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M. de Polignac, il est ici, je vais lui demander s'il peut vous recevoir. » Raguse sort, et, rentrant un moment après la figure altérée, il déclare que Polignac vient de lui dire que les con

ditions proposées rendaient toute conférence inutile.

C'est donc la guerre civile, » dit

M. Laffitte.

Raguse garde le silence, et les députés se retirent.

Il fallut donc se décider à attaquer les Tuileries. Des colonnes nombreuses s'y portent, ayant le général Gérard à leur tête. En un moment, le Pont-Royal est occupé par elles. Raguse se disposait à évacuer le château, lorsque tout à coup fondent des gardes-du-corps, des Suisses, déguisés en bourgeois, qui, armés de pistolets et de poignards, frappent et tuent les citoyens par derrière. Le carnage devient horrible; on frappe, on est frappé; enfin les sicaires sont écra sés. Après plusieurs charges, le château est emporté. On entre par le pavillon de

Flore. L'indignation d'un fait récent faisait choisir ce point d'attaque; c'était de là que, dès sept heures du matin, des Suisses avaient fait feu sur un rassemblement de femmes que la curiosité avait attirées sur le Pont-Royal. Le pavillon de Flore, attenant aux appartemens de la duchesse d'Angoulême, ayant été pris, et le peuple ayant trouvé des milliers de proclamations adressées aux soldats pour les exciter contre les citoyens, sa fureur a été au comble; des meubles furent jetés par les fenêtres; mais, comme dans les autres monumens de Paris, l'argent et les effets précieux furent remis à l'Hôtel-de-Ville.

Ce dernier exploit ouvrit enfin les yeux au duc de Raguse; il annonça qu'il était prêt à faire sa soumission. Une partie de ses troupes se rendit et se confondit avec le peuple; le reste fut dirigé sur les hauteurs de SaintCloud, et commença à défiler, protégé par une dernière décharge d'artillerie.

Le drapeau tricolore flottait sur tous les monumens de Paris.

Ainsi se termina cette guerre de trois jours, livrée par un peuple indigné contre les satellites d'un despote insensé. Ces trois journées, dans lesquelles la population de Paris déploya un courage et une sagesse admirables, effacent les plus belles époques de la révolution française. A peine quelques désordres inséparables d'un si grand combat `ontils été commis; mais aucune atteinte, même légère, n'a été portée aux propriétés particulières. Des commissions municipales, créées presque spontanément dans presque toutes les mairies, ont organisé la garde nationale, l'ont pourvue de fusils et de munitions, ont ouvert un asile aux blessés, donné des secours et des alimens aux braves défenseurs du pays, veillé à la construction plus régulière et mieux entendue des barricades, aux soins exigés pour la tranquillité publique, pour la salubrité, pour la distribution des subsistances.

La mairie du onzième arrondissement, présidée par M. Lemercier de l'Institut, a surtout mérité la reconnaissance de tous les citoyens.

Les morts, dans ces trois journées, s'élèvent à plus de deux mille; et celui des blessés peut être évalué à 5000. Accueillis partout, environnés de soins et de respect, ils reçoivent la récompense de leur dévouement. Toutes les bourses leur sont ouvertes, toutes les femmes font de la charpie pour panser leurs blessures; ils sont adoptés par la patrie.

Un monument va être consacré à la mémoire des victimes, à la place même où le duc de Berry devait recevoir des honneurs funèbres. Cette chapelle expiatoire devait être le monument d'un homme et d'un prince; elle sera le monument de la Patrie et de la Liberté.

DERNIÈRES INTRIGUES

DE CHARLES X.

FORMATION D'UN GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

Tandis que le peuple de Paris recon quérait, au prix de son sang, sa liberté, la cour, réfugiée à Saint-Cloud, applaudissait au massacre des citoyens et qualifiait insolemment leur résistance de sédition intérieure. Elle avait imaginé que quelques fusillades suffiraient pour mettre le peuple à la raison, que quelques charges de gendarmerie consommeraient l'œuvre de la destruction des lois. Les sept ministres entouraient le roi, et l'engageaient à ne point céder. Polignae, surtout, se faisait remarquer par cet entêtement d'un esprit borné qui ne voit rien à travers son orgueil et son ignorance. Le dauphin partageait les sentimens de Charles X; aucun ne comprenait que la monarchie avait été mise en jeu, et que la partie, d'un mo

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