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1325. Les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct.-Il suffit d'un original pour toutes les personnes ayant le même intérêt. Chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux qui en ont été faits.— Néanmoins le défaut de mention que les originaux ont été faits doubles, triples, etc., ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l'acte.

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Synallagmatiques. Il faut se rappeler la distinction que nous avons faite entre les contrats synallagmatiques parfaits et imparfaits (art. 1102). Un seul original suffit pour ces derniers, tels qu'un dépôt, un prêt; mais il en serait différemment pour une vente, qui est un contrat synallagmatique parfait. Le motif de l'article a été de ne pas donner à une partie le pouvoir d'exiger l'exécution de l'engagement, tandis que l'autre partie ne pourrait l'y Contraindre de son côté. Du reste, l'acte seul étant nul, mais non la convention qui se forme par le seul consentement et qui existe indépendamment de Iacte, lequel n'est qu'un genre de preuve, les parties pourraient la prouver par d'autres moyens; par exemple, s'il y a eu aveu; mais voici une difficulté qu'en soulève.-QUESTION. L'acte nul comme n'ayant pas été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties, pourrait-il servir de commencement de preuve par écrit? Cette question est difficile; toutefois la négative paraît plus conforme aux principes. L'acte étant nul, ne peut plus produire aucun effet. Il en est différemment dans le cas de l'article suivant qui ne prononce pas la nullité des billets non revêtus du bon de la somme due. QUESTION. Un acte de cautionnement doit-il être fait double? Non, aux termes de l'arrêt suivant de la cour suprême: « Sur le moyen fondé sur ce que l'acte de cautionnement n'a pas été fait double; attendu que le cautionnement n'est de sa nature qu'en engagement accessoire à l'obligation principale; que celui au profit duquel il est consenti sans aucune condition ne contracte aucune obligation envers la caution, d'où il suit que cet engagement est unilatéral et qu'il n'était pas nécessaire de le faire double. » (Arrêt du 22 novembre 1825, ch. des req. Sirey, t. 26, I, 146.)

Distinct. Ainsi, deux associés achètent une maison; ils n'ont pas un intérêt distinct; un seul original suffira pour tous deux, et un autre pour le vendeur. Voyez pour les sociétés de commerce, l'article 39 du Code de comm. expliqué.

La mention. Le motif de cette mention dont l'omission annule l'acte est fondé sur ce que, si elle n'existait pas, l'autre partie pourrait, en supprimant l'original qui est dans ses mains, prétendre qu'il n'en a été fait qu'un seul : or, la mention qui se trouve dans l'autre acte, et qui est signée par elle, démentirait son allégation.

Le défaut de mention. Comme aussi le défaut d'avoir réellement fait les actes doubles; l'exécution est une preuve suffisante que la convention a réellement eu lieu. (Arrêt de la cour de Colmar du 20 janvier 1829. Dall., ann. 1829, II, 78; et de la cour de cassation du 1er mars 1850, ch. des req. Sirey, t. 30, 1,83.) La représentation de l'un des doubles rendrait

aussi non recevable à excfper du défaut de mention. (Arrêt de la cour de Grenoble du 8 avril 1829. Sirey, t. 30, II, 67.) (MODÈLE d'acte sous seing privé, contenant des conventions synallagmatiques, formul. No 20.)

[HOLLANDE. Cette disposition a été supprimée.

1326. Le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule partie s'engage envers l'autre à lui payer une somme d'argent ou une chose appréciable, doit être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit; ou du moins il faut qu'outre sa signature il ait écrit de sa main un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose ;-Excepté dans le cas où l'acte émane de marchands, artisans, laboureurs, vignerons, gens de journée et de service.

