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CODE CIVIL.

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ARTICLE PREMIER. Les lois sont exécutoires dans tout le territoire français, en vertu de la promulgation qui en est faite par le Roi. Elles seront exécutées dans chaque partie du royaume, du moment où la promulgation en pourra être connue. La promulgation faite par le Roi sera réputée connue dans le département de la résidence royale, un jour après celui de la promulgation; et dans chacun des autres départements, après l'expiration du même délai, augmenté d'autant de jours qu'il y aura de fois dix myriamètres (environ vingt lieues anciennes) entre la ville où la promulgation en aura été faite et le cheflieu de chaque département.

Les lois. Voyez la définition au commencement de l'introduction. QUESTION. Les décrets impériaux qui n'ont pas été attaqués par le sénat dans le délai légal, comme inconstitutionnels, ont-ils continué d'avoir force de loi? La cour suprême a plusieurs fois jugé affirmativement cette question vivement controversée : « Attendu que le décret dont il s'agit a été publié et exécuté comme loi; que le caractère lui en a été reconnu par l'autorité politique, qui seule avait le droit de le lui méconnaître ; qu'il doit donc en conserver la force et l'exécution jusqu'à ce qu'il ait été abrogé ou modifié par le pouvoir législatif, et que les tribunaux ne peuvent, sans violer les règles de leurs attributions, se refuser à en maintenir et appliquer les dispositions.» (Arrêt du 12 décembre 1823. Sirey, t. 24, I, 184.) Mais la même cour a jugé que le caractère de loi n'appartenait pas aux décrets rendus par l'impératrice Marie

Louise, à laquelle « l'Empereur n'avait délégué, par ses lettres patentes, qu'une portion du pouvoir exécutif proprement dit.» (Arrêt du 13 mars 1832, ch. réun. Sirey, t. 32, I, 293.)

[BELGIQUE. Les gouverneurs généraux qui prirent possession de la Belgique, après la chute de l'empire, y exercèrent le pouvoir législatif, et leurs actes ont force de loi dans l'étendue de leurs gouvernements respectifs. Il en est de même des arrêtés du prince d'Orange-Nassau, qui eut un pouvoir absolu dans nos provinces, comme gouverneur général, jusqu'à l'acceptation de la loi fondamentale (août 1815). Les arrêtés de cette époque ont force de loi, et même les lois votées alors par les états généraux hollandais, ne sont devenues obligatoires pour les Belges, qu'en vertu d'arrêtés émanés du prince souverain. - Les décrets du gouvernement provisoire, jusqu'au moment où il déposa ses pouvoirs au sein du congrès (12 nov. 1830), ont également force de loi.-EN HOLLANDE, le pouvoir législatif fut organisé par la loi fondamentale des provinces-unies des Pays-Bas dès le mois de mars 1814.]

D

De la promulgation qui en est faite par le Roi. Il existe une grande différence entre la sanction et la promulgation de la loi; cette différence est indiquée par la charte constitutionnelle elle-même, qui porte, article 18 Le Roi seul sanctionne et promulgue les lois. La sanction, en effet, est l'approbation royale donnée à la loi cette approbation consiste dans la signature du Roi au bas de la loi, et dans l'apposition du sceau royal. La promulgation est le mode d'après lequel la loi est connue des citoyens et devient obligatoire pour eux : ce mode consiste dans l'insertion de la foi au Bulletin officiel, tel est le vœu formel d'une ordonnance du 27 novembre 1816, dont l'article 1er est ainsi conçu: A l'avenir, la promulgation des lois et de nos ordonnances résultera de leur insertion au Bulletin officiel. »

Cette définition de la promulgation est conforme au sens naturel du mot promulguer; car promulgare signifie mellre devant le peuple, et la loi est mise devant le peuple lorsqu'elle est imprimée et insérée au Bulletin des lois. La promulgation est faite par le Roi, en ce sens que c'est par son ordre que l'insertion de la loi a lieu au Bulletin.

