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le légataire, du moment du décès, a eu un droit acquis, et l'héritier a été débiteur de la chose léguée. Si cette chose a péri par sa faute ou par sa négligence, il en doit indemnité (article 1157). Si elle a péri par cas fortuit, avant que le légataire l'ait réclamée, il ne doit aucun dédommagement (art. 1502). Enfin, il en est de même, bien que le légataire ait réclamé la chose léguée, si elle a péri par un événement qui l'aurait détruite également dans ses mains; par exemple, la foudre qui a incendié une maison léguée (art. 1502).

[HOLLANDE. Art. 1046 du nouveau Code civil.]

1043. La disposition testamentaire sera caduque lorsque l'héritier institué ou le légataire la repudiera ou se trouvera incapable de la recueillir.

Incapable de la recueillir. Si, par exemple, il est mort civilement au moment du décès du testateur, ou bien s'il l'a traité en qualité de médecin pendant la maladie dont il est mort, et que la dis-position ait été faite dans le cours de cette maladie, etc. Nous avons expliqué les diverses incapacités, articles 906 et suivants.

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[HOLLANDE. Art. 1048 du nouveau Code civil. Cet article est suivi d'un §, suivant lequel les avantages qui auraient été faits à des tiers par la disposition caduque, ne perdent rien de leur validité; mais ils tombent à la charge de ceux à qui la succession ou le legs vient à échoir, sauf leur droit J'abandonner purement ou simplement la succession ou le legs au profit du tiers avantage.]

1044. Il y aura lieu à accroissement au profit des légstaires, dans le cas où le legs sera fait à plusieurs conjointement.- Le legs sera réputé fait conjointement, lorsqu'il le sera par une seule et même disposition, et que le testateur n'aura pas assigné la part de chacun des colégataires dans la chose léguée.

Accroissement. Le droit d'accroissement est le droit de réunir à sa portion la part de celui qui la refuse ou qui ne peut la recueillir. Le droit de profiter ainsi de la caducité des legs appartient à celui qui serait obligé de les acquitter s'ils n'étaient pas caducs. En effet, l'obligation d'acquitter le legs lui était imposée; le legs devient caduc, son obligation cesse, et il garde pour lui les objets qu'il n'est plus tenu de livrer. Ainsi, y a-t-il un légataire universel, comme il est obligé d'acquitter tous les legs, il profitera de ceux qui seront caducs; s'il n'y a pas de légataire universel, mais des légataires à titre universel en concours avec des héritiers natu

rels, comme ils doivent acquitter les legs proportionnellement, ils profiteront de leur caducité dans la même proportion. Mais, dans tous les cas, si un legs a été fait à plusieurs conjointement, la part de ceux qui ne veulent ou ne peuvent le recevoir doit appartenir aux autres, parce que, tant qu'il existe une des personnes auxquelles les objets ont été legués conjointement, l'intention du testateur est que le legs lui soit délivré.

Par une seule et même disposition. Je lègue le quart de mes biens à Pierre et à Paul. On dit alors qu'ils sont réunis, et par la chose et par les mots,

