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au fond de la question, si l'on prenait l'avis des publicistes anglais qui ne manquent pas de données pour apprécier les avantages et les inconvéniens des colonies pour les métropoles, il y a tout lieu de croire que MM. Allard et Lacuée perdraient leur cause à ce tribunal dont la compétence ne peut être contestée. La conservation ou l'évacuation d'Alger n'est pas une question purement coloniale; il s'agit de savoir si le territoire Français peut s'étendre au-delà de la Méditerranée, franchir l'Atlas, et ne se terminer qu'aux limites du Sahara. La Guiane française fut décorée autrefois du nom magnifique de France équinoxiale; serait-il impossible de réaliser aujourd'hui le projet d'une France africaine, dans un pays dont la salubrité est connue, et dont on aura préalablement achevé la reconnaissance, au lieu de se borner à disserter dans le cabinet, d'après les livres? Pressons le gouvernement d'effectuer cette indispensable opé→ ration, et, s'il le faut, que les amis de la patrie se réunissent pour en préparer les moyens. Le seul intérêt des sciences fait souvent entreprendre des expéditions plus hasardeuses, qui exigent plus de tems et de frais : celle-ci est sollicitée à la fois par les savans, les négocians, l'industrie nationale, les besoins d'une population qui bientôt peut-être ne pourra plus trouver le bonheur sur notre sol européen ; pensons à son avenir, et si nous parvenons à lui préparer un asile, comme nous serons dignement dédommagés de quelques faibles sacrifices! Gardons Alger, achevons la conquête de la régence, explorons les ressources qu'elle peut nous offrir, et laissons disserter ceux qui

seront d'un autre avis.

:

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N.

41. Encore quelques exigences de notre révolution de 1830 plus de papauté, plus de congrégations, plus de majorats, plus de noblesse, plus de pairie héréditaire, plus d'entraves à la presse, plus de cens d'éligibilité. Paris, 1830; Desauges. In 8o; prix, 75 c.

L'auteur ne se nomme point, mais il laisse entrevoir qu'il appartient à une classe élevée de la société ; il va même jusqu'à dire que la généalogie de sa famille remonte à l'an 1400. 11 est donc parfaitement désintéressé dans les questions qu'il traite, dans les abus dont il propose l'extirpation? Il ne veut plus de noblesse, quoiqu'il soit noble; de majorats, quoiqu'il paraisse en avoir un; de cens d'éligibilité, quoiqu'il soit sans doute éligible; de papauté, quoiqu'il se déclare catholique et

religieux ; enfin, plus de congrégations; et cette fois, j'aime à le croire, c'est la seule chose dont il n'ait pas une connaissance pratique. Il veut la liberté absolue de la presse, le remède s'y trouvant à côté du venin; il veut l'abolition de l'hérédité dans la pairie, parce que l'hérédité est une anomalie dans nos mœurs actuelles, et que l'héritier du titre possédé par un homme de talent pourrait n'être qu'un sot; il ne veut plus de noblesse, parce que toute distinction quelconque doit être personnelle, et conséquemment méritée; il ne veut plus de cens d'éligibilité, parce qu'il faut que la capacité puisse être représentée ou représenter elle-même. Enfin, il ne veut plus de papauté, parce qu'elle est une usurpation du spirituel sur le temporel, effectuée en des tems d'ignorance, et qui n'a plus de racine dans l'état avancé de notre civilisation.

Il est encore bien d'autres abus que l'auteur voudrait voir extirper; mais nos lecteurs qui se décideront à lire sa brochure les y retrouveront vigoureusement attaqués, et nous ne devons pas affaiblir, par une sèche analyse, la logique de l'adversaire des priviléges. ALBERT-MONTÉMONT.

42. Des anciens royalistes et du gouvernement; par un ancien magistrat. Lyon, 1830; imprimerie de Louis Perrin. In-8° de 2 feuilles et un quart.