[BELGIQUE. La législation a beaucoup varié sur ce point depuis 1814 (1). Il semble aujourd'hui, d'après

(1) 25 FÉVRIER 1814. Arrêté des commissaires généraux des kaules puissances alliées.—Art. 1er. Il paraitra incessamment une feuille officielle, sous le nom de Journal officiel du gouvernement de la Belgique, dont la distribution se fera chaque jour. Art. 2. Cette feuille contiendra, outre les articles admissibles, les avis, ordonnances et arrêtés du gouvernement de la Belgique, des commissaires généraux des hautes puissances alliées, et tout ce qu'ils pourraient juger convenable de porter à la connaissance publique. Art. 3. Un nombre suffisant d'exemplaires dudit Journal

officiel sera adressé régulièrement, par la poste aux lettres, à chaque intendant et sous-intendant de la Belgique pour être distribués aux autorités des arrondissements respectifs. -Art. 4. Ces feuilles qui seront adressées aux autorités du pays jouiront de la franchise du port, pourvu qu'elles soient expédiées sous bandes et munies du contre - seing. — Art. 5. MM. les intendants, sous-intendants, maires et autres fonctionnaires, seront tenus de se conformer exactement, et sans attendre d'autre correspondance spéciale, aux dis positions mentionnées dans l'art. 2, qui, par voie dudic

la loi du 19 septembre 1831, que la promulgation soit une chose distincte de l'insertion au Bulletin officiel. Du reste, cette loi veut que l'insertion suive immédiatement la promulgation, et elle statue, à l'art. 3, que les lois seront obligatoires, dans tout le royaume, le onzième jour après celui de leur promulgation, à moins que la loi n'en ait autrement disposé.]

[HOLLANDE. L'article 2 de la loi contenant les dispositions générales de la législation statue que, quand la loi n'a point fixé un autre terme, la promulgation est censée être connue dans tout le royaume le vingtième jour après celui de la date du Journal officiel dans lequel la loi se trouve insérée.]

Comme, aux termes de notre article, la loi n'est exécutoire qu'en vertu de la promulgation, il s'ensuit que le prince peut, de son propre mouvement, révoquer la sanction qu'il aurait donnée à une loi, tant qu'elle n'a pas été promulguée.-On conclut aussi de ce principe, que la loi est exécutoire seulement en vertu de la promulgation, que des particuliers qui

auraient connaissance, d'une manière quelconque, de la sanction donnée à une loi par le Roi, ne pourraient contracter conformément à la loi nouvelle non encore promulguée, car c'est seulement par la promulgation que la loi existe pour les citoyens; et cela est si vrai que, si un individu commettait un acte qu'aucune loi existante n'aurait prévu, mais qu'une loi récente sanctionnée, et non encore promulguée, placerait au rang des crimes, il ne pourrait être atteint par la peine que prononce la nouvelle loi bien qu'on pût prouver qu'il en connaissait la sanction (art. 4, C. pén.).

Elles seroni exécutées, dans chaque partie du royaume, du moment où la promulgation en pourra être connue. Ainsi, bien que la promulgation rende les lois exécutoires, elles ne doivent cependant être exécutées qu'après que la promulgation en pourra être connue, conformément aux présomptions que notre article établit dans sa dernière partie; il serait, en effet, contraire à toute idée de

Journal officiel, parviendront à leur connaissance. » (Publié outre Meuse par arrêté du 31 juillet 1815.)

3 MARS 1814. Arrêté du gouverneur général civil de la Belgique. Voulant xer époque où les avis, ordonnances et arrêtés du gouvernement de la Belgique seront obligatoires;-Vu l'arrêté du 25 février dernier, porté par MM. les commissaires généraux des hautes puissances alliées; Arrête ce qui suit: Art. 1er. Le Journal officiel du gouvernement de la Belgique tiendra lieu du Bulletin des lois. Art. 2. Sans préjudice à l'art. 5 dudit arrêté, et sauf le cas où, par une disposition particuliere, il en serail ordonné autrement, tous décrets, arrêtés et ordonnances quelconques contenant quelques mesures générales, qui émaneront des autorités supérieures de la Belgique, seront obligatoires dans l'étendue de chaque arrondissement, trois jours francs après que le Journal officiel qui les contient sera distribué au chef-lieu de l'arrondissement. Art. 3. Le jour de l'arrivée de chaque no dudit journal sera constaté par un registre, où ce jour sera certifié par le sous-intendant. » (Publié outre Meuse par arrêté du 31 juillet 1815.)