re et verbis. Si Pierre ne peut recueillir le legs conjointement avec Paul, celui-ci le recueillera seul, parce que le testateur le lui a légué, sans lui fixer une part limitée.-QUESTION. L'accroissement a-t-il licu si l'institution ayant été faite par une scule disposition collective, le testateur a indiqué, par une disposition distincle et séparée de l'institution, le mode de partage par souche que les légalaires devraient suivre? La cour suprême a consacré l'affirmative: « Vu l'article 1039 du Code civil: vu aussi l'article 1044 du même Code; attendu que le sieur Couillard, en léguant le domaine de Quincampoix à trois branches de ses successibles, l'a fait par une seule disposition conjonctive, que le testateur n'a ni dénaturée ni altérée, en voulant, par une disposition séparée et qui suit immédiatement (ainsi que l'a reconnu l'arrèt attaqué), qu'il fût fait de ce domaine trois lots et partages par égales portions... pour en revenir en toute propriété et jouissance, un tiers à chacune desdites branches; que ces expressions qui ne se réfèrent qu'à l'exécution du legs, n'annoncent pas que le testateur ait fait des parts et assigné une quote déterminée à chacun des légataires du domaine de Quincampoix; mais qu'en le leur léguant en commun, il a voulu seulement qu'il fût partagé également entre elles, par branches et non par têtes; d'où il suit que, dans l'espèce, il y avait lieu à accroissement au profit des légataires dudit domaine, et qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a fait une fausse application de l'article 1044 du Code civil, et violé l'article 1059 du même Code; casse, etc. (Arrêt du 18 décembre 1852, ch. civ. Sirey, t. 33, 1, 36.) Voyez aussi l'arrêt de la cour de Paris du 22 juin 1833, rendu dans le même sens, sur le renvoi de la cour de cassation. (Sirey, t. 33, II, 337.)

[HOLLANDE. Art. 1049 du nouveau Code civil.]

1045. Il sera encore réputé fait conjointement quand une chose qui n'est pas susceptible d'être divisée sans détérioration, aura été donnée par le même acte à plusieurs personnes, même séparément.

=

Même séparément. Exemple: Je donne à Paul la maison que je possède; et par une autre disposition contenue dans le même acte, je lègue à Pierre la maison que je possède. Si ces deux dispositions étaient dans deux actes séparés, elles seraient incompatibles, et la dernière révoquerait celle qui lui serait antérieure; mais dans le même acte on ne peut supposer au testateur des intentions incompatibles, et l'on présume qu'il a voulu donner conjointement. On dit alors que les légataires ne sont réunis que par la chose, re tantùm. Paul et Pierre se partageront également la maison, et si l'un refuse sa part, elle accroîtra à l'autre. Mais dans cette disposition: Je lègue ma maison à Pierre et à Paul, pour que chacun en prenne la moitié, il n'y a pas un legs iait conjointement, mais deux dispositions séparées. On dit que les légataires ne sont réunis que par les mols, verbis tantùm. Si l'un refuse sa moe, elle n'accroitra pas à l'autre, mais à ceux qui étaient obligés de la délivrer, c'est-à-dire aux héritiers ou aux légataires universels.- QUESTION. Si le lestaleur a imposé une condition à l'un des colégataires, l'autre colegataire, en cas qu'il y ait lieu à accroissement, est-il obligé de l'exécuter? Les auteurs distinguent, comme en droit romain, entre le droit d'accroissement re el verbis et re tantùm. Dans le

premler cas, le colégataire auquel le legs accroît a Le choix ou d'y renoncer, ou de l'accepter, mais avec la charge; car les deux parts étaient bien distinctes, le colégataire reste le maître de s'en tenir à son legs. Dans le second cas, l'accroissement a lieu malgré le colégataire, mais sans la charge; car c'est moins un droit d'accroissement qu'un droit de non décroisse-ment, dont l'effet est tel que la part du conjoint re tantùm, capable de recueillir, ne doit pas être diminuée de la part de l'incapable.

(HOLLANDE. Art. 1050 du nouveau Code civil.]

1046. Les mêmes causes qui, suivant l'article 954 et les deux premières dispositions de l'article 955, autoriseront la demande en révocation de la donation entre-vifs, seront admises pour la demande en révocation des dispositions testamentaires.

