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Ces erreurs infiniment multipliées dans notre nouveau code, viennent de ce qu'il a été rédigé par des hommes en général peu instruits, étrangers aux anciennes conftitutions politiques, & incapables de tourner au profit de la génération actuelle les fautes des nations qui l'ont précédée fur ce globe, & qui en ont disparu, pour avoir fait à peu près ce que nous faifons.

I X.

Du mode de nos difcuffions.

Nous avons adopté le fyftême de tout discuter & de foumettre les queftions les plus fimples comme les plus importantes, à l'empire de l'éloquence. C'est à dire que les loix ont dû être fouvent l'ouvrage de ce talent impérieux qui commande à la pensée d'autrui, la promene d'opinion en opinion, & la fixe enfin fur celle qui lui plaît.

Le fage fe livre à fes propres idées avec une fecrete défiance, & il va interroger les oracles de tous les fiecles, ceux dont le nom a furvécu aux monarchies mêmes, & dont l'esprit eft encore comme le flambeau univerfel. Ces grands politi ques de l'antiquité conviennent que le principal

défaut du gouvernement le moins iniparfait, étoit lastrop grande influence des orateurs dans les délibérations d'état. «On comparoit leur langage, « tantôt au chant des fyrenes & tantôt au bruit « même du tonnerre. Souvent ils employsient << ces deux armes à la fois, fubjuguoient les efprits, enchaînoient les volontés, & entraînoient la multitude, comme le fer eft entraîné par «mant. Alors toute cette république reffembloit << à un navire dont les démagogues éloquens << étoient les capitaines; le fénat, le pilote, & le « peuple les matelots »、

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Imitateurs ferviles des Anglois, nous avons cru que nos loix devoient naître au milieu des orages. Il eft inconteflable cependant que l'éloquence eft un état de convulfion, & qu'elle commence à enlever à l'homme l'ufage d'une raifon pefant froidement les avantages & les inconvéniens des loix nouvelles. Nous pourrions citer cent exemples des maux nés delice préfent funefte. Nous nous -bornerens à un feul; il eft vrai qu'il eft choifi avec quelque intention:. L'orateur Efchine, doué des plus grands talens, mais aulli capable des projets: les plus petfides, perfuada aux Etats-généraux de la Grece', de' choifir Philippe, Roi de Macédoine, pour l'exécuteur de leurs décrets. C'est comme fi, de nos jours, les Princes Alle

mands appelloient au milieu d'eux l'armée Ruffe pour mettre a exécution les décrets de la diete de Ratisbonne & de la chambre de Wetzlar.

Sans replacer fous les yeux des lecteurs les lieux communs fi fouvent répétés contre l'éloquence, qu'il foit permis d'obferver que les paffrons ne doivent entrer pour rien dans l'organi fation des loix, & que l'éloquence a pour objet principal de remuer ces mêmes paffions.

X.

Durée de la réfidence pour être Electeur ou Eligible.

Pour qu'un citoyen foit Electeur, Eligible ou Elu, il fuffit qu'il ait réfidé un an dans le lieu où il doit élire ou être élu. L'abbé de Mably, dont l'autorité étoit quelque chofe il y a un an, dit: » Une épreuve de deux ans ne fuffit pas pour » gagner ma confiance. Pendant un fi court ef

pace de tems, un homme dépravé peut, fans » beaucoup de peine, cacher fes mœurs, & mon»trer des fentimens qu'il n'a pas; j'exigerois » qu'un candidat eût paffé par quelques offices » pubilc, de fa ville ou de fon canton, qui l'eût

» mis a porté de faire connoître fa probité & fes » lumieres. Les hommes en général n'estiment » que te que l'on leur fait acheter un peu ché »rement, & il importe beaucoup que la puif » fance légiflative foit compofée de citoyens ac ▸ coutumés à se respecter, & qui aient une haute » idée de l'emploi augufte dont ils font char+ » gés» (I).

pas.

il

y a

On dira qu'en Angleterre on peut être député áú Parlement de la part d'une ville qu'on n'habite Cela prouve que dans la constitution Angloife des articles qu'il ne faut pas imiter. Les citoyens actifs font fi loin d'avoir une haute idée de l'emploi augufte dont ils font chargés, que de quatre-vingt mille vôtans que renferme la ville de Paris, il n'y en a en que feize mille qui ont concouru à la nomination du Maire au mois de Juillet dernier ; & pour l'élection des principaux officiers de la Municipalité, il n'y en a pas eu fix mille. Que fera-ce lorfque les hommes feront familiarifés avec ces fortes de cérémoFie's?

On dira que c'eft pour conferver l'égalité.

(1) Du Gouvernement & des Loix de la Pologne, par l'abbé de Mably, tome VIII des Œuvres complettes, page 307.

Quel eft l'homme un peu fort en principes qui ne fache que cette égalité de droit, contraire à tous les préjugés, ne peut pas fubfifter? Les efforts pour l'introduire & la maintenir ne fervent qu'à précipiter un état dans l'anarchie ou dans l'oligarchie. C'est en vertu des même idées que ros décrets permettent d'élever tout citoyen quelconque aux places adminiftratives, pourvu qu'on paye une rétribution de trois journées.

Il est une perfection chimèrique dont un légiflateur fage & prudent à grand foin de s'éloigner. Solon en a donné l'exemple; il exigea qu'on jouit d'un certain revenu pour avoir droit de parvenir aux magiftratures. Il n'eft pas dans l'homme de defirer ce qui appartient à tout le monde.

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X I.

Décret concernant les Comédiens.

Les uns ont été affligés, les autres ont été fatisfaits, & tous ont été furpris de ce que l'Affemblée Nationale a donné le droit de citoyen actif aux Comédiens. Cette queflion, affez mal difcutée auroit trouvé des difficultés étranges à une feconde législature; mais comme nous profeffons la plus

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