11 JUIN 1815. Avis concernant la création de la Gazette des Pays-Bas. (Journ. offic. 1815, no XVI, p. 211.« Sa Majesté ayant désiré qu'une feuille publique fût spécialement destinée à faire connaitre, d'une manière authentique, dans les départements méridionaux du royaume, les actes du gouvernement et autres pièces dont la publication serait jugée convenable, le secrétaire d'État a autorisé le sieur Weissembruch, imprimeur à Bruxelles, à publier, à dater du 20 juin prochain, sous le titre de Gazelle générale des Pays-Bas, une feuille rédigée dans les langues hollandaise et française, sur papier format in-folio à deux colonnes, laquelle paraîtra tous les jours, et où seront insérés: 1o les nominations, les arrêtés et autres pièces dont la publication sera jugée convenable; 20 les avertissements, annonces et avis des divers départements d'administration; 3° les nouvelles officielles et actes diplomatiques; 40 les nouvelles politiques; 5o les annonces et analyses d'ouvrages nouveaux, tant nationaux qu'étrangers, et autres articles scientifiques et littéraires susceptibles de quelque intérêt. » — La cour de cassation de Liége a décidé, par arrêt du 16 juillet 1819, que depuis l'arrêté du 3 mars 1814, le mode de publication des lois et des arrêtés par l'insertion dans le Journal officiel, n'a pu être remplacé par aucun autre mode; que l'insertion dans la Gazette générale des Pays-Bas, même depuis le 11 juin 1815, n'a pu suffire pour rendre obligatoires des arrêtés qui contiennent des dispositions générales surtout en matière pénale. -La cour de Liège avait déjà décidé, par arrêt du 28 novembre 1817, que le mode de publication des lois est d'ordre public, et conséquemment ne peut être remplacé par aucun autre mode; que spécialeinent l'insertion dans le Mémorial administratif d'une province, de l'arrêté qui défendait l'établissement de salles publiques de ventes, n'a pu suffire, à défaut d'insertion au Journal officiel, pour le rendre obligatoire dans cette province. Un arrêt de la cour supérieure de Bruxelles, en date du 25 mars 1819, a décidé que l'insertion dans le Journal officiel n'est pas d'après la législation existante, le seul mode de publication; mais que l'envoi aux autorités compétentes suffit pour la publication d'une loi, quand l'envoi en est ordonné et qu'il a effectivement eu lieu.

Loi fondamentale du royaume des Pays-Bas, art. 120. La loi règle le mode de promulgation et le terme après tequel les lois deviennent obligatoires. »

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Loi du 2 août 1822. « Art. 1er. Les lois sont exécutoires dans tout le territoire du royaume en vertu de la promulgation qui en est faite par le Roi. Elles seront exécutées dans toutes les parties du royaume du moment où la promulgation en pourra être connue. Art. 2. Si la loi n'a point fixé une autre époque, la promulgation sera réputée connue dans tout le royaume, le vingtième jour après la date que portera le Journal officiel, dans lequel la loi sera insérée. »

Arrêté du gouvernement provisoire du 5 octobre 1830: « Art. 1er. Il paraitra une feuille officielle sous le nom de Bulletin des arrêtés et actes du gouvernement provisoire de la Belgique, dont la distribution se fera régulièrement, et qui provisoirement sera affichée dans la ville de Bruxelles en forme de placard. — Art. 2. Cette feuille contiendra les arrêtés, avis, ordres du comité central et des autres comités ou commissious, les nominations civiles et militaires, les rapports et autres pièces dont le gouvernement jugera la publicité utile. Art. 3. Un nombre suffisant d'exemplaires dudit bulletin sera adressé par la poste, et aussitôt sa publication, auz autorités administratives et judiciaires de chaque province. Art. 4. Ce bulletin jouira de la franchise du port, pourvu qu'il soit expédié sous bande et contre-seing. Art. 5. MM. les gouverneurs, présidents de cours, avocats généraux et autres fonctionnaires sont tenus de se conformer exactement, et sans attendre d'autre correspondance spéciale, aux dispositions insérées audit Bulletin. Art. 6. Ce bulletin tenant lieu provisoirement du bulletin des lois, tous les arrêtés, décrets et ordonnances contenant quelques mesure générales, prises par le gouvernement, seront obligatoires, dans l'étendue de chaque province, trois jours francs après l'arrivée du Bulletin au chef-lieu.- Le jour de l'arrivée sera constaté sur un registre parafê par M. le gouver

neur.»