Les mêmes causes. Ces causes sont l'inexécution des conditions, et l'ingratitude du donataire. Il y aura lieu à révocation pour ingratitude, lorsque le legataire aura attenté à la vie du testateur, ou se sera rendu coupable envers lui de sévices, délits on injures graves (art. 955). Les testaments ne sont pas révoqués pour survenance d'enfants, parce qu'il est toujours permis au testateur de les révoquer de sa pleine autorité. Celui qui, n'ayant pas d'enfants, a légué à des étrangers, s'il lui survient ensuite un enfant, ne manquera pas de révoquer son legs; s'il ne le fait pas, il aura manifesté l'intention de persévérer dans ses premières volontés, malgré la Burvenance de son enfant; et le legs sera valable. Mais s'il meurt, ignorant que sa femme est enceinte, et si un enfant survient après son décès, il semble que tous les motifs qui font révoquer les donations se trouvant réunis dans ce cas, le testament devrait être annulé. Cependant, comme la loi n'applique pas au testament cette cause de révocation, il est probable qu'elle ne serait pas reçue par les tribunaux. La troisième cause de révocation prévue par l'article 955 est le refus d'aliments de la part du donateur; le testament n'attribuant des droits au légataire qu'à la mort du testateur, il est clair qu'il ne pouvait être obligé pendant la vie de celui-ci à lui fournir des aliments. Par argument de l'article 957, on pense communément que la demande en révocation de la part des héritiers du testateur doit être formée dans l'année à compter du jour où la cause d'indignité a été connue, si le légataire s'est mis en possession comme légataire universel; autrement, et s'il ne s'est pas mis en possession, l'exception d'indignité devra durer aussi longtemps qu'il aura tardé à former sa demande en délivrance d'après la maxime: Quæ temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum. Par le motif que nous avons indiqué sous l'article 957, il faut dire aussi que l'action en révocation ne doit pas être intentée contre les héritiers du légataire décédé. QUESTION. Le défaut de dénonciation du meurtre du defunt placé parmi les causes d'indignité de succéder doit-il être étendu aux légalaires? On pourrait le penser, d'après l'observation que nous avons faite sous l'article 957, que le législateur s'est montré plus sévère pour l'ingratitude des donataires que pour celle des héritiers; mais la loi gardant ici le silence sur cette cause, il nous semble diflicite de l'appliquer aux légataires, à moins cependant que ce ne soit aux légataires universels et à

titre universel, parce qu'ils sont loco hæredum. [HOLLANDE. Art. 1051 et 885 du nouveau Codo civil.]

1047. Si cette demande est fondée sur une injure grave faite à la mémoire du testateur, elle doit être intentée dans l'année, à compter du jour du délit.

=

A la mémoire du testaleur. Car l'homme qui insulte à la mémoire de celui qui mourut en lui adressant un bienfait, mérite que ce bienfait lui soit retiré. Mais l'action pour poursuivre cette ingratitude ne devrait pas durer plus d'un an après le délit, parce que, au bout de ce temps, les preuves qu'on pourrait en fournir deviennent trop incertaines. La cour de cassation a jugé que la soustraction des effets de la succession par un légataire ne pouvait emporter la révocation du legs qu'autant qu'elle avait porté atteinte ou avait pour but de porter atteinte à la mémoire du testateur. (Arrêt du 25 juin 1822, ch. civ. Dall. ann. 1822, I, 450.)

CHAPITRE VI.

Des Dispositions permises en faveur des petitsenfants du donateur ou testateur, ou des enfants de ses frères et sœurs.

Nous avons vu par quels motifs l'article 896 avait prohibé les substitutions fidéicommissaires; nous avons observé aussi que l'article 897 exceptait de cette prohibition les dispositions du chapitre vi, que nous examinons en ce moment: ces dispositions sont en effet de véritables substitutions, quoiqu'on ait évité de leur donner ce nom. Celui qui reçoit est obligé de conserver les biens donnés, pour les rendre en mourant aux enfants qui lui survivront. Mais ces substitutions étaient réclamées par la nature elle-même. Un père peut craindre que son fils ne dissipe les biens qu'il lui laissera, et n'en dépouille ainsi ses descendants; il peut avoir contre lui de justes sujets de mécontentement; s'il le punit en donnant à un étranger la quotité disponible, il punit en même temps sa postérité, qui est innocente. La loi, dans tous ces cas, a dû lui offrir un moyen de faire parvenir ses biens à ses petitsenfants. La même faveur a été accordée à l'oncle, qui, lorsqu'il n'a pas de postérité, porte ordinairement à ses neveux l'affection d'un père. On a d'ailleurs prévenu, par de sages dispositions, tout ce que les substitutions prohibées avaient d'odieux et de funeste.

