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ment ces faits qui résument une époque, qui la résolvent, pour ainsi dire, en quelques vérités, au moyen desquelles se forme graduellement une nouvelle science d'observation; ils se demandent avec anxiété si nous ne touchons pas, en effet, à une crise générale. Il appartient à ce Recueil, qui a servi depuis sa création d'utile auxiliaire à la cause des lumières, sinon de résoudre, du moins d'éclairer ces hautes questions. C'est ce que nous essaierons, en jetant un coup-d'œil rapide sur les diverses contrées du globe, en fixant nettement le point de départ pour chacune d'elles. Dans cette revue, la patrie doit d'abord appeler notre attention; et là, un fait immense l'absorbe sur-lechamp tout entière.

Cette année 1830 s'était ouverte pour la France sous de sombres auspices: après quinze années de lutte contre une restauration perfide et pour le maintien des résultats de sa grande révolution, la nation se voyait enfin livrée par la couronne à une faction qui lui était justement odieuse. Cette faction n'avait rien épargné pour se donner des gages de sécurité : au dehors, la sainte alliance s'apprêtait à mettre à sa disposition ses innombrables phalanges; au dedans, la magistrature, le clergé, l'armée, l'administration lui offraient partout des agens et des satellites sans conscience. Chaque jour, elle prenait plus de confiance en elle; et se pénétrait davantage de cette pensée qu'elle n'avait qu'à vouloir, et que les obstacles s'écarteraient devant sa marche forte et résolue. D'une autre part, les amis de la liberté eux-mêmes en étaient venus au point de douter parfois de la France, de concevoir de secrètes inquiétudes sur les chances que rencontrerait une main énergique et habile qui voudrait la ramener au despotisme. Des élections si souvent reportées sur des hommes sans caractère, ou qui semblaient ne s'être donnés à la révolution que parce que la contre-révolution ne voulait plus d'eux, étaient peu propres à rassurer les esprits contre la possibilité d'un triomphe, momentané sans doute, mais dont les suites eussent

cessivement s'inscrire tous les convives admis à ces banquets est devenu, au bout de plusieurs années, une sorte de rendez-vous de famille, où l'on aime à rencontrer les noms de voyageurs, de savans, d'écrivains distingués, de bienfaiteurs de l'humanité. Combien de jeunes gens qui commençaient leur carrière ont trouvé dans ces réunions périodiques des soutiens, des protecteurs, des moyens honorables d'existence et de fortune, des points d'appui pour leur avenir! Combien d'échanges précieux d'idées et de projets utiles ont eu lieu entre des hommes estimables qui reportaient ensuite dans leur pays ce qu'ils avaient recueilli à ce foyer commun, où s'était fécondée leur pensée.

Les Américains du nord se sont éclairés des lumières de la vieille Europe, et ils lui ont présenté le riche tableau des améliorations sociales que leur procurait la liberté.

Les Américains du sud ont vu avec un juste orgueil leurs États naissans compris dans la liste des nations civilisées, et chacun de leurs efforts, de leurs progrès, a été signalé à l'attention des autres peuples.

Le voyageur, qui parcourait les déserts de l'Afrique, a lu avec intérêt, dans ses courses lointaines, le récit de ses découvertes, et il a vu qu'un hommage était payé à ses courageuses investigations. Le contraste des usages et des mœurs des peuplades encore plongées dans la barbarie a fait mieux ressortir et apprécier les avantages dont jouissent les peuples policés, qui ont acquis le sentiment de leur dignité et de leurs droits.

L'Anglais, l'Allemand, le Russe, ont senti s'éteindre leur disposition secrète d'irritation, de jalousie, de haine contre la France, lorsqu'ils ont vu que, tous les mois, leurs propres travaux étaient, pour les Français, l'objet d'un examen attentif et consciencieux.

La France ne s'est plus regardée comme le modèle exclusif du bon et du beau, lorsque les productions étrangères lui ont été tour-à-tour représentées avec fidélité, et

lorsqu'elle a reconnu la grande part que prenaient aussi d'autres nations à l'œuvre de la civilisation.

Les peuples condamnés encore à subir une dure servitude ont supporté avec plus de résignation le poids de leurs chaînes, quand ils ont vu qu'eux aussi inspiraient une affection profonde et sympathique aux amis du bien dans les autres pays.

Les membres épars de l'humanité ont pu s'entr'aider, se correspondre, communiquer les uns aux autres leurs sentimens, leurs projets, leurs espérances.