Décret du congrès, 27 novembre 1830. — « Article 1er. Les décrets du congrès national seront insérés au Bulletin des actes et arrêtés du gouvernement provisoire, qui prendra le titre de Bulletin officiel des décrets du congrès national de la Belgique et des arrêtés du pouvoir exécutif. Art. 2. Les décrets du congrès national seront transmis, à la diligence du bureau et dans les vingt-quatre heures de leur date, au pouvoir exécutif, qui les fera publier immédiatement, avec une traduction flamande ou allemande pour les communes où l'on parle ces langues et qui les adressera, au plus tard dans les cinq jours, aux autorités judiciaires et administ: alives. Art. 3. Les décrets du congrès national seront obligatoires, dans tout le territoire de la Belgique, le onzième jour après celui de leur date, à moins qu'il n'en soit autrement ordonné par le congrès, »

Constitution belge, art. 69. —Le Roi sanctionne et promulgue les lois. »

Loi 19 septembre 1831. «.rt. ler. La sanction et la promulgation des lois se font de la manière suivante : « Léopold, etc (texte de la loi) mandons et ordonnons, etc. » — Art. 2. Les lois seront insérées au Bulletin officiel, aussitôt après leur promulgation, avec une traduction flamande ou allemande, pour les communes où l'on parle ces langues, le texte français demeurant néanmoins seul officiel. Ce bulletin portera dorénavant le titre de : Bulletin officiel des lois et arrêtés royaux de la Belgique. Art. 3. Les lois seront obligatoires, dans tout le royaume, le onzième jour après celui de leur promulgation, à moins que la lol n'en alt autrement disposé. »

justice qu'un citoyen fût lié par une loi promulguée, il est vrai, c'est-à-dire insérée au Bulletin, mais qu'il ne connait pas, parce qu'il n'a pas encore pu, à raison des distances, prendre lecture du Bulletin officiel. Le moyen employé pour faire connaitre la loi promulguée se nomme publication: ce mode consistait autrefois dans des publications réelles, à son de trompe; il consiste aujourd'hui dans l'envoi aux préfectures, du Bulletin officiel, et dans un certain laps de temps accordé à chacun pour en prendre connaissance après la promulgation.

Réputée connue. Présomption légale qui, dans le fait, peut quelquefois être fausse bien des citoyens ignorent souvent et la confection de la loi et sa promulgation; mais ils allégueraient en vain leur ignorance: Leges est idem scire aut debuisse, aut potuisse. Le législateur, pour ne rien laisser à l'arbitraire et à la controverse, devait établir une présomption qui fût la même pour tous, et qui n'admit pas de preuve contraire.

Un jour. Franc, sans compter le jour de la promulgation ni celui de l'échéance. Ainsi, la loi promulguée à Paris le 1er janvier, ne serait obligatoire dans cette ville que le 3; elle ne le serait que le 4 à Evreux, chef-lieu du département de l'Eure, éloigné de Paris de dix myriamètres. -QUESTION. Les fractions de dix myriamètres doivent-elles produire une augmentation d'un jour de délai? La plupart des auteurs maintenaient la négative, par argument d'un sénatus-consulte du 15 brumaire an XIII, d'où semblait résulter, en effet, que le délai pour une distance de trente-six myriamètres, par exemple, devait être le même que pour une distance de trente; mais la cour suprême a consacré l'opinion contraire par les motifs suivants : « Attendu qu'il résulte de l'exposé des motifs du titre préliminaire du Code civil fait par l'orateur du gouvernement au corps législatif, le 28 février 1803 (9 ventôse an xi), que l'intention du législateur a été de graduer les délais d'après les distances; qu'en les graduant par jour, il a nécessairement entendu et dû vouloir que ces délais fussent augmentés de la même manière pour toute fraction excédant la distance ainsi fixée; que sa volonté se trouverait méconnue s'il en était autrement, puisque ne pas prolonger le délai à raison de l'accroissement de l'espace à parcourir, ce serait réellement diminuer le laps de temps avant l'expiration duquel la présomption légale de publicité de la loi ne peut exister et rendre celle-ci obligatoire; qu'on ne saurait induire implicitement le contraire du sénatus-consulte du 6 novembre 1804 (15 brumaire an XIII), d'autant qu'il ne concerne qu'un cas particulier, et qu'il n'a point statué par voie de disposition générale; que le délai fixé par l'article 1er du Code civil, et par l'ordonnance du Roi précitée, afin que les lois soient obligatoires dans chaque département, doit donc être augmenté, non-seulement d'un jour pour chaque distance de dix myriamètres, mais encore d'un jour pour la fraction qui peut exister en sus d'un nombre de fois cette distance précise et déterminée, etc. » (Arrêt du 16 avril 1831, ch. crim. Sirey, t. 31, 1,209.)