En toutes lettres la somme. On a voulu prévenir les surprises ou les abus de confiance dont pourraient être victimes les personnes qui signent souvent des actes sans les lire, ou qui donnent leur signature en blanc. Le bon doit porter en toutes lettres la somme due. Ainsi il n'est nullement suppléé par ces mots, Approuvé l'écriture ci-dessus. Il faut ajouter pour la somme de..., ou bien bon pour la somme de... Il est clair que le bon est inutile lorsque l'acte est écrit en entier de la main du signataire; toute surprise a été impossible. La disposition de l'art. 1520 ne s'applique pas aux lettres de change, mais elle s'applique aux billets à ordre. Voir, à cet égard, nos observations sur les articles 110 et 188 du Code de comm.[Il suit de la généralité des expressions de l'article 1326, que ses dispositions embrassent toas les billets ou promesses sous seing privé, pour quelque cause qu'ils aient été faits, lorsqu'ils ont pour objet le payement d'une somme ou d'une chose appréciable, et que l'engagement unilatéral d'un ou de plusieurs des signataires, qui en résulte, n'émane pas de marchands, quoiqu'ayant même pour cause des opérations commerciales. L'aval donné sur des billets à ordre se trouve nécessairement compris dans les dispositions générales de l'art. 1320, qui ne fait aucune distinction entre l'engagement pris principalement et celui qui n'est qu'accessoire, comme le sont le cautionnement et l'aval. (Arrêt de la cour de cassation de Belgique du 6 mars 1838.)] —QUESTION. Un billet qui ne renferme pas le bon ou approuvé voulu par là loi, peut-il du moins servir de commencement de preuve par écrit? La cour suprême a consacré l'affirmative, par la raison. «Que notre article ne prononce pas, comme l'avait fait la déclaration du 22 septembre 1733, la nullité des billets ou promesses sous seing privé, non écrits par les signataires, lorsqu'ils ne contiennent pas un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la chose qui en fait l'objet; que tout ce qui résulte de cet article, c'est que de pareils écrits ne font pas foi par eux-mêmes et ne peuvent pas seuls autoriser une condamnation; mais, qu'il ne leur refuse pas le mérite de pouvoir être considérés comme un commencement de preuve par écrit, lorsque, suivant l'article 1547, ils rendent vraisemblable le fait allégué et qu'il ne s'élève aucun soup çon de fraude. (Arrêt du 21 mars 1832, ch. des req. Sirey, t. 52, 1, 251.) Cependant il ne faut pas

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conclure de cet arrêt que les juges doivent nécessairement admettre ce billet comme constituant un commencement de preuve par écrit; c'est une faculté pour eux comme la même cour l'a jugé par l'arrêt suivant: Attendu que l'article 1347 du même Code n'impose aucunement aux juges l'obligation de considérer un acte dont l'effet est réprouvé par la loi comme un commencement de preuve par écrit; rejette, etc. (Arrêt du 22 avril 1818, ch. des req. Sirey, t. 19, I, 195.) (MODÈLE de billet ou promesse, form. N° 21.) QUESTION. Le billet souscrit sans l'approuvé qu'exige l'article, peut-il cependant être valable? L'affirmative découle de l'arrêt précité; elle a encore été consacrée plus formellement par l'arrêt suivant de la même cour: « Attendu, sur le moyen tiré de l'article 1326 du Code civil, en ce que le billet à ordre dont il s'agit ne contient que la signature de la dame Couvé, mais sans le bon et approuvé de sa part, tel que cet article l'exige; que la dame Couvé avait reconnu elle-même qu'elle avait signé ce billet avec connaissance de cause, et sans alléguer qu'il lui ait été fait aucune surprise.» (Arrêt du 23 avril 1829, ch. des req. Sirey, t. 29, I, 366.) QUESTION. Les actes de cautionnement ne sontils valables qu'autant qu'ils sont revêtus du bon en toutes lettres de la somme cautionnée? La cour suprême a consacré l'affirmative : « Vu l'article 1326; considérant que cet article est conçu en termes généraux et comprend, par conséquent, tous les actes ou promesses de payer, par lesquels une seule personne s'engage envers l'autre, sans en excepter, ni ceux par lesquels les signataires se seraient obligés à payer comme caution d'un débiteur principal, ni ceux lors de la signature desquels ils auraient pu connaître l'étendue des engagements qu'ils auraient contractés par ces actes, s'ils avaient ajouté bon ou approuvé de leur main en toutes lettres de la somme où de la quantité de la chose; que, au surplus, le législateur n'ayant pas fait, quels qu'en aient été les motifs, d'exception à la règle générale pour ces cas particuliers, les tribunaux n'ont pas le pouvoir d'en créer, et ne doivent, sous aucun prétexte, considérer comme obligatoires, les actes unilatéraux sous seing privé, s'ils ne sont pas revêtus des formes prescrites par l'article 1526 du Code civil; casse, etc. (Arrêt du 21 août 1827, ch. civ. Dall., ann. 1827, I, 471.) — QUESTION. Le contrat de dépôt s'il n'est pas écrit en entier par le dépositaire, est-il assujetti à la formalité du bon en toutes lettres de la somme déposée? La cour de cassation a consacré l'affirmative:

Vu l'article 1326 et attendu, 1o que si l'article 1925 du même Code exige qu'un acte de dépôt ne puisse être constaté que par écrit, il ne s'ensuit pas que l'acte qui le constitue soit dispensé des formes que la loi a exigées par l'article 1526; 2° qu'un écrit portant reconnaissance du dépôt d'une somme d'argent ne peut être considéré que comme un acte unilatéral, dont l'effet est d'obliger le dépositaire à rendre la somme qui lui a été confiée; d'où il résulte que, s'il n'est pas écrit de la main du dépositaire, il ne peut être valable que par l'approbation de la somme énoncée; 3o que le jugement attaqué n'énonce point que la femme Changarnier fit un commerce séparé, ni même qu'elle fût dans l'usage de tenir les écritures ou de signer pour son mari, et que, en conséquence, il a faussement appliqué à l'espèce de la cause l'exception énoncée audit article 1526 sous le seul prétexte que la femme, suivant la condition de son mari, qui était marchand, n'était point obligée de se conformer à la première disposition du ième article; 4° qu'en appliquant à la mère espèce

la disposition de l'article 1926 du même Code, sons le prétexte que la femme Changarnier avait profité de la somme déposée, le jugement attaqué a commis une erreur de droit, en ce que cet article suppose nécessairement que le dépôt fait à la personne incapable, l'a été dans une forme qui l'aurait valablement obligée, sans son incapacité, et que, dans l'espèce, la femme Changarnier, eût-elle été libérée de la puissance maritale, n'aurait pu être valablement obligée en vertu d'une reconnaissance qui ne contenait point d'approbation de la somme déposée; casse, etc.» (Arrêt du 12 janvier 1814, ch. civ. Dall., ann. 1814, I, 165.)

