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Première Période.

Du Congrès de Vienne au Traité de Paris

(1815-1856).

L'acte du Congrès de Vienne statue, par rapport à la navigation sur les cours d'eau internationaux, comme il suit:

„Les Puissances, dont les Etats sont séparés ou traversés par une même rivière navigable, s'engagent à régler, d'un commun accord, tout ce qui a rapport à la navigation de cette rivière; les commissaires, qu'elles nommeront à cet effet, prendront pour base de leurs travaux les principes établis dans les articles suivants (art. 108).

1. La navigation, dans tout le cours des rivières internationales, du point, où chacune d'elles devient navigable jusqu'à son embouchure, sera entièrement libre, et ne pourra, sous le rapport du commerce, être interdite à personne; bien entendu, que l'on se conformera aux règlements

relatifs à la police de cette navigation, lesquels seront conçus d'une manière uniforme pour tous les intéressés, et aussi favorables que possible au commerce de toutes les nations (art. 109). 2. Le système, qui sera établi, tant pour la perception des droits que pour le maintien de la police, sera, autant que faire se pourra, le même pour tout le cours de la rivière, et s'étendra aussi, à moins que des circonstances particulières ne s'y opposent, sur ceux de ses embranchements et confluents qui, dans leur cours navigable, séparent ou traversent différents Etats (art. 110). 3. Les droits sur la navigation seront fixés d'une manière uniforme, invariable, et assez indépendante de la qualité différente des marchandises, pour ne pas rendre nécessaire un examen détaillé de la cargaison, autrement que pour cause de fraude et de contravention. La quotité de ces droits, qui, en aucun cas, ne pourront excéder ceux existant actuellement, sera déterminée d'après les circonstances locales, qui ne permettent guère d'établir une règle générale à cet égard. On partira néanmoins, en dressant le tarif, du point de vue d'encourager le commerce, en facilitant la navigation, et l'octroi établi sur le Rhin pourra servir d'une norme approximative.

Le tarif, une fois réglé, il ne pourra plus être augmenté, que par un arrangement commun des Etats riverains ni la navigation grevée d'autres

droits quelconques outre ceux, fixés dans le règlement (art. 111).

4. Les bureaux de perception, dont on réduira autant

que possible le nombre, seront fixés par le règlement, et il ne pourra s'y faire ensuite aucun changement que d'un commun accord, à moins qu'un des Etats riverains ne voulût diminuer le nombre de ceux, qui lui appartiennent exclusivement (art. 112).

5. Chaque Etat riverain se chargera de l'entretien des chemins de halage, qui passent par son territoire, et des travaux nécessaires pour la même étendue dans le lit de la rivière, pour ne faire éprouver aucun obstacle à la navigation (art. 113). 6. On n'établira nulle part des droits d'étape, d'échelle

ou de relâche forcée. Quant à ceux, qui existent déjà, ils ne seront conservés, qu'en tant que les Etats riverains, sans avoir égard à l'intérêt local de l'endroit ou du pays, où ils sont établis, les trouveraient nécessaires ou utiles à la navigation et au commerce en général (art. 114).

7. Les douanes des Etats riverains n'auront rien de commun avec les droits de navigation. On empêchera, par des dispositions règlementaires, que l'exercice des fonctions des douaniers ne mette des entraves à la navigation; mais on surveillera, par une police exacte sur la rive, toute tentative des habitants de faire la contrebande à l'aide des bateliers (art. 115).

8. Tout ce qui est indiqué dans les articles précédents, sera déterminé par un règlement commun,

qui renfermera également tout ce qui aurait besoin d'être fixé ultérieurement.

Le règlement, une fois arrêté, ne pourra être changé, que du consentement de tous les Etats riverains, et ils auront soin de pourvoir à son exécution d'une manière convenable, et adaptée aux circonstances et localités (art. 116).

L'article suivant (117) statue que les règlements particuliers pour la navigation du Rhin, du Neckar, du Main, de la Moselle, de la Meuse et de l'Escaut, auront la même force et valeur, que s'ils avaient été textuellement insérés dans le corps même de l'acte du Congrès.

Ces stipulations du Congrès de Vienne à l'adoption desquelles Guillaume de Humboldt prit, en qualité de représentant de la Prusse, une part éminente, se trouvaient déjà en germe dans l'article 5 de la Paix de Paris du 30. Mai 18141). Elles ont toute la portée d'une charte fondamentale du droit destiné à régir la navigation Européenne sur les fleuves internationaux. Ces fleuves, durant les siècles précédents, avant que la première parole libératrice n'eût été prononcée dans la

1) Sur les négociations du Congrès de Vienne concernant les cours d'eau dits conventionnels, v. J. L. Klüber, actes du Congrès de Vienne, Vol. III. Sur l'ancien droit de navigation, antérieur à l'année 1815, v. surtout: Et. Carathéodory, Du droit international, concernant les grands cours d'eau. Etude théorique et pratique sur la liberté de la navigation fluviale. (Leipzig 1861) pag. 43-98. G. Schirges, Der Rheinstrom (Mainz 1857).

Proclamation de Paris du 20. Novembre 1792 contre la fermeture de l'Escaut, avaient été, par suite de vues politiques et commerciales mesquines et sous l'inspiration d'un égoïsme vulgaire ou de cupidités locales, soumis en mille modes divers, et selon les territoires et les villes de leur parcours, à de lourdes entraves provenant de taxes et d'exactions, décorées de dénominations legales.

Les idées dominantes, que le Congrès de Vienne se proposait de réaliser, apparaissent simples et claires.

Il est aisé d'y discerner la tendance de mettre en harmonie la doctrine du droit international sur la communauté du trafic commercial, avec le principe, à la fois de droit international et de droit public, de la souveraineté territoriale, attribut des Etats riverains. Le Congrès de Vienne, dont l'autorité dans notre siècle, n'a été dépassée par aucune réunion de souverains, congrès qui a siégé à une époque, où le pouvoir politique de la plupart des Gouvernements du Continent Européen florissait sans limites, où la voix de l'opinion publique n'était nulle part à craindre, a mis une sage prévoyance à ne pas vouloir priver les Etats riverains de la faculté de s'entendre entr'eux sur les détails des dispositions, dont l'exécution relevait du domaine immédiat de leur souveraineté territoriale.

De là provient la réserve du Congrès par rapport au droit de navigation des Etats Européens sur les cours d'eau nationaux, qui ne traversent le territoire que d'un seul Etat, bien qu'au point de vue de l'équité et de la logique, leur ouverture au commerce pacifique de tous

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