; que tous les actes qu'il opposerait au mineur, devenu majeur, pour paralyser l'action que ce dernier intenterait à l'effet d'obtenir ce compte, sont frappés de nullité par la loi, s'ils n'ont pas été précédés de la reddition d'un compte détaillé et de la remise des pièces justificatives; mais que là se borne l'application de l'article 472, et qu'au besoin on en trouverait une nouvelle preuve dans l'article 2045, où le législateur ne soumet aux conditions de l'article 472, que les transactions que le tuteur fait avec le mineur, devenu majeur, sur le compte de tutelle; d'où il résulte la conséquence que, sur toute autre matière, les transactions qui pourraient intervenir entre eux, auraient la même force qu'entre tous autres majeurs et personnes jouissant de leurs droits; rejette, etc. » (Arrêt du 22 mai 1822, ch. civ. Dall., ann. 1822, 1, 287.)

[D'un compte détaillé. Le compte de tutelle n'est réputé complet et définitif de la part du second tuteur, qu'autant que ce compte embrasse celui de la gestion du premier tuteur. En conséquence, est nul le traité par lequel le second tuteur s'est fait donner une décharge définitive de sa gestion personnelle par le mineur devenu majeur ou par l'interdit relevé d'interdiction, auquel il a laissé le soin de faire rendre le compte de son premier tuteur. Motifs : « Attendu, en droit, que le compte de tutelle dont parle l'article 471 du Code civil, et qu'il appelle compte définitif, doit embrasser l'ensemble de la gestion de la tutelle, et qu'aux termes de l'article 472, tout traité qui intervient entre le tut eur et le mineur de

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Un récépissé. C'est-à-dire un reçu.

De l'oyant comple. On nomme ainsi celui auquel le compte est rendu, parce qu'il entend le compte. Dix jours au moins. On veut que le pupille, avant de passer aucun traité avec son tuteur, ait en le temps d'examiner ses affaires, afin que celui-ci ne puisse abuser de la connaissance qu'il en aurait seul pour l'induire en erreur.-QUESTION. Le tuteur peulil invoquer, pour obtenir la nullité d'un traite passé entre lui et le pupille, l'inobservation des formalités prescrites par notre article? Non, aux termes de l'arrêt suivant de la cour de Montpellier : • Attendu que, d'après le Code civil comme d'après les anciens principes, le mineur devenu majeur est censé encore mineur vis-à-vis de son tuteur tant que celui-ci ne lui a pas rendu le compte de tutelle; qu'ainsi c'est en faveur du mineur seul qu'est réservée l'action en nullité de la transaction intervenue sur ce compte, si les conditions imposées par l'article 472 du Code civil n'ont pas été remplies, et notamment si cette transaction n'a pas été précédée de la remise des pièces justificatives; que, dès lors, le tuteur est non recevable à invoquer le défaut de remise à laquelle il était assujetti, pour se créer un moyen de nullité contre l'acte qu'il a volontairement consenti.» (Arrêt du 20 janvier 1830. Sirey, t. 30, II, 121.)

[HOLLANDE. Article 470 du nouveau Code civil.]

473. Si le compte donne lieu à des contestations, elles seront poursuivies et jugées comme les autres contestations en matière civile.

Poursuivies. Elles doivent toujours l'être devant le tribunal du lieu où la tutelle a été déférée, puisque c'est à ce tribunal que le compte est rendu (art. 471, Cod. civ.; 527, Cod. de proc.).

474. La somme à laquelle s'élèvera le reliquat dû par le tuteur, portera intérêt sans demande, à compter de la clôture du compte. Les intérêts de ce qui sera dû au tuteur par le mineur ne courront que du jour de la sommation de payer qui aura suivi la clôture du compte.

=

Le reliquat. On nomme ainsi la somme qui, une fois le compte arrêté, reste due, soit par le tuteur au pupille, soit par le pupille au tuteur. Si le pupille est encore mineur, le compte ne peut être arrêté par la fixation de ce reliquat qu'au moyen d'un jugement ou d'une transaction passée conformément à l'article 467; mais si le pupille est majeur, il peut l'être dans quelque forme que ce soit, dix jours après qu'il a été rendu avec les pièces justificatives (art. 472).