Demarchands. Détaillants ou négociants. La célérité du commerce et la nécessité de ne pas interdire certains actes aux autres personnes désignées dans l'article, lesquelles ne savent souvent que signer, ont dicté cette exception. Cependant il semblerait que c'est en faveur de ces personnes, au contraire, que l'article aurait dû être fait, et non l'exception, car elles sont surtout, par leur ignorance, exposées aux surprises. Il est de jurisprudence que la qualification de laboureur s'applique à celui qui cultive ses propres terres comme à celui qui cultive les terres d'autrui. On a même jugé que la femme ne perd pas le titre de femme de laboureur, par le décès de son mari. (Arrêt de la cour de Grenoble du 22 août 1829. Sirey, t. 30, II, 67.) — QUESTION. Le billet souscris par la femme d'un marchand, conjointement avec son muri, mais sans le bon voulu, est-il valable d l'égard de la femme? La cour suprême a consacré la négative: Vu l'article 1326 du Code civil; considérant, 1o qu'il est vrai que la femme suit la condition de son mari, mais qu'il ne résulte nullement de ce principe que la profession du mari soit nécessairement commune à la femme; que, d'après les articles 4 et 5 du Code de commerce, une femme n'est réputée marchande publique que lorsqu'elle exerce, du consentement de son mari, un commerce séparé du sien; que la femme Lefèvre n'ayant jamais exercé un commerce de ce genre, ne peut être considérée comme marchande; que ne pouvant, dès lors, la placer dans l'exception contenue en l'article 1526 du Code civil, elle est soumise à la disposition générale du même article; 2° que l'on ne peut écarter cette disposition sous le prétexte qu'il s'agit, dans l'espèce, d'un billet à ordre, et, par conséquent, d'un effet de commerce; la signature des femmes et filles non marchandes sur des lettres de change (et par conséquent sur des billets à ordre) ne vaut, à leur égard, que comme simples promesses, lesquelles sont de leur nature régies par le Code civil; 3° que l'on ne peut non plus écarter la disposition générale de l'article 1326 de ce Code, sous prétexte qu'elle ne s'applique qu'aux billets où une seule personne s'engage envers une autre; car il résulte du texte sainement entendu de l'article, de l'esprit bien connu du législateur et de l'ancienne législation, à laquelle la nouvelle se réfère en ce point, que l'article comprend tout acte unilatéral qui renferme obligation de payer, soit que l'obligation soit souscrite par un seal, soit qu'elle le soit par plusieurs; 4° que ni l'arrêt ni le jugement de première instance dont l'arrêt adopte les motifs, ne constate que la femme Lefebre ait ratifié le billet dont il s'agit et couvert la nullité, qui, suivant la disposition générale de l'article 1326 du Code civil, résulte de ce que, en apposant la signature, cette femme n'a pas ajouté le bon ou l'approuvé prescrit par cet article; casse, etc. » (Arrêt du 6 mai 1816, ch. civ. Sirey, t. 16, 1, 227.) - Il ne faudrait pas cependant conclure de cet arrèt

que la femme d'un laboureur ne serait pas présumée exercer la profession de son mari; la cour de Lyon a consacré cette présomption. (Arrêt du 12 décembre 1829, Sirey, t. 31, II, 225.) L'opinion adoptée par la cour de cassation, dans l'arrêt précité, est, en effet, basée principalement sur les dispositions exceptionnelles des articles 4 et 5 du Code de commerce, qui veulent l'autorisation du mari pour donner à la femme la qualité de marchande. [La question relative à la femme du laboureur a été récemment soumise à la cour de cassation : « Il y a moins d'un demi-siècle, a dit l'avocat général Gillon, que les femmes de la campagne partageaient les plus rudes travaux de leurs maris; on les voyait comme eux tenant la charrue, comme eux le fouet à la main conduisant les attelages. Dès leur première Jeunesse elles avaient été préparées à la fatigue. Telle n'est plus heureusement la vie des villageoises, si ce n'est en quelques contrées où la stérilité du sol entretient la misère. Aujourd'hui la femme du laboureur n'est plus ce qu'elle était il y a tren-six ans, quand fut promulgué l'article 1526, époque où déjà elle était loin d'avcir la dure condition, en vue de laquelle l'ordonnance du 22 septembre 1735 avait posé la règle exceptionnelle qui est reproduite par ce même article. Voilà pourquoi, si l'on veut rester fidèle à l'esprit de l'exception, il faut, adoptant les progrès du temps, reconnaitre la femme laboureur aux seuls soins que l'état de l'agriculture et de la société réclament aujourd'hui de la faiblesse de son sexe. N'admettre pour la femme et pour le mari la qualité de laboureur qu'aux mêmes traits et aux mêmes caractères, serait une fidélité aveugle au texte de l'article 1326, mais une infidélité déplorable à son esprit et un oubli complet de la philosophie du droit. Avec une telle intelligence de cet article on ne trouverait bientôt plus l'occasion de l'appliquer aux femmes de laboureurs.» La cour a rendu l'arrêt suivant : « Attendu qu'après avoir dé-claré en fait que la dame Druyer s'etait immiscée dans le commerce agricole de son mari, le jugement attaqué lui a fait une juste application d'une des exceptions prononcées par l'article1526 du Code civil, rejette. (Arrêt de la cour de cassation de France du 9 décembre 1859. Gazelle des Tribunaux du 5 janvier 1840.)].-QUESTION. Lorsque le billet est souscrit par deux personnes, le mari et la femme, par exemple, celle-ci doit-elle observer la disposition de notre article, si le billet est écrit par son mari? La cour suprême juge par l'arrêt plus haut rapporté du 6 mai 1816, que la loi n'admet aucune distinetion elle a encore consacré la mème opinion par plusieurs autres décisions. (Arrêts du 8 août 1815, ch. civ. Sirey, t. 16, 1, 97; et du 22 avril 1818, ch. des req. Sirey, t. 19, I, 193.)