[BELGIQUE.Les décrets du 25 février 1808 et du 15 décembre 1809, prononçant la déchéance des créances antérieures à l'an Ix, quoique non légalement publiés en Belgique, y ont reçu les caractères et la force obligatoire des actes du pouvoir législatif par le rappel qui en a été fait dans la loi du 15 janvier 1810, par le motif que cette loi a expressément reconnu l'existence desdits décrets, et qu'elle a remplacé le trode de publication dont les règles sont déterminées

par la loi de vendémaire an iv et l'avis du conseil d'Etat du 12 prairial an xi. D'ailleurs la publication per relationem peut se prévaloir de nombreux antécédents et de l'autorité de la jurisprudence, ( Arrêt de la cour de cassation de Belgique du 14 août 1838.)

Le décret ou l'arrêté renfermant une disposition générale n'est obligatoire qu'autant qu'il est inséré au Bulletin officiel, ou rappelé dans une disposition législative en vigueur. (Arrêt de la cour de cassation de Belgique du 18 décembre 1838.)

L'arrêté royal qui approuve l'impôt voté par une régence, ne doit pas être inséré au Bulletin officiel. Il est obligatoire lorsqu'il est publié selon les formes reçues avec la délibération qu'il sanctionne, attendu qu'aucune disposition n'a dérogé à l'avis du conseil d'Etat du 25 prairial an XII, approuvé le 25 par l'Empereur, et qu'aux termes de cette décision, la publication par affiches doit suffire. (Arrêt de la même cour du 26 déc. 1838.)]

2. La loi ne dispose que pour l'avenir. elle n'a point d'effet rétroactif.

=

D'effet rétroactif. La loi n'étant exécutoire, aux termes de l'article précédent, qu'en vertu de la promulgation, c'est une conséquence qu'elle ne puisse rétroagir sur le passé; autrement, il n'y aurait plus ni liberté, ni sûreté, ni propriété, puisqu'une loi nouvelle pourrait venir priver les citoyens de tous ces droits sacrés. Lors donc qu'une succession s'est ouverte sous l'empire d'une loi qui appelait tel parent à succéder, ce parent recueillera, bien qu'une nouvelle loi, promulguée peu de temps après l'ouverture de cette succession, appelle un autre parent. Par la même raison, les droits des époux mariés avant la promulgation du Code, encore que l'exercice et la jouissance de ces droits ne s'ouvrent que postérieurement à cette promulgation, doivent être réglés d'après les dispositions, soit de leur contrat de mariage, soit des lois sous l'empire desquelles le mariage a été célébré. (Arrêt de la cour de Paris du 31 août 1831. Sirey, t. 32, II, p. 156.) L'article 4 du Code pénal renferme, quant aux crimes et délits, une disposition semblable à celle de l'article actuel, et les lois romaines exprimaient le même principe en ces termes : Leges et constitutiones futuris certum est dare formam negotiis, non ad facta præterita revocari. La règle de l'article 2 ne s'applique point aux lois interprétatives, parce qu'il est de la nature des choses que l'interprétation, qui n'est que la loi clairement expliquée, remonte au temps de la loi même; mais les jugements rendus en dernier ressort, et les transactions passées pendant que le sens de la loi était obscur, conservent tous leurs effets. Il faut bien remarquer aussi que la capacité des personnes est toujours dans le domaine de la loi; la capacité, en effet, résulte de l'état civil des citoyens: or, cet état se rattachant à l'intérêt général, il devait toujours être au pouvoir du législateur de le changer et de le modifier, en raison des altérations que les mœurs peuvent subir, ou des nouveaux besoins de la société. Amsi, quand un individu a atteint sa majorité sous l'empire d'une loi qui la fixe à vingt et un ans, si quelque temps après une loi nouvelle la recule jusqu'à vingt-cinq ans, cette personne redeviendra mineure jusqu'à ce qu'elle ait atteint sa vingtcinquième année; mais tous les actes qu'elle aurait fait en qualité de majeure jusqu'à la promulgation de la nouvelle loi, seront valides.-Le principe posé par notre article offre souvent beaucoup de difficultés