Sans demande. On a dérogé à ce principe, quo les sommes dues ne portent intérêt qu'à partir du jour de la demande (art. 1154), parce qu'il est impossible que le tuteur ignore qu'il doit ce reliquat, et que, s'il ne le paye pas, c'est qu'apparemment il a employé la chose à son profit. D'ailleurs, on n'a pas voulu obliger un pupille à user contre celui qui

a été son tuteur, et auquel il doit de la déférence, de moyens rigoureux, tels qu'une sommation. Mais fl faut bien remarquer qu'il n'en est plus alors comme dans le temps de la tutelle (art. 455), et que ces intérêts ne produisent pas eux-mêmes des intérêts de plein droit, mais bien par une demande juIdiciaire ou une convention spéciale, pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière (art. 1154).-Le tuteur pourrait être contraint, même par corps, à payer le reliquat (art. 126, Cod. de proc.).

Du jour de la sommation. On rentre ici dans la règle générale; car aucun égard particulier n'empêche le tuteur d'exiger par les voies de droit ce qui lui est dû.

[HOLLANDE. Article 471 du nouveau Code civil.]

475. Toute action du mineur contre son tuteur, relativement aux frais de la tutelle, se prescrit par dix ans, à compter de la majo

rité.

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= Relativement aux faits de la tutelle. Par exemple, les actions qui auraient pour but de faire rendre compte au tuteur, de critiquer quelque partie de sa gestion, de lui faire payer des dommages-intérêts pour quelque faute ou quelque négligence. On n'a pas voulu que le tuteur, qui a rempli gratuitement une charge déjà si onéreuse, fût exposé à des actions pareilles pendant plus de dix ans, parce que les titres, les papiers qui viennent à l'appui de son compte, et qui sont toujours détaillés et volumineux, ne peuvent se garder exactement pendant un si long temps. Mais une fois que le compie a été rendu et le reliquat déterminé, les actions du pupille contre le tuteur, par exemple, pour demander le payement du reliquat, la nullité d'un traité passé en contravention à l'article 472, ne sont plus relatives à des faits de tutelle, et l'on rentre, pour les prescriptions, dans les règles générales, c'est-à-dire ordinairement trente ans (art. 2262, 2274). Les mêmes principes régissent l'action en redressement de compte, parce que si l'action en reddition de compte prend sa source dans l'administration du tuteur, l'autre naît du vice du compte qui est nécessairement postérieur à cette administration. (Arrêt de la cour de Metz du 10 juillet 1821. Sirey, t. 24, II, 62.) Il faudrait en dire autant à plus forte raison d'une action qui aurait commencé avant la tutelle; par exemple, si le tuteur, avant d'avoir cette qualité, était détenteur d'un bien appartenant au pupille. communément que la prescription de dix ans, qui court contre le pupille, court aussi contre le tuteur, et que celui-ci, au bout de dix ans, ne pourrait plus assigner le pupille pour qu'il eût à recevoir son compte. Cependant la lettre de la loi qui parle de l'action du pupille contre le tuleur, est contraire à ette opinion.

On pense

A compter de la majorité. C'est en effet de ce moment qu'il peut agir par lui-même; aussi les prescriptions, en général, sont-elles suspendues par la minorité. Cette disposition s'appliquerait lors même que ce serait par son émancipation que la tutelle aurait fini, ou bien ercore par la mort ou la destitution du tuteur; mais, si la tutelle avait fini par la mort du pupille, le délai partirait de cette époque à l'égard de ses héritiers, car ils peuvent agir contre le tuteur.

(HOLLANDE. Article 472 du nouveau Code civil.]

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CHAPITRE III.

De l'Emancipation.

L'émancipation est un acte qui donne a un mineur le droit de se gouverner lui-même et d'udministrer ses biens, dans les limites posées par la loi.

476. Le mineur est émancipé le plein droit par le mariage.

Par le mariage. Cette émancipation n'a pas besoin d'être exprimée: en consentant au mariage, les parents du mineur ont nécessairement consenu à ce qu'il pût gouverner lui-même sa famille. Cette émancipation se nomme tacite. QUESTION. Celle émancipation cessc-t-elle si la femme qui s'était mariée avant l'âge requis pour l'émancipation, devient veuve n'ayant pas encore atteint la majorite? La cour de cassation a consacré la négative : « Considérant qu'aux termes de l'article 476 du Code, le mineur est émancipé de plein droit par le mariage; que cet article, le seul qui prononce sur l'émancipation par mariage, la confère sans condition, ni terme, ni réserve, et, par conséquent, d'une manière absolue et irrévocable; qu'ainsi elle est acquise au mineur qui se marie, soit qu'il ait l'âge fixé par la loi pour former cette union, soit que, plus jeune, il la contracte avec dispense du gouvernement, et qu'elle lui est acquise non-seulement pendant la durée du mariage, mais même après sa dissolution. quoique alors il soit encore en minorité; d'où il suit qu'en jugeant que la demoiselle Dusserre avait cessé d'ètre émancipée en devenant veuve, et que par suite elle était alors rentrée de plein droit sous la tutelie de son père, l'arrèt attaqué a violé l'article 476 du Code civil; considérant que les articles 477, 485, 486, rités par l'arrêt pour établir que l'émancipation ne peut être accordée avant quinze ans, et peut être, en certains cas, révoquée, ne sont pas applicables à l'espèce, puisqu'ils ne statuent que sur l'émancipation conférée par le père, la mère ou le conseil de famille, et non sur celle qui s'opère de plein droit par le mariage.» (Arrêt du 21 février 1821, ch. civ. Dall., ann. 1821, I, 177.)