[HOLLANDE. Art. 1915 du nouveau Code civil. Les expressions, le billet ou la promesse sous seing privé, ont été remplacées par celle-ci : Les obligations unilatérales.]

1327. Lorsque la somme exprimée au corps de l'acte est différente de celle exprimée au bon, l'obligation est présumée n'ètre que de la somme moindre, lors même que l'acte, ainsi que le bon, sont écrits en entier de la main de celui qui s'est obligé, à moins qu'il ne soit prouvé de quel côté est l'erreur.

= De la somme moindre. Application du prin

cipe que l'interprétation doit toujours être faite en faveur du débiteur (art. 1162).

A moins qu'il ne soit prouvé. Cette preuve peut même être faite par témoins; elle peut aussi résulter de l'acte par exemple, je reconnais devoir 1,200 fr. pour six pièces de vin que Paul m'a vendues à raison de 200 francs la pièce; bien que le bon porte 1,000 francs seulement, les 1,200 seront dus. L'erreur est palpable.

HOLLANDE. [Art. 1916 du nouveau Code civil.]

1328. Les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers, que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans des actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d'inventaire.

= Contre les tiers. Ainsi, entre les parties, la date est certaine; mais elles auraient pu, pour frauder les tiers, s'entendre, afin d'antidater un acte. Je vous vends aujourd'hui une maison, je pourrais demain faire un acte en faveur d'une autre personne, et le dater de l'année dernière. Si vous n'avez pas fait enregistrer votre contrat, le dernier acquéreur pourra vous déposséder, sauf votre action en garantie contre moi, car son titre porte une date antérieure au vôtre, et comme ni l'un ni l'autre n'est revêtu des formalités qui lui donnent une date cer-taine, on est obligé de suivre l'ordre des dates. Si, au contraire, vous avez fait enregistrer votre acte, cette formalité, qui lui donne une date certaine, préviendra la fraude; et le titre du second acquéreur, n'ayant pas de date certaine, sera présumé antidaté. Lorsque l'acte est authentique, aucune contestation ne peut s'élever, car les officiers publics donnent date certaine à l'acte.-L'article 1322 disant que l'acte sous seing privé a, entre ceux qui l'ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l'acte authentique, on a prétendu que ce mot ayants cause comprenait tous les successeurs à titre universel comme à titre particulier, tels qu'un acquéreur, et qu'ainsi, dans l'exemple donné plus haut, le second acquéreur, bien que son contrat ne fût pas enregistré, devrait l'emporter sur celui qui a fait enregistrer son acte. Cette opinion, qui rendrait à peu près inutile l'article 1328, est repoussée par la plupart des jurisconsultes, qui restreignent l'expression ayants cause dans l'article 1322, aux successeurs universels et à titre universel. —QUESTION. Les dispositions de notre article s'appliquentelles aux matières commerciales? La cour suprême a décidé que les juges peuvent se dispenser de faire cette application: «Considérant que les relations qui ont existé entre les parties avaient pour objet des actes de commerce, et par conséquent, que la con-testation qui s'est élevée entre elles était régie par les principes commerciaux, principes d'après lesquels l'arrêt attaqué a pu, conformément aux articles 1541 du Code civil et 109 du Code de commerce, écarter l'application de l'article 1328 du Code civil, article qui concerne spécialement les matières civiles; rejette, etc. » (Arrêt du 28 janvier 1854, ch. des req. Sirey, t. 35, 1, 206.)-Jugé dans le même sens par arrêt de la cour de Bruxelles du 22 juil let 1850.1