1048. Les biens dont les pères et mères ont la faculté de disposer, pourront être par eux donnés, en tout ou en partie, à un ou plusieurs de leurs enfants, par actes entre-vifs ou testamentaires, avec la charge de rendre ces biens aux enfants nés et à naitre, au premier degré seulement, desdits donataires.

Ont la faculté de disposer. Ce n'est que la quotité disponible que le père et la mère peuvent grever de la charge de conserver et de rendre, parce que la réserve doit toujours rester intacte. Si elle en avait été grevée, le fils pourrait se soustraire à ces conditions, jusqu'à concurrence de la portion qu'on

ne peut pas lui enlever, et qu'il doit toujours trouver dans la succession de ses père et mère. Au reste, ces derniers peuvent disposer ainsi de toute la quotité disponible ou d'une partie seulement; par exemple, de la moitiě, du tiers, etc. QUESTION. Un lestament par lequel un père ferait une substitution en faveur de ses petits-enfants, de la quotité disponible, et déclarerait que si son fils alienait les autres biens de sa succession formant la réserve égale, il entendait que l'usufruit des biens substitués cessat de lui appartenir pour passer à l'instant même à ses petits-enfants, renferme-t-il des clauses contraires à la loi? La cour suprême a consacré la négative, par la raison: «Que le testateur, en léguant à son fils, par sa substitution de la quotité disponible, l'usufruit de cette quotité dont il pouvait le priver entièrement, en donnant cette portion à un étranger, a eu le droit d'imposer à ce legs telle charge ou condition qu'il a voulu, et que le fils, de son côté, a pu s'exempter d'accomplir la condition, en renonçant au legs de la portion disponible (l'usufruit): d'où il suit qu'il n'a point été soumis à une prohibition absolue, d'aliéner la réserve légale, ce qui serait contraire à la loi, mais seulement à la nécessité de faire une option qui n'a rien que de licite.» (Arrêt du 7 février 1831, Sirey, t. 31, I, 77.) Par actes entre-vifs ou testamentaires. Ces actes doivent être revêtus des formes prescrites pour les donations et testaments; mais lorsque la disposition est faite par donation entre-vifs, l'acceptation du donataire grevé suffit; celle des appelés n'est pas exigée, parce que l'on peut stipuler au profit d'un tiers qui ne concourt pas à l'acte, lorsque telle est la condition d'une donation qu'on a faite à un autre (art. 1121) cette condition doit même s'accomplir, bien que les appelés ne soient pas nés au moment de la disposition, parce qu'elle n'est contraire ni à la loi, ni aux bonnes mœurs, ni à l'ordre public. (MODELE de substitution par testament, form. no 8.)

Aux enfants nés et à naître au premier degré seulement. C'est ici le lieu de rapporter la loi des substitutions, promulguée [en France] le 17 mai 1826 et dont la chambre des pairs a refusé, en 1835, de prononcer l'abrogation que la chambre des députés avait insérée dans la loi du 12 mai, qui abroge les dispositions législatives sur les majorats (art. 896.) — Article unique Les biens dont il est permis de disposer, aux termes des articles 913, 915 et 916 du Code civil, pourront être donnés en tout ou en partie, par acte entre-vifs ou testamentaire, avec la charge de les rendre à un ou plusieurs enfants du donataire, nés ou à naître, jusqu'au deuxième degré inclusivement.-Seront observés, pour l'exécution de cette disposition, les articles 1051 et suivants <du Code civil, jusques et y compris l'article 1074.. On peut lire, sous l'article 896, les raisons qui ont engagé le législateur du Code civil à proscrire les substitutions; nous avons également indiqué, en tête du chapitre actuel, les motifs de l'exception faite par le législateur, à l'égard des pères et mères, et des oncles et des tantes, et les restrictions qui y avaient été apportées la nouvelle loi fait disparaitre ces restrictions; elle paraît avoir été dictée par un motif unique, l'avantage que la société et un gouverne. ment monarchique retirent de la stabilité des familles; stabilité que les substitutions doivent surtout garantir, puisque les donataires dissipateurs sont obligés de respecter les biens grevés de substitution, en faveur de leurs descendants. La loi de 1826 abroge en quelque sorte, 1o l'article 896, puisque cet article proscrivait en général les substitutions, et ne les