dans son application à certaines matières dont s'occupe le Code: nous verrons, en expliquant ces matières, quelles sont, à l'égard de chacune d'elles, les règles consacrées sur ce point par la doctrine et par la jurisprudence. Observons seulement ici, avec la cour suprême, qu'il appartient à la loi de déroger à la loi antérieure, et de régir les faits qui se passent sous son empire; qu'elle peut, par conséquent, sans pour cela rétroagir, faire cesser le cours des intérêts que la loi antérieure faisait courir d'office, et ne les accorder pour l'avenir que sous les conditions prescrites par le droit commun, ou qu'elle trouve juste d'introduire. (Arrêt du 7 nov. 1825, ch. civ. Sirey, t. 26, I, 187.)

Les

3. Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire. immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française.Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger.

Les lois de police el de sûrelé. Ce sont toutes celles qui font la matière du Code pénal, qui répriment les crimes, les délits, les contraventions de police, etc. Protégé par ces lois, l'étranger doit les respecter à son tour.

Les immeubles. Les lois qui régissent les immeubles, abstraction faite des personnes qui les possédent, s'appellent réelles telles sont les lois sur la distinction des biens et la propriété, les lois concernant les servitudes, les hypothèques, la prescription, etc. Ces lois s'appliquent même aux immeubles possédés par les étrangers; car la souveraineté est indivisible. Elle cesserait de l'être, si des portions d'un même territoire pouvaient être régies par des lois qui n'émaneraient pas du même souverain : ainsi un immeuble possédé par un étranger serait prescrit par trente ans en France (art. 2262 du Code civ.), bien que dans le pays de cet étranger la prescription ne s'accomplit que par quarante ans. Notre article ne déclarant soumis aux lois françaises que les immeubles possédés par des étrangers, il faut en conclure que les dispositions qu'un étranger ferait de ses meubles, devraient être régies par la loi du pays où il a son domicile : la raison en est que les meubles, n'ayant pas d'assiette fixe, ne peuvent être régis par d'autres lois que celles qui gouvernent la personne du propriétaire. Ce principe, toutefois, ne s'applique pas aux formalités à suivre pour saisir en France les biens d'un étranger: ce sont les formalités prescrites par la loi française qu'il faudrait observer. Il y a pour cela un motif spécial: c'est que les officiers de la force publique en France ne peuvent agir qu'au nom du Roi, et dans les formes prescrites par les lois françaises.

Les lois concernant l'étal et la capacité. L'état est la position des citoyens dans la société, une qualité à laquelle la loi attache certains droits, et d'où résulte la capacité : l'état d'enfant légitime, d'enfant naturel reconnu, de majeur, etc. La capacité est le pouvoir de faire certains actes: la capacité de se maer, de tester, etc. Ces lois s'appellent personnelles, parce qu'elles sont inhérentes à la personne, et la snivent partout: ainsi, un Français sera majeur à vingt et un ans, même dans un pays où la majorité est dxée à vingt-cinq. Il sera incapable de se marier sans le consentement de ses parents dans un pays où

ce consentement n'est pas nécessaire. Dans la langue du droit, les lois personnelles se nomment statul personnel, et les lois réelles, statut réel. — Quant à la forme des actes par lesquels on dispose, c'est la forme du lieu où l'acte se passe qu'il faut suivre : Locus regit actum.

[HOLLANDE. Il a été ajouté un mot à cette disposi-tion, qui se trouve reproduite dans l'article 6 de la loi contenant les dispositions générales de la législation. Cet article porte: Les lois concernant les droits, l'état et la capacité des personnes, etc. II est évident cependant qu'il ne s'agit là que de droits personnels, car la disposition française relative aux biens immeubles est reproduite textuellement dans l'article 7 de la même loi.]

4. Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.

=

Du silence. Si les tribunaux pouvaient, sous prétexte du silence de la loi, s'arrêter, la justice, première dette de la souveraineté, ne serait plus rendue au peuple. D'ailleurs, si la loi positive est muette, le juge peut interroger la loi naturelle, qui ne l'est jamais.