Enregistrés. L'enregistrement d'un acte est la

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mention qui en est faite sur un registre particulier par un officier public préposé à cet effet. Tous les actes sont soumis à la formalité de l'enregistrement, soit pour leur donner date certaine, soit seulement comme mesure fiscale. QUESTION. Le défaut d'enregistrement qui entraîne la nullité des actes des huissiers fail-il du moins dégénérer les actes notariés en actes sous seing privé, comme sous l'empire de la loi de 1790? La négative parait constante : voici comment la cour de Bourges l'établit : « Considérant que le législateur de l'an vii, qui avait sous les yeux la loi de 1790, y a pris la matière des arti cles 33 et 34 de la nouvelle loi, mais avec des modifications importantes; que, en effet, s'il a maintenn purement et simplement la disposition de la loi de 1790, quant aux actes des huissiers, il s'est borné, en ce qui concerne les actes des notaires, à la simple peine pécuniaire contre ces fonctionnaires, laissant ainsi à ces actes la fixité de date que leur assure le caractère de l'officier public qui les reçoit, etc. D (Arrêt du 17 mai 1827. Sirey, t. 29, II, 109.)

De la mort.QUESTION. La mort des témoins signataires d'un acle donne-t-elle date certaine à cel acle, comme la mort des parties contractantes? La cour de cassation a embrassé l'affirmative : • Considérant que la loi attribue à la mort de l'une des parties qui ont souscrit un acte sous seing privé l'effet de lui donner une date certaine; que, dans ces mots, ceux qui ont souscrit, elle ne distingue pas le cas où il s'agit d'un acte sous scing privé pur et simple, ou d'un acte qui avait été originairement fait dans la forme authentique, et auquel un vice a fait perdre le caractère d'authenticité, et qui avait reçu la signature des témoins; que les personnes qui ont souscrit la convention sont non-seulement le vendeur et l'acheteur, mais encore le notaire et les témoins signataires; que, en décidant que ces derniers sont compris dans la disposition de l'art. 1528, l'arrêt attaqué en a fait une juste application; rejette, etc. (Arrêt du 8 mai 1827, ch. des req. Sirey, t. 27, 1, 453.) — QUESTION. Un homme a perdu les deux bras: l'acte portant sa signature aurait-il une date cerlaine, au moins du jour de cet événement? Il semblerait que, dans ce cas, l'impossibilité d'antidater étant la même, il y aurait même raison de décider que dans le cas de mort: cependant la jurisprudence paraît avoir décidé que l'article est Imitatif, et qu'ainsi cette circonstance ne donnerait pas une date certaine. (Argument d'un arrêt de la cour de cassation du 27 mai 1823. Sirey, t. 23, I, 297.)-[Les actes sous seing privé ne peuvent avoir date certaine contre les tiers par l'effet d'aucunes circonstances autres que celles prévues par l'article 1528 du Code civil. Cet article est limitatif et non démonstratif. (Arrêt de la cour de Bordeaux du 27 janvier 1829.) Ainsi on ne peut être admis à établir contre le tiers la vérité de la date, en prouvant qu'il a eu connaissance personnelle de l'acte sous seing privé; que même il l'a exécuté. (Arrêt de la cour de cassation de France du 27 mai 1825.)]

[HOLLANDE. Art. 1917 du nouveau Code civil. — Il a été ajouté à la disposition française: « Ou bien du jour où le tiers contre lequel on se sert de l'acte en a reconnu l'existence par écrit. »]

1329. Les registres des marchands ne font point, contre les personnes non marchandes, preuve des fournitures qui y sont portées, sauf ce qui sera dit à l'égard du ser

went

Non marchandes. Les livres de commerce régulièrement tenus peuvent faire preuve entre commerçants pour faits de commerce (art. 12 du Code de comm.). La bonne foi, qui est l'âme du commerce, et la célérité des opérations ont exigé cette dérogation au principe qu'on ne peut se faire un titre à soi-même; mais on ne devait pas l'étendre aux personnes non commerçantes.