permettait aux pères et mères, oncles ou tantes, que comme exception. 2° Elle abroge ou du moins modifie les articles 1048, 1049 et 1050 : nous ferons remarquer sous ces deux derniers articles les modifications qu'ils ont subies; sous l'article actuel, nous ne devons nous occuper qu'à faire saisir les change. ments qui résultent de la loi. D'abord l'article 1048 n'autorisait les substitutions, comme nous l'avons dit, que de la part des pères et mères; la loi nouvelle permet à toutes personnes de faire des substitutions: le même article voulait que les substitutions faites par les pères et mères comprissent tous les enfants nés et à naître, la loi nouvelle autorise les dispositions, avec charge de rendre à un ou plusieurs enfants du donataire; l'article 1048 avait surtout pour but d'empêcher qu'on ne favorisât comme autrefois les ainés mâles, cette faveur est maintenant permise; enfin l'article 1048 n'admettait la substitution qu'au premier degré seulement, la loi nouvelle l'autorise jusqu'au second degré inclusivement.-Les substitutions nouvelles different cependant en quelques points des anciennes substitutions permises avant la révolution, et notamment en ceux-ci : premièrement, la substitution ne peut pas, comme autrefois, être faite à un étranger, à la charge de rendre à un autre étranger; on peut bien disposer en faveur d'un étranger: mais c'est sous la condition que cet étranger rendra à ses propres enfants; deuxièmement, la substitution pouvait s'étendre autrefois bien au delà du second degré. Pour que la substitution s'étende au second degré, l'intention de substituer en faveur des petits-enfants doit être clairement exprimée; car la substitution au second degré est un nouvel ordre de succession qui doit être constant; ainsi, on devra dire qu'on charge le donataire de conserver et de rendre à ses enfants, et ceux-ci de conserver et de rendre à leurs propres enfants ou à tel de leurs enfants; la disposition par laquelle on se contenterait de dire qu'on donne à telle personne, avec charge de conserver et de rendre, ne constituerait qu'une substitution au premier degré. Il nous semble qu'il en serait de même de la disposition par laquelle le donataire serait chargé de conserver et de rendre à ses enfants, bien que l'article 914 déclare que les descendants, à quelque degré que ce soit, sont compris sous le nom d'enfants; car il ne suffit pas que la disposition paraisse concerner les petitsenfants, il faut encore que l'intention de grever les enfants du premier degré de la charge de conserver et de rendre, soit exprimée. Remarquez, dans tous les cas, que les donataires, qu'on nomme grevés, sont propriétaires des biens sous une condition résolutoire, c'est-à-dire celle qu'ils n'auront pas d'en fants, autrement la propriété ne reposerait sur la tète de personne. C'est ce que juge positivement la cour suprême, par l'arrêt suivant: Attendu qu'il résulte des articles combinés 1052, 1069, 1070 et suivants du Code civil, que les droits de l'appelé ne s'ouvrent qu'au moment où ceux du grevé de la charge de rendre cessent d'exister; que c'est à cette époque que sont résolubles contre les créanciers et les tiers acquéreurs les obligations et les ventes consenties par le grevé au préjudice de l'appelé; que l propriété ne pouvant être flottante et incertaine, les droits qui en découlent résident dans les mains. du grevé tant qu'il possède, sauf l'expectative de lappelé, expectative purement éventuelle et subordonnée; rejette, etc.» (Arrêt du 5 mai 1830. Sirey, t. 30, 1, 162.)