[HOLLANDE. Article 385 du nouveau Code civil.]

477. Le mineur, même non marié, pourra être émancipé par son père, ou, à défaut de père, par sa mère, lorsqu'il aura atteint l'âge de quinze ans révolus.-Cette émancipation s'opérera par la seule déclaration du père ou de la mère, reçue par le juge de paix assisté de son grellier.

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A défaut de père. C'est-à-dire si le père est mort ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté à cause de son absence ou de son interdiction. Queiques auteurs contestent à la mère le droit d'émanciper dans ces deux cas. Cependant, en observant qu'elle pourrait consentir au mariage (art. 149), acte bien plus important, et qui entraîne toujours l'émancipation; en comparant avec notre article, l'article 175, qui dit : « Le père, et à défaut du père, la mère... peuvent former opposition, » on voit évidenment que la mère doit avoir le droit d'émanciper. QUESTION. Le père ou la mère destitués de la tutelle ont-ils encore le droit d'émanciper leurs enfants?

Dépouillés du droit d'administrer la personne et les biens de ces mêmes enfants, comment pourraientils l'accorder à ces enfants eux-mêmes? Cependant ils conservent la puissance paternelle, et l'émancipation en est une émanation: et d'ailleurs l'article 477 ne distingue pas : Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus. C'est, au reste, ce qu'a jugé la cour de Colmar relativement à une mère privée de la tutelle à raison de son convol à de secondes noces. (Arrêt du 7 juin 1807. Sirey, t. 15, II, 164.) QUESTION. Les pères et mères naturels ont-ils droit d'émanciper leurs enfants? La cour de Limoges a adopté l'affirmative: Considérant que pour se fixer sur la question de savoir si Marie Jabely a pu émanciper Adélaïde, sa fille naturelle, il est inutile d'examiner si elle a été ou non sa tutrice légale, parce qu'il est constant en principe que le pouvoir de l'émancipation n'est point exclusivement attaché à la qualité de tuteur, mais bien à celle de père ou de mère, et qu'il s'agit seulement de savoir si ce pouvoir est accordé par la loi aux pères et mères naturels comme aux pères et mères légitimes; considérant qu'il résulte de l'esprit de la législation actuelle sur les enfants naturels, et des dispositions de l'article 383, que la loi a admis les pères et mères naturels à participer à la puissance paternelle attribuée aux pères et mères légitimes; que l'émancipation étant un droit et une conséquence de la puissance paternelle, il en résulte que ce droit est commun aux pères et mères légitimes et naturels; et que ces inductions sont confirmées par les dispositions de l'article 477 du Code civil qui, par la généralité de ses expressions, n'établit aucune différence entre les pères et mères naturels, par rapport au droit d'émancipation; qu'on ne peut supposer une exclusion qui n'est pas prononcée par la loi.» (Arrêt du 2 janvier 1821. Dali., ann. 1822, II, 33.)

[HOLLANDE. Article 480 du nouveau Code civil. La nouvelle législation exige que le mineur ait atteint l'âge de dix-huit ans révolus.]

478.Le mineur, resté sans père ni mère, pourra aussi, mais seulement à l'âge de dixhuit ans accomplis, être émancipé, si le conseil de famille l'en juge capable.-En ce cas, l'émancipation résultera de la délibération qui l'aura autorisée, et de la déclaration que le juge de paix, comme président du conseil de famille, aura faite dans le même acte, que le mineur est émancipé.

Dix-huit ans. Le conseil de famille ne peut émanciper qu'à dix-huit ans. On a craint que le tuteur, pour se libérer d'une charge pénible, ne provo-quât une émancipation prématurée. A l'égard du père et de la mère, cette crainte est entièrement dissipée par leur amour pour le mineur, et par leur intérêt; car l'émancipation leur enlève l'usufruit légal des biens de leurs enfants. L'émancipation prévue par les articles 477 et 478 prend le nom d'émancipation expresse.