Sauf ce qui sera dit à l'égard du serment. C'està-dire que le juge pourrait voir dans les registres un commencement de preuve suffisant pour déférer le serment (art. 1360, 1367).

[HOLLANDE. Cette disposition a été modifiée par l'article 1919 du nouveau Code civil, ainsi conçu : Les livres des marchands font preuve contre les personnes non marchandes, à l'égard de la qualité et de la quantité des fournitures qui y sont portées, pourvu qu'il soit prouvé que le marchand était babitué de faire à la partie adverse pareilles fournitures à crédit, et que les livres soient tenus conformément à ce qui est prescrit par le Code de commerce, et qu'enfin le marchand affirme sous serment la vérité de sa prétention. En cas de mort du marchand, ses héritiers doivent déclarer sous serment qu'ils pensent de bonne foi que la dette subsiste et n'a pas été payée. »]

1330. Les livres des marchands font preuve contre eux; mais celui qui en veut tirer avantage ne peut les diviser en ce qu'ils contiennent de contraire à sa prétention.

= Contre eux. Ainsi un registre peut être considéré comme un titre sans signature. On ne peut, en effet, penser qu'une personne soit déclarée débitrice, sans qu'il existe de dette.

Ne peut les diviser. Fides scripturæ indivisibilis est. Si, en effet, on veut admettre ou rejeter une pièce, il faut la rejeter pour le tout ou l'admettre pour le tout. Ainsi, votre registre atteste que je vous ai donné 1,000 francs, mais il ajoute que vous m'en avez donné 600; je ne pourrai pas prétendre que vous me devez toujours 1,000 francs.

[HOLLANDE. Art. 1919, § 3 du nouveau Code civil.]

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=Ils font foi. L'article ne distingue pas s'ils sont signés ou non par la partie, parce que ces sortes de titres ne sont pas ordinairement signés par ceux qui les tiennent. QUESTION. Feraient-ils foi, s'ils étaient écrits par d'autres que la personne même? Oui, parce qu'on doit présumer que ces pièces étant toujours en la possession de celui qui les tient, on n'a rien écrit que de son consentement.

Formellement un payement reçu. Ici, l'écrit sert de quittance.

Mention expresse. Ici, il s'agit de la preuve d'une obligation qu'on aurait contractée, et une obligation ne peut pas être facilement présumée. Il ne sullirait

donc pas d'avoir écrit qu'on a emprunté telle somme; car on pourrait l'avoir rendue sans quittance, ou être seulement convenu de l'emprunter sans que la convention se soit réalisée. Pour que la preuve soit certaine, il faut avoir fait mention que la note est faite pour servir de titre de reconnaissance, etc. Du reste, dans tous ces cas, ces papiers revêtus de ces formalités font preuve complète; mais ils ne sont pas sans quelques effets, même lorsqu'ils sont dépourvus de ces formes; le juge peut en faire résuiter des présomptions (art. 1353): ils peuvent servir de commencement de preuve par écrit, afin de faire admettre la preuve testimoniale (art. 1347). [HOLLANDE. Article 1918 du nouveau Code civil.]

1332. L'écriture mise par le créancier à la suite, en marge ou au dos d'un titre qui est toujours resté en sa possession, fait foi, quoique non signée ni datée par lui, lorsqu'elle tend à établir la libération du débileur. Il en est de même de l'écriture mise le créancier au dos, ou en marge, ou à par la suite du double d'un titre ou d'une quit. tance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur.

Qui est toujours resté en sa possession. Il est clair que si le titre original se trouve en la possession du débiteur, l'écriture prouve, à plus forte raison, la libération; d'ailleurs, dans ce cas, le créancier n'ayant plus de titre, ne peut rien réclamer.

Du double. Dans ce cas, le créancier ayant un double non acquitté, pourrait encore exiger la dette.