[HOLLANDE. Art. 1020 du nouveau Code civil. — Le 2 g de cet article statue qu'en cas de prédécès d'un

enfant, la même disposition pourra être faite en faveur d'un ou de plusieurs petits-enfants, avec charge de rendre les biens à leurs enfants nés et à naître. Du reste, cet article et tous ceux qui sont relatifs au même sujet, ne font aucune mention d'actes entre-vifs; ils supposent tous une disposition testamentaire.]

1049. Sera valable, en cas de mort sans enfants, la disposition que le défunt aura faite par acte entre-vifs ou testamentaire, au profit d'un ou plusieurs de ses frères ou sœurs, de tout ou partie des biens qui ne sont point réservés, par la loi, dans sa succession, avec la charge de rendre ces biens aux enfants nés et à naître, au premier degré seulement, desdits frères ou sœurs donataires.

En cas de mort sans enfants. Ainsi, pour qu'un frère ou une sœur pissent, sous l'empire du Code, faire une substitution en faveur de leurs neveux et nieces, il fallait qu'eux-mêmes n'eussent pas d'enfants; la raison en était que la loi n'ayant admis qu'à regret, en quelque sorte, les substitutions en faveur des enfants, les frères et sœurs n'avaient dû jouir de ce privilége qu'autant que leurs neveux et nièces pouvaient être présumés leur tenir lieu d'enfants; il est évident que cette disposition est abrogée (en France) par la loi de 1826, qui permet à toute personne, qu'elle ait ou non des enfants, de disposer avec charge de conserver et de rendre, même en faveur d'un étranger, pourvu que la disposition n'excède pas la quotité disponible, et que le grevé soit chargé de rendre à ses enfants: ainsi, un frère, ayant un enfant, pourrait aujourd'hui donner la moitié de sa fortune (art. 913) à son frère, et le grever de la charge de la conserver et de la rendre à ses enfants. -Il est clair que toutes les autres cond.tions attachées par la loi aux dispositions des freres et sœurs, excepté celle de respecter la réserve, sont abrogées comme dans l'article précédent.

[ HOLLANDE. Article 1021 du nouveau Code civil. -Cet article est, comme le précédent, suivi d'un paragraphe qui statue que semblable disposition peut être faite au profit d'un ou de plusieurs enfants des frères ou sœurs prédécédés, avec charge de rendre les biens à leurs enfants nés et à naître.]

1050. Les dispositions permises par les deux articles précédents ne seront valables qu'autant que la charge de restitution sera au profit de tous les enfants nés et à naitre du grevé, sans exception ni préférence d'age ou de sexe.

=Sans exception ne préférence d'âge ou de sexe. L'article actuel est évidemment abrogé (en France) par la nouvelle loi, ainsi que nous l'avons déjà remarqué; car le disposant ayant droit de faire la substitution au profit d'un ou plusieurs enfants mâles du donataire, il lui est permis de préférer l'aîné des enfants à tous les autres; ainsi, il peut y avoir au jourd'hui exception de tels ou tels des enfants, et préférence d'age ou de sexe.

[HOLLANDE. Art. 1025 du nouveau Code civil.]

1051. Si, dans les cas ci-dessus, le grevé de restitution au profit de ses enfants

meurt, laissant des enfants au premier degré et des descendants d'un enfant prédécédé, ces derniers recueilleront, par représentation, la portion de l'enfant prédécédé.

Des enfants au premier degré et des descendants. QUESTION. Cet article est-il abrogé (en France) comme les précédents par la loi du 17 mai 1826? Pour la négative, on peut dire surtout que, dans sa disposition finale, la loi veut qu'on observe cet article, loin de le modifier; mais l'aflirmative parait être cependant dans l'esprit de la loi du 17 mai. En effet, pourquoi l'ancienne loi ne permettait-elle aux descendants de venir recueillir la part de leur père, par représentation, qu'autant que quelques-uns des enfants au premier degré existaient? C'est parce qu'autrement la substitution se fût étendue, contre le vœu de la loi, au second degré : or, maintenant que les substitutions sont permises jusqu'à ce degré, le motif qui avait dicté l'article 1031 n'existant plus, cet article ne doit plus être appliqué; ainsi, il est possible de soutenir que, bien que tous les appelés au premier degré soient morts, leurs descendants pourront venir recueillir, par représentation, les objets compris dans la substitution.