Del'obscurité. Si, sous prétexte que la loi est obscure, les juges pouvaient recourir au législateur pour en avoir l'explication, l'administration serait accablée par une foule de questions particulières. Dans tous les cas, les juges doivent toujours rendre leur décision en ayant recours à l'interpretation par voie de doctrine, c'est-à-dire celle qui consiste à découvrir le véritable sens d'une loi obscure pour l'appliquer justement aux cas particuliers. On y parvient en consultant l'esprit de la loi, la jurisprudence, l'usage et l'équité.

Coupable de déni de justice. D'avoir refusé, dénié la justice. « Il y a déni de justice, lorsque les juges refusent de répondre les requêtes, ou refusent de juger les affaires en état ou en tour d'être jugées. » (Art. 506 du C. de proc. civ.)-Quant aux formes pour constater et poursuivre le déni de justice, voir les articles 505 et suiv. du C. de proc. civ.-«Les peines sont une amende de 200 francs au moins et 500 francs au plus, et l'interdiction de l'exercice des fonctions publiques depuis cinq ans jusqu'à vingt. » (Art. 185 du C. pén.)

[HOLLANDE. Cette disposition forme l'art. 13 de la loi contenant les dispositions générales de la législation.]}

5. Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.

= Générale et réglementaire. Générale, c'est-àdire obligatoire pour tous; réglementaire, c'est-à-dire qui soit une règle de conduite. Une pareille disposition serait une loi, et les juges ne doivent pas usurper le pouvoir législatif. Le Code pénal les déclare même, dans ce cas, coupables de forfaiture, et les punit de la dégradation civique (art. 127 du C. pén.). Ils ne pourraient donc pas ordonner que la décision qu'ils rendent dans tel cas s'appliquera désormais à tous les cas semblables, et les liera, eux et leurs successeurs. Ils ne pourraient pas non plus, en ordonnant à une administration de restituer des droits par elle indû

ment perçus, lui prescrire « de prendre des mesures pour que semblable restitution ait lieu désormais sans obstacle en pareille circonstance. » (Arrêt de la cour suprême du 7 juin 1830. Sirey, t. 30, I, 250.) Voyez aussi un autre arrêt de la même cour, dú 17 juillet 1825. (Sirey, t. 25, I, 393.)- Enfin ils ne pourraient pas, lorsqu'une loi est obscure, l'interpréter par voie d'autorité; car l'interprétation par voie d'autorité consiste à résoudre les doutes et à fixer le sens d'une loi par une décision réglementaire, obligatoire pour les citoyens et les tribunaux. Cette décision réglementaire, en effet, est positivement interdite à l'autorité judiciaire par l'article que nous expliquons. Voyez, sur le pouvoir auquel cette interprétation appartient, sur les circonstances dans lesquelles elle a lieu, et sur les formes à suivre, nos explications sur l'institution de la cour de cassation, à la fin de l'Introduction.-Autrefois les parlements avaient le droit d'interpréter les lois par voie d'autorité, et de rendre des décisions réglementaires et générales, qu'on appelait arrêts de règlement.

[HOLLANDE. Cette disposition forme l'article 12 de la loi contenant les dispositions générales de la législation. Elle est précédée d'une disposition qui ne se trouve pas dans la loi française; c'est l'article 11 ainsi conçu: « Le juge doit prononcer d'après la loi; il ne peut, dans aucun cas, juger du mérite intrinsèque ou de l'équité de la loi. »

BELGIQUE. Le conseil de discipline, dans la garde civique, ne peut, à peine de nullité, indiquer, même sous la forme d'un vou, les formalités à observer pour les rapports qui seront à l'avenir portés devant lui. (Arrêt de la cour de cassation de Belgique, du 29 mars 1854.)]

6. On ne peut déroger, par des conven

tions particulières, aux lois qui intéressent T'ordre public et les bonnes mœurs.