La paix universelle fut le rêve de ce bon abbé de SaintPierre qui, à défaut de titres littéraires brillans, a laissé du moins le souvenir des plus rares vertus et d'un zèle éclairé pour l'humanité. Avant lui et après lui, des esprits élevés ont cherché à conduire les hommes au bonheur par le chemin de la paix et de l'union. Mais toutes ces tentatives généreuses sont restées sans résultat, et l'on a pu craindre que l'abbé de SaintPierre n'ait fait, comme Thomas Morus, qu'une utopie ingenieuse d'une application impossible. Il est un obstacle que toutes les théories ne pourront que difficilement surmonter : les passions ou plutôt les faux jugemens des hommes. Car c'est évidemment par une erreur de jugement, par un faux calcul, que les hommes peuvent briser entre eux les liens de la concorde, véritable source de leur félicité. La philosophie démontre clairement que l'espoir des plus riches conquêtes, pesé dans une balance impartiale à côté des avantages de la paix, ne devrait point l'emporter sur ceux-ci. Malheureusement les passions humaines ne permettent pas de tenir cette balance dans un

juste équilibre, ou plutôt elles y jettent un contre-poids qui en dénature les résultats. En attendant que le tems et les lumières rendent la paix universelle moins chimérique, on doit applaudir aux esprits sages qui, opérant sur un terrain moins étendu, font tous leurs efforts pour obtenir dans notre France le rapprochement des partis et l'oubli des dissensions. Tel est le but que s'est proposé l'auteur de la brochure que nous annonçons; il conseille la modération aux exagérés, le calme et la patience aux mécontens, et il engage les anciens royalistes à ne pas s'éloigner du gouvernement; il les presse, il les conjure même de se rendre aux élections, et de favoriser par un vote consciencieux des choix honorables, et par conséquent le développement de nos institutions constitutionnelles. C'est là, en effet, la ligne de conduite qui doit être suivie par tous ceux qui sont établis fortement sur le sol français, et qui sont intéressés à ne pas voir ce sol s'ébranler sous leurs pas. Ceux qui chercheraient à susciter des embarras, à compliquer les difficultés du moment, seraient aussi imprudens que coupables; ils ressembleraient à ce personnage de l'Écriture qui s'efforçait de renverser le temple, sans songer qu'il serait écrasé par les débris. Ces idées sont développées avec talent et sagacité dans la brochure qui nous inspire ces réflexions, et qui est tout à la fois l'œuvre d'un bon citoyen et d'un écrivain exercé. SERVAN DE SUGNY,

43.- La Question polonaise; par M. Lucien DE SAINT-FIRMIN, étudiant en droit. Paris, 1831; imprimerie de Fournier, rue de Seine, no 14. In-8° de 14 pages.

Si la cause de la Pologne a excité en France une vive et profonde sympathie, c'est surtout parmi cette généreuse jeunesse qui, étrangère aux froids calculs de la diplomatie, a voué sa vie à une longue et terrible lutte pour la liberté des nations. M. de St.-Firmin est l'organe de cette opinion désintéressée qui veut la liberté pour tous, et pense qu'on ne peut payer trop cher le plus noble présent que Dieu ait fait aux hommes. On chercherait vainement dans sa brochure une solution précise des questions qui surgissent de toutes parts au sujet de la Pologue. Ce qui domine, c'est la chaleur, l'enthousiasme, un sentiment juste, bien qu'un peu confus, du danger qui menace la France, si son ministère, s'endormant dans un misérable égoïsme, laisse périr nos frères de la Vistule. Quant à cette énonciation de l'auteur, que le tzar de Russie n'a pas le droit

d'intervenir dans les affaires de la Pologne avec une armée russe, nous ne la croyons pas fondée sur l'esprit véritable des traités de Vienne et même de la constitution polonaise. (Voy. art. 1er.). Mais il nous semble qu'ici il faut recourir à des principes plus larges, et remonter à l'origine même des prétendus droits de la Russie sur la Pologne, à l'époque du partage. Tant que nous resterons fidèles à la lettre des traités de Vienne, nous serons liés par une chaîne perpétuelle de stipulations désastreuses pour notre cause, et nous userons notre force à lutter contre des difficultés inextricables et sans cesse renaissantes. Laissons donc une politique étroite et mesquine, et si l'on nous oppose des traités que la France de juillet n'a pas consentis, disons, comme le poëte : Ense recidendum est. A. D.

Littérature.

44.