[HOLLANDE. Art. 1022 du nouveau Code civil.]

1052. Si l'enfant, le frère ou la sœur auxquels des biens auraient été donnés par acte entre-vifs, sans charge de restitution, acceptent une nouvelle libéralité faite par acte entre-vifs ou testamentaire, sous la condition que les biens précédemment donnés demeureront grevés de cette charge, il ne leur est plus permis de diviser les deux dispositions faites à leur profit, et de renoncer à la seconde pour s'en tenir à la première, quand même ils offriraient de rendre les biens compris dans la seconde disposition.

=

= Sous la condition. Une fois la donation faite, le donateur étant dessaisi ne peut modifier la disposi-tion en la grevant de restitution; il ne le pourrait même pas par une stipulation nouvelle avec le donataire, car ce serait stipuler purement et simplement au profit d'un tiers (art. 1119); mais cette stipulation est possible, lorsque c'est la condition d'une nouvelle donation faite au même donataire, puisque le donateur et le donataire ont un intérêt dans la stipulation, conformément à l'article 1121.

[HOLLANDE. Cet article a été supprimé, le cas qu'il suppose étant devenu impossible. Voyez la noto sous l'article 148.]

1053. Les droits des appelés seront ouverts à l'époque où, par quelque cause que ce soit, la jouissance de l'enfant, du frère ou de la sœur, grevés de restitution, cessera : l'abandon anticipé de la jouissance au profit des appelés, ne pourra préjudicier aux créanciers du grevé antérieurs à l'abandon.

= Des appelés. On nomme ainsi ceux auxquels les biens devront être rendus (art. 896.)

Seront ouverts. C'est-à-dire que les appelés seront, de ce moment, proprietaires des biens qui étaient grevés de restitution. Ils pourront se les partager.

Mais il est important de remarquer qu'après cette époque, s'il survient encore des enfants au grevé, leurs droits ne seront pas perdus, et ils pourront réclamer de leur frère leur part dans les biens, si toutefois la disposition n'a pas été faite, comme le permet (en France) la nouvelle loi, au profit de tel desenfants, mais au profit de tous les enfants nés et à naître.

Par quelque cause que ce soit. Par la mort naturelle, par la mort civile, par l'arrivée du terme, l'accomplissement de la condition sous laquelle la disposition a été faite, etc.; par l'abus que le grevé fait de la chose; car il y a la même raison de décider qu'à l'égard de l'usufruitier (art. 618); enfin, dans le cas de l'article 1057.

Préjudicier aux créanciers. Les biens grevés de substitution rapportent 20,000 francs par an; les créanciers du grevé ont intérêt à empêcher un aban-* don qui les priverait de se faire payer annuellement de leurs créances sur cette somme. Si le grevé, au lieu d'accepter et d'abandonner ensuite, répudiait le legs, ses créanciers pourraient l'accepter de son chef (art. 788, 1167).

Antérieurs à l'abandon. Les créanciers postérieurs n'ont pas dû compter sur les revenus d'un bien qui n'est plus dans la main de leur débiteur : il est même à présumer que les titres des créanciers antérieurs devraient avoir une date certaine (art. 1328); car autrement il serait au pouvoir du grevé, en antidatant des créances, d'annuler l'abandon qu'il a fait.

[HOLLANDE. Cette disposition se trouve reproduite dans l'article 1024 du nouveau Code civil, avec l'addition de ces mots : Ni aux enfants qui pourraient naître après cet abandon. »]

1054. Les femmes des grevés ne pourront avoir, sur les biens à rendre, de recours subsidiaire, en cas d'insuffisance des biens libres, que pour le capital des deniers dotaux, et dans le cas seulement où le testateur l'aurait expressément ordonné.