[HOLLANDE. Article 481 du nouveau Code civil.]

479. Lorsque le tuteur n'aura fait aucune diligence pour l'émancipation du mineur dont il est parlé dans l'article précédent, et qu'un ou plusieurs parents ou alliés de ce mineur, au degré de cousin germain

=

ou à des degrés plus proches, le jugeront capable d'être émancipé, ils pourront requerir le juge de paix de convoquer le conseil de famille pour délibérer à ce sujet. - Le juge de paix devra déférer à cette réquisition. Pourront requérir. Personne, au contraire, n'a le droit de requérir l'émancipation du mineur qui est sous la puissance de son père ou de sa mère. Devra déférer à celle réquisition. Ainsi, il ne peut convoquer d'office le conseil de famille comme il en a le droit, art. 406, 421, 446. Le ministère public n'a pas non plus ce droit. Notre article n'ayant pas compris le mineur parmi les personnes qui peuvent requérir le juge de paix, il faut en conclure qu'il n'a pas cette faculté, sauf à lui à s'adresser à l'un de ses parents énoncés dans l'article; mais ce n'est pas à lui à juger s'il est ou non capable d'être émancipé. [HOLLANDE. L'article 481 du nouveau Code, précité, permet au mineur lui-même de demander l'émancipation.]

=

480. Le compte de tutelle sera rendu au mineur émancipé, assisté d'un curateur qui lui sera nommé par le conseil de famille. D'un curaleur. Le curateur est une personne chargée de surveiller l'administration du mineur émancipé, de lui donner des conseils, et de l'assister dans les actes importants de cette administration. On dit assister, car les actes sont tous passés au nom du mineur; le curateur n'est là que pour veiller à ce qu'on ne le trompe pas.

Nommé par le conseil de famille. Il ne faut pas conclure de ces expressions, que le père ou la mère, tuteurs naturels, ne soient pas curateurs de plein droit du fils qu'ils émancipent : ce serait une contradiction absurde. Mais il est vrai de dire que, pour le compte de tutelle, le curateur doit toujours être nommé par le conseil de famille. Car, ou bien c'est le père ou la mère qui déposent la tutelle, et, dans ce cas, il faut bien que le conseil de famille nomme un curateur ad hoc, exprès pour recevoir les comptes; ou bien c'est un autre que le père et la mère, et alors le conseil de famille nomme le curateur. Si l'ancien tuteur est choisi pour remplir ces fonctions, il faut de plus nommer un curateur ad hoc, pour recevoir son compte. Au reste, la loi n'exige pas que le compte soit rendu en justice, à moins que les parties ne puissent s'entendre sur les éléments qui le composent (article 473).

481. Le mineur émancipé passera les baux dont la durée n'excédera point neuf ans: il recevra ses revenus, en donnera décharge, et fera tous les actes qui ne sont que de pure administration, sans être restituable contre ses actes dans tous les cas où le majeur ne le scrait pas lui-même.

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travaux et réparations nécessaires à l'entretien de ses propriétés, prendre ou donner à loyer ou à ferme, etc.

Sans être restituable. Sans pouvoir demander la nullité de ces actes, si ce n'est dans le cas où un majeur le pourrait lui-même : par exemple, en cas de violence ou de dol (article 1109).

[HOLLANDE. Cette disposition et les trois suivantes ont été modifiées d'une manière essentielle, par les articles 480-484 du nouveau Code civil.]

482. Il ne pourra intenter une action immobilière, ni y défendre, même recevoir et donner décharge d'un capital mobilier, sans l'assistance de son curateur qui, au dernier cas, surveillera l'emploi du capital reçu.

= Une action immobilière. Pour intenter ces actions, il faut au mineur émancipé l'assistance du curateur, qui ne pourra la donner sans l'autorisation du conseil de famille, ce qui résulte de l'article 484. Mais pour les actions mobilières, il peut seul les intenter et y défendre.

Un capital. Par exemple, s'il reçoit d'un débiteur une somme de 6,000 fr., qui lui produisait des intérêts, ce n'est pas un acte de pure administration; le capital mobilier peut former souvent toute la fortune du pupille.

Sans l'assistance de son curateur. Le curateur ne faisant que l'assister, c'est en son propre nom que le mineur émancipé agit, et qu'il doit être actionné : aussi la cour suprême a-t-elle déclaré radicalement nulle l'assignation du mineur émancipé, dans la personne de son curateur. (Arrêt du 26 juin 1809. Dall., ann. 1809, II, 183.)-Celui-ci, au reste, n'a d'autre responsabilité que celle du mandataire qui n'a pas ou qui a négligemment rempli son mandat.