= Lois qui intéressent l'ordre public. Les lois d'ordre public sont celles qui ont principalement pour objet l'intérêt général de la société : comme elles ne concernent pas uniquement les intérêts particuliers des citoyens, ceux-ci n'y peuvent valablement renoncer; ainsi un mari ne pourrait renoncer à la puissance maritale, un père à la puissance paternelle, et les stipulations que ces personnes feraient à cet égard seraient nulles: Privatorum conventio juri publico non derogal. De même il est de jurisprudence qu'o ne peut acquiescer à un jugement qui prononce une interdiction, parce que l'ordre public est intéressé dans cette matière; un tel acquiescement n'empêcherait donc pas d'attaquer ce jugement par les voies légales, dans les délais fixés par la loi. (Arrêt de la cour de Poitiers du 5 août 1831.Sirey, t. 32, II, 205.) Mais on peut déroger aux lois qui n'ont pour objet que des intérêts privés : par exemple, à une succession ouverte, à la prescription acquise, d'après le principe: Cuique licet renunciare juri in favorem suum introducto.

Nous devons naturellement rappeler à la fin du titre préliminaire, qui renferme des règles générales, les principes sur l'abrogation des lois. Cette abrogation est expresse ou tacite : expresse, lorsque la loi nouvelle abolit l'ancienne en termes formels; tacite, lorsque la loi nouvelle, sans abroger textuellement l'ancienne loi, renferme des dispositions incompatibles; mais il faut bien remarquer que, dans ce cas, il n'y a d'abrogées que les dispositions positivement incompatibles avec la nouvelle loi, d'après le prin

cipe: Posteriores leges ad priores pertinent, nisi contrariæ sint. Il y a également abrogation tacite, lorsqu'un usage contraire ou le non-usage de la loi a lieu dans la généralité de l'État pour lequel la loi a été faite. C'est encore un principe que nous fournit la loi romaine: Rectissimè etiam illud receptum est, ut leges non solum suffragio legislatoris, sed etiam lacilo consensu omnium, per desuetudinem abrogentur. Quelques auteurs contestent que l'abrogation par le non-usage ait encore lieu aujourd'hui; cependant un arrêt de la cour royale de Rennes, du 29 juin 1824, et un arrêt de la cour suprême, du 14 juillet 1825, paraissent avoir vu, dans un usage général et dans la jurisprudence, l'abrogation de l'article 9 de la loi du 25 ventôse an XI sur le notariat, qui exige, à peine de nullité, que les actes qui ne sont pas reçus par un notaire et deux témoins, le soient par deux notaires. Ces deux arrêts décident que l'acte est valable quoique signé ultérieurement par le second notaire, absent lors de la confection de l'acte, à moins, toutefois, qu'il ne s'agisse d'un testament. (Arrêt du 16 juillet 1825, ch. des req. Sirey, t. 26, 1, 77.) Mais il est de principe qu'une loi générale n'est pas censée déroger à une loi spéciale, lorsque la dérogation n'est pas formellement exprimée. (Arrêt de la cour de cassation du 26 août 1816. Sirey, t. 17, I, 186.)

[BELGIQUE. Art. 138 de la constitution: « A compter du jour où la constitution sera exécutoire, toutes les lois, décrets, arrêtés, règlements et autres actes qui y sont contraires, sont abrogés.

HOLLANDE. Cet article est le 14° de la loi contenant les dispositions générales de la législation.]

LIVRE PREMIER.

DES PERSONNES.

= En droit, on distingue entre un homme et une personne. Un homme est tout être humain considéré sans aucun égard aux droits que la loi lui garantit ou lui refuse. Une personne est un homme considéré suivant l'état dont il jouit, et d'où dérivent pour lui les droits et les devoirs. Chez les Romains, qui avaient consacré l'esclavage, la distinction était exacte, parce que l'esclave, dépouillé de toute espèce de droit, n'était pas, strictement parlant, une personne: c'était un homme, un être humain. Mais chez nous, où le mort civilement lui-même jouit encore de certains droits (art. 25, 33), la distinction n'est pas rigoureusement vraie.-Le Code s'occupe d'abord des personnes; car les lois, n'étant autre chose que des règles auxquelles les personnes doivent conformer leurs actions, sont faites pour elles: il était tout simple dès lors que le législateur commençât par traiter des personnes. Justinien avait aussi suivi cet ordre dans ses Institutes, et il en donne le même motif : Omne jus personarum causa constitutum est.

TITRE PREMIER.

DE LA JOUISSANCE ET DE LA PRIVATION DES DROITS CIVILS.

CHAPITRE PREMIER.

De u Jouissance des Droits civils.

Les droits de l'homme en société sont politiques ou civils.Les droits politiques sont les droits, ou

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