traire du plus grand nombre est substituée à la loi suivant les circonstances. Ainsi nos législateurs ne s'imposent aucunes règles, ou s'ils en adoptent, ils se croient le droit de les franchir quand ils le jugent à propos, et ils veulent être respectés! ils méconnoissent leurs propres décrets, et ils font jurer à leurs commettans d'y être soumis; ils violent impunément les principes qni sont la base de la constitution, et ils font jurer de la maintenir; j'ose le dire, ils détruisent de leurs propres mains leur ouvrage. Quand, dans une assemblée, la majorité n'est pas elle-même soumise à la loi, quand la minorité ne peut pas l'invoquer avec succès, il n'y a plus de liberté, et cette assemblée cesse d'être un corps délibérant; c'est la loi du plus fort contre le plus foible; c'est une tyrannie, la plus dangereuse de toutes, parce qu'elle se couvre du voile de la loi. Je dénonce à la nation cet étrange renversement de principes. Je dénonce la scène affligeante dont j'ai encore été témoin hier lundi 23 août; j'ai vu un législateur, que sans doute son zèle a égare, troubler une délibération qui, jusqu'à ce moment, avoit été paisible; J'ai vu avec douleur le corps législatif céder à l'impulsion qui lui a été donnée par les spectaTM teurs, et ce nouvement convulsif, un seul homme l'a occasionné. L'assemblée nationale, après une mure délibé. ration, avoit accordé la priorité à la motion de M. l'abbé Maury; bien convaincue qu'il n'y avoit aucune trace, aucun indice de complicité contre l'abbé de Barmond', quoique le rapport du comité des recherches soit infecté d'une partialité révoltante. M. Voidel qui en étoit l'organe, avoit rendu cet hommage à la vérité, et la lecture des pièces l'avoit authentiquement prouvé. M. l'abbé Maury avoit conclu à l'élargisse ment provisoire de M. l'abbé de Barmond à la charge de se représenter toutes les fois qu'il en seroit requis: il demandoit en mêmetems que l'information commencée contre les auteurs, fauteurs et complices de l'évasion de M. Bonne Savardin, fût continuée. Le cours de la justice n'étoit donc point interrompu; si les informations qui seront faites chargeoient M. l'abbé de Barmond, ou si elles indiquoient seulement quelques traces de complicité, l'assem # blée nationale étoit toujours en mesure de dé clarer s'il y avoit, ou non, lieu à accusation contre un de ses membres; mais au moins alors elle auroit prononcé avec connoissance de cause et jusqu'au moment où le tribunal, chargé de juger les crimes de lèze-nation, lui auroit présenté la procédure faite contre M. l'abbé de Barmond, il devoit jouir de sa liberté, puisqu'il n'est point accusé, puisque rien n'indique qu'il soit complice de l'évasion de M. Bonne Savardin. Cette marche étoit impérieusement prescrite à l'assemblée nationale, par l'article VII de la déclaration des droits de l'homme, qui dit nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni décrété que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites. Une très-grande partie du côté gauche de l'assemblée avoit parue pénétrée de ces principes, puisque la priorité avoit été accordée au projet de décret de M. l'abbé Maury, à une majorité de plus de cent cinquante voix. Un amendement à ce décret avoit même été adopté rien n'annonçoit l'orage qui alloit se former; les galeries ne s'étoient point encore écartées du respect qu'elles doivent à l'assem blée des représentans de la nation: elles attendoient en silence le jugement qui alloit être prononcé. M. Merlin s'écrie, que pour l'honneur de l'assemblée, il demande la question préalable sur la motion de M. l'abbé Maury. M. Dumetz appuie cette dernière motion, s'élance à la tribune et s'écrie avec une véhémence sans égale. » Comment les intérêts les plus sacrés de la » patrie, seront sacrifiés à l'opinion d'un seul >> homme? parce que M. l'abbé de Barmond » n'a pas cru M. Bonne Savardin coupable, il » aura pu le faire sortir du royaume, le sous>> traire à la vengeance des loix, et exposer la >> nation à voir consommier les attentats les plus >> criminels contre sa liberté et sa tranquillité! >> et l'on vient de vous proposer, messieurs, » d'ordonner son élargissement provisoire, de » faire siéger parmi les représentans de la na>>tion celui qui a osé trahir sa patrie! non, l'as » semblée nationale, à qui le peuple a confié » ses droits les plus chers, ne le souffrira pas, » tous les bons citoyens doivent se réunir, la » patrie, la liberté sont en danger; j'appuie la » question préalable sur la motion de M. l'abbé » Maury. » Au même moment le signal est donné, les 1 galeries font entendre, non pas des cris; mais des hurlemens; ils sont répétés par la foule nombreuse qui est dans le jardin des thuilleries. (7) M. Dumetz retourne à sa place couvert d'applaudissemens. M. camus qui veut les partager, lui succède à la tribune, il prétend que la question est mal posée, qu'il ne s'agit pas de savoir s'il faut accorder à M. l'abbé de Barmond son élargissement provisoire; mais bien s'il y a lieu ou non à accusation contre lui, et il soutient qu'il y a lieu à accusation; et sur quelles preuves osez-vous, M. Camus, inculper aussi légèrement un de vos collègues? Le comité des recherches n'a pas pu le trouver coupable, quelles lumières avez-vous pu vous procurer sur cette affaire, depuis que vous avez entendu le rapport? et puisque vous aviez des raisons de le croire coupable, pourquoi attendez-vous le momert où les galeries, où le peuple que l'on égare, prennent parti dans cette affaire, et semblent vouloir dicter le jugement de l'assemblée ? L'amour de la popula rité...... Et quelle popularité, grands dieux! peut donc repousser le cri de la conscience et diriger l'opinion d'un législateur! En vain M. Malouet cherche à opposer une |