Du débiteur. On exige que le double sur lequel le créancier a mis l'écriture qui tend à la libération soit entre les mains du débiteur, parce qu'il pourrait arriver que le débiteur eût remis son titre au créancier pour y placer la quittance ou un à-compte, et que celui-ci, ayant écrit ces énonciations, n'eût pas réellement reçu la valeur énoncée; mais cette présomption ne peut plus exister lorsque le créancier a remis le titre sur lequel est l'écriture, au débiteur, car il n'a pu l'échanger que contre de l'argent. QUESTION. Les écritures mises au dos du double d'un titre, font-elles foi si elles se trouvent biffées? La cour suprême a consacré la négative : « Attendu qu'il a été jugé, en fait, par l'arrêt attaqué, que l'écriture au dos du titre n'y existait que biffée, et que, dans cet état, elle n'était pas libératoire, d'où il suit qu'aucune loi n'a été violée; rejette, etc.» (Arrêt du 11 mai 1819. Sirey, t. 20, 1, 84.) [HOLLANDE. Art. 1920 du nouveau Code civil.]

§ III. Des Tailles.

1333. Les tailles corrélatives à leurs échantillons font foi entre les personnes qui sont dans l'usage de constater ainsi les fournitures qu'elles font ou reçoivent en détail.

Les tailles. On nomme ainsi un morceau de bois divisé en deux parties, dont se servent certaines personnes pour marquer la quantité de fournitures qui leur sont faites. A l'instant de la fourniture, on taille transversalement les deux parties, qu'on réunit: la partie que le fournisseur conserve s'appelle proprenient la taille, celle qui est dans les mains du

consommateur s'appelle l'échantillon. Les boulangers à Paris sont dans l'usage de se servir de tailles: elles sont assimilées aux actes sous seing privé. [HOLLANDE. Art. 1924 du nouveau Code civil.]

§ IV. Des copies des Titres.

1334.Les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la représentation peut toujours être exigée.

Le titre original est le premier acte que les parties elles-mêmes ont passé entre elles, et qui renferme l'obligation qu'elles ont contractée. La copie du titre est la transcription de ce titre que l'on fait d'après l'original.

Peut toujours élre exigée. Les notaires, en effet, lorsqu'ils délivrent des copies d'un acte, ne doivent le modifier en rien, sous aucun prétexte. Si l'une des parties prétend que la copie qu'on lui oppose n'est pas conforme au titre original, elle pourra donc toujours exiger qu on représente ce titre pour le comparer avec la copie. QUESTION. La représentation de la minute est-elle soumise à quelque condition? La cour suprême a embrassé la négative:

Vu l'article 1334; attendu que, aux termes de l'article 1354 du Code civil, les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre dont la représentation peut être ordonnée; que cet article ne subordonne la représentation de la minute, ni à l'authenticité de la copie, ni à la formalité de l'inscription de faux, ni à aucun commencement de preuve de la non-conformité alléguée; que, cependant, l'arrêt attaqué juge le contraire et refuse, sous ce prétexte, la représentation de la minute du procès-verbal d'adjudication dont il s'agit; qu'en cela il viole formellement ledit article; casse, etc.» (Arrêt du 15 juillet 1829, ch. civ. Sirey, t. 29, I, 305.)

(HOLLANDE. Art. 1925 du nouveau Code civil.,

1335. Lorsque le titre original n'existe plus, les copies font foi d'après les distinctions suivantes : -1° Les grosses ou premières expéditions font la même foi que l'original : il en est de même des copies qui ont été tirées par l'autorité du magistrat, parties présentes ou dùment appelées, ou de celles qui ont été tirées en présence des parties et de leur consentement réciproque;-2o Les copies qui, sans l'autorité du magistrat, ou sans le consentement des parties, et depuis la délvrance des grosses ou premières expéditions, auront été tirées sur la minute de l'acte par le notaire qui l'a reçu, ou par l'un de ses successeurs, ou par officiers publics, qui, en cette qualité, sont dépositaires des minutes, peuvent, au cas de perte de l'original, faire foi quand elles sont anciennes. Elles sont considérées comme anciennes quand elles ont plus de trente ans. elles ont moins de trente ans, elles ne peuvent servir que de commencement de preuve

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Si

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