Surveillera l'emploi. Le mineur émancipé ne pourra donc faire cet emploi sans l'assistance du

curateur.

Vendre ni aliéner. Quoique l'article ne dise rien du droit d'hypothéquer les immeubles, ce droit est implicitement refusé au mineur émancipé, par ce mot aliéner. Car les hypothèques ne peuvent être consenties que par ceux qui ont la capacité d'aliéner les immeubles qu'ils y soumettent » (art. 2124). L'hypothèque, en effet, est assimilée à l'aliénation, parce qu'elle peut y conduire par la vente forcée de l'immeuble hypothéqué. - La cour de cassation a jugé que, par application de notre article, une cour avait pu déclarer valide une acquisition d'immeuble si le mineur n'avait éprouvé aucune lésion. (Arrêt du 15 décembre 1832, ch. des req. Sirey, t. 33, I, 687.)

Ni faire aucun acte, etc. On conclut de là qu'il ne peut intenter une action immobilière, accepter ou répudier une succession, une donation, provoquer un partage, etc., sans l'autorisation du conseil de famille (art. 464, 463, 464, 465).

En cas d'excès. Si le mineur a contracté des obligations excessives par exemple, s'il a acheté un ameublement disproportionné à sa fortune, à son état. On ne peut ranger ces actes dans la classe des actes de pure administration.

485. Tout mineur émancipé, dont les engagements auraient été réduits en vertu de l'article précédent, pourra être privé du bénéfice de l'émancipation, laquelle lui sera retirée en suivant les mêmes formes que celles qui auront eu lieu pour la lui conférer.

=Pourra être privé. Puisque sa mauvaise gestion atteste son incapacité; mais l'émancipation ne sera pas révoquée de plein droit.

En suivant les mêmes formes. Si le père ou la mère existent, ils déclareront devant le juge de paix qu'ils révoquent l'émancipation. S'il n'y a que le conseil de famille, il délibérera à ce sujet. Si l'émancipation a eu lieu par mariage, il paraît difficile d'admettre l'opinion de quelques auteurs, qui pensent qu'elle peut être aussi révoquée; car, si le ma

483. Le mineur émancipé ne pourra faire riage émancipe, c'est parce que les droits d'époux et

d'emprunts, sous aucun prétexte, sans une délibération du conseil de famille, homologuée par le tribunal de première instance, après avoir entendu le procureur du roi.

Faire d'emprunts. Le conseil de famille ne doit pas, comme le mineur en tutelle (art. 457), refuser son autorisation, s'il n'y a pas un avantage évident ou une nécessité absolue à emprunter il peut la donner lors même qu'il n'y a pour le mineur émancipé que l'espérance d'un avantage.

484. Il ne pourra non plus vendre ni alié

ner ses immeubles, ni faire aucun acte autre que ceux de pure administration, sans observer les formes prescrites au mineur non émancipé. A l'égard des obligations qu'il aurait contractées par voies d'achats ou autrement, elles seront réductibles en cas d'excès : les tribunaux prendront, à ce sujet, en considération, la fortune du mineur, la bonne ou la mauvaise foi des personnes qui auront contracté avec lui, l'utilité ou l'inutilité des dépenses.

de père sont inconciliables avec la dépendance dans laquelle la tutelle place le pupille, quant à l'administration de sa personne et de ses biens; mais, si le mariage était annulé, il est probable que le mineur rentrerait en tutelle: l'émancipation devrait cesser avec la cause qui l'a produite: Cessante causâ, cessat effectus. Voyez cependant l'arrêt de la cour de cassation, cité sous l'art. 476.

[HOLLANDE. Les deux dispositions qui précèdent ont été modifiées par l'art. 485 du nouveau Code civil, qui permet au tribunal d'arrondissement de révoquer l'émancipation du mineur qui en abuse, sur la de mande du père ou de la mère, et, à leur défaut, du tuteur, du subrogé tuteur ou des parents ou alliés, et après avoir entendu le ministère public.]

486. Dès le jour où l'émancipation aura été révoquée, le mineur rentrera en tutelle, et y restera jusqu'à sa majorité accomplie.

Rentrera en tutelle. Si la tutelle était naturelle ou légitime, le tuteur reprend ses fonctions, parce qu'il les tient de la loi, qui est toujours la même: si elle est testamentaire, ou dative, le conseil de famille pomme un nouveau tuteur.

[HOLLANDE. Art. 485 § 2 du nouveau Code civil.]

487. Le mineur émancipé, qui fait un

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