=

De recours subsidiaire. C'est-à-dire de recours qui ne puisse être exercé qu'après tous les autres, lorsque la vente des biens libres de leurs maris n'aura pu suffire à leurs droits.

Des deniers dotaux. Expression générique, qui signifie toute espèce de biens apportés par la femme pour soutenir les charges du ménage (art. 1540), qu'elle soit mariée sous le régime dotal ou sous celui de la communauté.

Le testateur. Ou le donateur (art. 1048). On a voulu que le recours n'existât que dans ces circonstances, parce que l'intention des père et mère qui ont voulu assurer le sort de leurs petits-enfants ne devait pas être facilement trompée.

1055. Celui qui fera les dispositions autorisées par les articles précédents pourra, par le même acte, ou par un acte postérieur, en forme authentique, nommer un tuteur chargé de l'exécution de ces dispositions : ce tuteur ne pourra être dispensé que pour une des causes exprimées à la section vi du chapitre du titre de la Minorité, de la Tutelle et de l'Emancipation.

En forme authentique. Sans doute afin qu'un tiers ne vienne pas, au moyen d'un faux acte sous

scing privé, s'immiscer dans les biens substitués. [HOLLANDE. Art. 1025 du nouveau Code civil.]

1056. A défaut de ce tuteur, il en sera nommé un à la diligence du grevé, ou de son tuteur s'il est mineur, dans le délai d'un mois, à compter du jour du décès du donateur ou du testateur; ou du jour que, depuis cette mort, l'acte contenant la disposition

aura été connu.

[HOLLANDE. Cette disposition et celles qui suivent ont été modifiées d'une manière essentielle par les articles 1026 et suivants du nouveau Code civil. Cette loi n'exige pas qu'il soit toujours nommé un tuteur. L'article 1026 prévoit seulement le cas où le tuteur nommé par le testateur viendrait à manquer, et alors il ordonne qu'il en sera nommé un autre par le tribunal, sur la requête soit du grevé ou de tous autres intéressés, soit du ministère public. Par suite, l'article 1057 du Code français a été supprimé.]

1057. Le grevé qui n'aura pas satisfait à l'article précédent, sera déchu du bénéfice de la disposition; et, dans ce cas, le droit pourra être déclaré ouvert au profit des appelés, à la diligence, soit des appelés s'ils sont majeurs, soit de leur tuteur ou curateur s'ils sont mineurs ou interdits, soit de tout parent des appelés majeurs, mineurs, ou interdits, ou mème d'office, à la diligence du procureur du roi près le tribunal de première instance du lieu où la succession est ouverte.

=Qui n'aura pas satisfait. Cette négligence pourrait avoir eu pour but de soustraire quelques effets de la disposition; il fallait donc une sanction pour forcer le grevé à remplir une mesure aussi salutaire.

Pourra être déclaré ouvert. Et non pas devra: on laisse aux juges le soin d'apprécier la gravité de la faute dont l'appelé s'est rendu coupable. Il est clair que si le grevé était mineur, et que ce fût son tuteur qui eût négligé de remplir le devoir que lui impose également l'article 1056, il serait difficile de dépouiller, dans ce cas, le grevé de son droit, en faveur des appelés.

Ou curateur. Il faut effacer ce mot; car c'est un tuteur qu'on donne aux interdits, et non un curateur (art. 505). Lors de la discussion du Code, on avait appelé en effet ce tuteur, curateur.

A la diligence du procureur du roi. Qui agit ici comme partie principale.

1058. Après le décès de celui qui aura disposé à la charge de restitution, il sera procédé, dans les formes ordinaires, à l'inventaire de tous les biens et effets qui composeront sa succession, excepté néanmoins le cas où il ne s'agirait que d'un legs particulier. Cet inventaire contiendra la prisée à juste prix des meubles et effets mobiliers.

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