Telle a été, depuis douze années, telle continuera toujours d'être, sous un régime de liberté qui lui permettra un développement plus complet de son plan, la REVUE ENCYCLOPÉDIQUE, bien différente de quelques autres entreprises formées à son image, long-tems après elle, mais qui n'avaient avec elle qu'une ressemblance trompeuse, puisque les unes avaient exclu, par un calcul de prudence, les sciences morales et politiques, qui sont l'âme des autres sciences, et la littérature, les beaux-arts, dont les productions ont souvent une couleur politique; puisque les autres, loin d'embrasser avec un égal amour l'universalité des sciences et des nations, s'attachaient particulièrement à un ordre d'idées, à une branche des connaissances, à quelques localités, à une seule littérature, ou même à un genre spécial, à une école, à une doctrine, pour servir les intérêts d'une secte ou d'une coterie.

Aussi, la Revue Encyclopédique n'a pas été soutenue avec chaleur, même par ceux qui coopéraient à ses publications; elle n'a point eu des amis ardens, des prosélytes pour la répandre. Trop souvent, comme l'a dit notre poëte philosophe,

L'homme est de glace aux vérités ;

Il est de feu pour le mensonge.

C'est la VÉRITÉ, c'est le BIEN PUBLIC qui sont les deux

buts auxquels notre recueil est consacré. Il doit s'améliorer, d'année en année, par le concours d'observateurs instruits, d'amis du bien, de penseurs, de savans, d'écrivains habiles et ingénieux qui, de tous les points du globe, viennent se réunir à la légion sacrée qui s'avance, le drapeau de la philosophie en main, pour conquérir et pour répandre au loin des vérités nouvelles.

Nous espérons que notre appel sera entendu, que nos efforts seront puissamment secondés, que partout notre diffficile et dispendieuse entreprise trouvera des coopérateurs, des correspondans, des amis, des soutiens, des propagateurs. C'est la cause commune de l'humanité que serviront tous ceux qui viendront s'unir à nous.

M. A. JULLIEN, de Paris.

COUP-D'OEIL SUR L'ÉTAT DU GLOBE EN 1850

L'ANNÉE 1830 restera mémorable entre celles du siècle ; elle marque le début d'une grande époque. Après un de ces tems de repos qu'amène une longue suite d'agitations civiles et guerrières, les idées généreuses, refoulées par le despotisme de Napoléon et par la sainte alliance, son ignoble héritière, ont repris leur essor; la civilisation, comme indécise un instant devant les barrières accumulées par l'obscurantisme, a tout-à-coup été précipitée en avant par une révolution imprévue et foudroyante; elle ne peut plus reculer; elle ne peut plus s'arrêter; il faut qu'elle marche! Les hommes qui aiment à porter un regard philosophique sur les grandes vieissitudes sociales dont nous. sommes témoins restent absorbés par de profondes méditations. Ils parcourent l'histoire pour y trouver des analogies avec le présent; ils lui demandent de sûres inductions. sur le sort des générations futures. Ils recueillent avide

ment ces faits qui résument une époque, qui la résolvent, pour ainsi dire, en quelques vérités, au moyen desquelles se forme graduellement une nouvelle science d'observation; ils se demandent avec anxiété si nous ne touchons pas, en effet, à une crise générale. Il appartient à ce Recueil, qui a servi depuis sa création d'utile auxiliaire à la cause des lumières, sinon de résoudre, du moins d'éclairer ces hautes questions. C'est ce que nous essaierons, en jetant un coup-d'eil rapide sur les diverses contrées du globe, en fixant nettement le point de départ pour chacune d'elles. Dans cette revue, la patrie doit d'abord appeler notre attention; et là, un fait immense l'absorbe sur-lechamp tout entière.

Cette année 1830 s'était ouverte pour la France sous de sombres auspices : après quinze années de lutte contre une restauration perfide et pour le maintien des résultats de sa grande révolution, la nation se voyait enfin livrée par la couronne à une faction qui lui était justement odieuse. Cette faction n'avait rien épargné pour se donner des gages de sécurité : au dehors, la sainte alliance s'apprêtait à mettre à sa disposition ses innombrables phalanges; au dedans, la magistrature, le clergé, l'armée, l'administration lui offraient partout des agens et des satellites sans conscience. Chaque jour, elle prenait plus de confiance en elle; et se pénétrait davantage de cette pensée qu'elle n'avait qu'à vouloir, et que les obstacles s'écarteraient devant sa marche forte et résolue. D'une autre part, les amis de la liberté eux-mêmes en étaient venus au point de douter parfois de la France, de concevoir de secrètes inquiétudes sur les chances que rencontrerait une main énergique et habile qui voudrait la ramener au despotisme. Des élections si souvent reportées sur des hommes sans caractère, ou qui semblaient ne s'être donnés à la révolution que parce que la contre-révolution ne voulait plus d'eux, étaient peu propres à rassurer les esprits contre la possibilité d'un triomphe, momentané sans doute, mais dont les suites eussent

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