Le Peuple, ode, par GÉRARD, extraite du Mercure de France du 14 août 1830. Paris, 1830. In-18 de 8 pages. 45.- La Révolution de 1830, poëme, par Ed. ARNOULD. Paris, 1830; Denain, rue Vivienne, no 16. In-8° de 23 pages; prix, 1 fr. 46. Les obsèques de Kosciuzko aux tombeaux des rois de Pologne, poëme, suivi de notes historiques, etc., par le Comte DE LA GARDE, etc. Paris, 1830; Treuttel et Würtz. In-8° de 80 pages; prix, 2 fr. 50 c.

47.

Guerre! guerre! ou la Pologne, poëme, par P. JA COMY. Paris, 1831; les libraires du Palais-Royal et l'auteur, rue de Grenelle-Saint-Honoré, no 7. In-8° de 15 pages; prix, 1 fr. 48. La Varsovienne, chant héroïque, en musique, par M. DE CALONNE. Paris, 1831; Paccini, boulevard des Italiens. Cinq planches avec lithographie; prix, 3 francs, au profit des Polonais.

49.- Épître à M. le prince de Metternich. Paris, 1831; Riga, faubourg Poissonnière, no 1. In-8o de 8 pages; prix, 50 c. 50.-Les Algériennes, poésies, par Mme Anaïs StGALAS. Paris, 1831; Charles Mary, passage des Panoramas. In-18; prix, 2 fr. 50. Poésies de Théophile GAUTIER. Paris, 1830; Charles Mary, passage des Panoramas. In-12; prix, 2 fr. 50 c.

51.

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La révolution de 1830 a tué toute littérature qui ne se rattache pas à elle, toute poésie qui n'est pas née d'elle; et, dans celte poésie même qui s'inspire d'elle, comptez les morceaux qui

ont saisi les esprits au milieu de leur préoccupation politique, vous trouverez les ïambes d'Aug. Barbier, deux odes de V. Hugo, une Messénienne de C. DELAVIGNE, une ode de LAMARTINE; le reste est mort, ou attend, pour paraître, un moment plus favorable; ce sont encore des poésies politiques que nous venons annoncer. Ce peuple, si grand dans le combat et dans la victoire, M. GÉRARD l'a célébré dans une ode dont chaque strophe présente un des caractères de ce peuple, la grandeur de son nom, l'éclat de sa gloire, le retentissement de sa voix, la merveille de sa force, la nouveauté de sa vertu, la puissance de son repos. C'est le résumé des trois jours, dans un style semé d'images vives et fières, et qui rappellerait avec bonheur la manière de M. V. Hugo, si l'imitateur ne disparaissait pas trop souvent derrière son modèle.

Cette révolution dont M. Gérard a célébré le héros, M. Arnould l'a peinte en vers un peu diffus et jetés dans un plan peu arrêté, mais quelquefois énergiques. L'auteur, absent de Paris pendant les événemens, n'a pu donner à son tableau ces traits vifs et individuels qui colorent le récit. Mais, d'une autre part, ses regrets répandent sur cet hymne une teinte personnelle qui le fait sortir de la vague uniformité des panégyriques éclos sous le soleil de juillet; on lira avec plaisir ce mouvement touchant de piété filiale:

Et tu dors aujourd'hui dans la tombe, ô mon père!
Et tant de jours heureux ont lui sur ta poussière !
Tu dors, brave guerrier, et tu ne verras plus
Briller le vieux drapeau d'Arcole et de Fleurus.
Si tu pouvais revoir la bannière chérie
Qui guida ta jeunesse aux champs de l'Italie,
Oh! comme avec orgueil l'étoile de l'honneur
Une dernière fois brillerait sur ton cœur!

La révolution polonaise, sœur de la nôtre, devait avoir ses poëtes comme elle a eu ses héros. Mais le tems n'est plus où les poëtes soulevaient les peuples avec des chants, et je crains bien qu'en célébrant les funérailles de Kosciuzko, M. le comte DE LA GARDE n'ait, par une inspiration involontaire, célébré les funérailles de la Pologne. Le poëme, suivi de notes pleines d'intérêt, est écrit avec une élégance un peu froide; il semble cependant

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