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presque tous ses rouages, ne sauraient constituer un précédent à invoquer, dans le but d'abroger des principes consacrés du droit international.

La situation actuelle de la Commission Européenne, quoique modifiée par rapport à l'année 1856, repose néanmoins sur un titre légal analogue, puisqu'en 1878, lors du Traité de Berlin, la Turquie, éloignée par la force des armes des embouchures du fleuve, conserva néanmoins le droit de statuer, comme Puissance Souveraine, sur une extension des pouvoirs de la Commission Européenne, avant que les territoires cédés eussent passé de droit en la possession d'autres Etats Souverains.

Jamais il n'a été question, que les nations Européennes, jouissant de droits de navigation, eussent un droit de co-possession sur les rives ou sur les eaux des fleuves internationaux.

Dès lors, un droit semblable, ou l'autorisation de l'exercer, ne saurait être transmis à une Commission quelconque, sans le consentement formel des Etats Riverains intéressés. La Commission Européenne ne peut baser le titre légal de son existence et de son action sur la volonté des Puissances, mais exclusivement sur le consentement formel des Etats Riverains, ayant, au moment de son établissement, la compétence nécessaire. Les Puissances, elles-mêmes, dementiraient l'origine de la Commission consentie par elles, si, au moment de constituer une autre Commission, elles devaient s'écarter du principe du consentement des Etats Riverains intéressés. Ce qu'on n'a pu imposer à la Turquie, contre

sa volonté, en 1856, et à l'occasion des Conférences ultérieures pour la navigation du Danube, on ne saurait davantage l'imposer à la Roumanie en 1883.

Les règlements aujourd'hui en vigueur aux embouchures du Danube constituent un droit exceptionnel, unique, sans analogues ailleurs, du moins en ce qui concerne la situation, créée à une autorité internationale vis-à-vis d'un Etat Riverain. La tâche assignée par le Traité de Berlin (art. 55) à cette commission, de mettre les règlements de navigation, de police et de surveillance, à élaborer pour la partie en aval des Portes-de-Fer, en harmonie avec ceux, qui fontionnent aux embouchures, ne peut, en aucune façon, recevoir une interprétation, d'où il résulterait, que le droit définitif à établir, conformément aux règles du Congrès de Vienne, doive être mis en harmonie avec un droit exceptionnel provisoire. Ainsi comprise, cette mission constituerait une impossibilité et un nonsens. Faire d'une exception la règle, ou mettre une règle de droit, en matière de navigation, en harmonie avec une exception unique, ce serait là un problème insoluble.

L'interprétation logique et, selon nous, la seule admisible de l'art. 55 conduit à la conclusion suivante: l'Acte Public de 1865 et les Règlements de Navigation fluviale, y-annexés, comprennent, malgré la situation exceptionelle des membres de la Commission et la dispense, prévue en leur faveur de se soumettre à l'autorité riveraine, des dispositions, considérées comme résultats constants d'expériences techniques pouvant, par consé

quent, s'appliquer, au point de vue technique, à d'autres cours d'eau Européens.

C'est avec cette partie technique, que les règlements de navigation pour la partie en aval des Portes de Fer doivent être mis en harmonie de principes, en tant que les besoins de la navigation, à l'intérieur du fleuve à la différence de ceux de la navigation maritime, n'exigent pas quelque modification.

Quant à la situation politique exceptionelle de la Commission Européenne, un autre régime fluvial ne pourrait être mis en complet rapport avec elle que, si les Puissances elles-mêmes avaient voulu étendre la compétence de cette commission jusqu'aux Portes-de-Fer. Tel n'étant pas leur but, la mission attribuée à la Commission Européenne instituée, pour la partie privilegiée, ne peut être comprise que comme il suit:

Sur la base du droit des Etats Riverains, pratiqué partout en Europe, il faut adopter, pour la partie non privilégiée conformément au principe de l'égalité des droits en vigueur dans la Commission Européenne et, sans reconnaître un privilége de présidence inconnu dans son sein, les règles de surveillance à observer en commun par les Etats Riverains.

A cette mission, ainsi comprise, et seule conforme au droit des traités en vigueur, le projet de la Commission Mixte est contraire, à un double point de vue: 1°. L'institution de la Commission Mixte porte atteinte

aux principes de tous les Traités en ce que, sauf le cas d'une situation exceptionnelle (comme celle

des embouchures du Danube) les Etats Riverains. seuls peuvent être appelés à participer à l'application et à l'exécution des Règlements de Navigation fluviale et que l'Autriche, comme membre de la Commission Mixte, ne possède pas cette qualité d'Etat Riverain.

2°. Même l'analogie avec l'état exceptionnel en vigueur aux embouchures du Danube en tant qu'une pareille analogie puisse être soutenue à cet égard

est détruite, attendu qu'il n'existe pas, dans la Commission Européenne de droit de présidence permanente, et, qu'en outre dans cette Commission ne sont représentés, que les intérêts généraux internationaux de la liberté de navigation fluviale; tandis que, suivant les Protocoles de cette Commission, l'Autriche a exigé sa participation dans la Commission Mixte en vertu de sa situation géographique et de sa prépondérance territoriale de non-riveraine mais nullement au nom d'un intérêt Européen: La Majorité de la Commission, en satisfaisant à cette exigence, s'est mise en opposition directe avec toutes les conditions fondamentales de l'existence de la Commission Européenne.

Cinquième question.

L'égalité de situation des Etats formant une Commission de contrôle et de surveillance sur des fleuves internationaux n'est-elle pas une conséquence de la réciprocité complète des droits et des devoirs des Etats Riverains?

Au point de vue du droit tous les états sont égaux entre eux. Les différences de puissance, d'étendue, de situation, de population constituent les éléments du rôle politique des états dans l'histoire, mais sont dépourvus de toute valeur juridique.

Tandis que l'égalité des individus devant la loi n'a été que le fruit tardif de l'histoire du droit et de la civilisation humaine, elle a suivi, quant à l'ordre des Etats dans leurs relations extérieures, une marche inverse. L'égalité des nations a dû être reconnue, avant qu'il ne pût être question du droit des nations 1).

L'égalité des droits est donc le premier des articles fondamentaux du droit international. Si l'on a pu dire que l'époque de la féodalité représente le droit du plus

1) R. Philimore Comment. (3. éd.) 1, p. 216. Heffter (Geffcken, 7. édit. S. 61) dit: L'idée du droit international de la souveraineté parfaite des états exclut en soi des inégalités de droits entre plusieurs d'entre eux. L'état le plus petit au point de vue de l'importance politique peut revendiquer un droit égal à celui d'un Etat plus grand et plus puissant.

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