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l'esprit du journal, c'étaient les négocians qui exploitaient l'opinion publique à la hausse, à la baisse, suivant toutes ses variations.

Le 25 juillet mit ce fait au grand jour.

Tandis que d'autres journaux donnaient l'exemple éclatant et périlleux de la résistance à la force inique et brutale, le Constitutionnel refusait de se joindre à leur énergique protestation. Bien plus, il reniait cet acte que l'histoire proclamera sublime; il reconnaissait la légitimité de la force; il s'agenouillait devant le parjure, et obtenait la permission de vivre, avec la honte de sa lâcheté.

Aussi, beaucoup d'hommes de talent, qui avaient consenti à prêter jusque-là au Constitutionnel le secours de leur plume, refusèrent-ils de s'associer plus long-tems à lui. Plusieurs de ceux qui sont restés avaient mis leur honneur à couvert, en signant, comme individus, la protestation du 27 juillet.

Cependant, le Constitutionnel s'est rallié avec éclat à la liberté victorieuse; il s'en proclame aujourd'hui le plus ferme appui, et s'efforce de prendre sa part des lauriers du triomphe, sans avoir couru les dangers du combat.

Toutefois, sa marche a quelque chose d'embarrassé e de contraint. Privé de ces principes immuables, qui o vent en toute circonstance leur application, il ne sait à qu système se rattacher. Il n'ose quitter ses vieilles habitus d'opposition, et s'allier franchement au pouvoir pas qu'il tremble de compromettre une fortune que se d'opposant, et de premier opposant, lui avait seulam Il perd de jour en jour dans les départemens une r qui depuis long-tems n'est plus comptée à Paris.

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Tel est l'état de ce malheureux pays. Ce système d'oppression, mis en pratique par Ferdinand, fut recueilli en héritage par son fils, qui en continua l'application avec la rigueur et la colère d'une mauvaise conscience: car ceux qu'il persécutait étaient ceux-là même dont il avait juré de soutenir la cause. Le roi actuel a été nourri dans ces doctrines. On parle de ses bonnes intentions; nous ne pouvons y croire.

Le royaume est obéré. La propriété gémit sous d'énormes impôts. Le commerce languit; l'industrie est nulle: à l'exception d'une garde urbaine, instrument du gouvernement, la population est désarmée par les lois les plus sévères; le mécontentement est partout. Toutes les lumières sont hors des affaires, et reléguées dans la vie domestique. On regrette la dynastie napoléonienne, et les tems de guerre d'alors entraînaient moins de charges et de maux que la paix actuelle. On se rappelle et l'on répète que la justice était rendue avec intégrité. Nulle part, en Italie, il n'existe plus de haine pour le régime actuel, ni peut-être une plus grande masse d'oppositions et de résistances sourdes (1). Dans les Calabres surtout, si maltraitées par la réaction de 1821, la fermentation est générale, et l'on les Calabrois sont courageux.

sait que

Le désastre de la dernière révolution a imprimé un profond découragement au cœur des Napolitains. L'Autriche est comme un épouvantail qui les glace : ils attendent tout de la France, qui semble appelée à être le modèle, l'appui des peuples opprimés.

(1) Nous avons vu, dans plusieurs solitudes, des bibliothèques composées d'ouvrages modernes prohibés avec le plus de sévérité. Nous avons connu des hommes qui se procurent à grands frais et à grands risques des journaux français indépendans, tels que la Revue Encyclopédique, que nous avons trouvée en divers lieux. Et cependant, la censure napolitaine n'est pas moins ombrageuse que celle du duc de Modène. La lecture d'un ouvrage à l'index est un acte de courage et de résistance.

La SICILE, privée de ses parlemens et de ses priviléges, est livrée au bon plaisir napolitain qui la gouverne par circulaires. Le vieux Ferdinand lui a bien jeté quelques lambeaux du Code Napoléon, mais mal appropriés à sa position, mal compris et mal interprétés; ce qui n'a fait que multiplier à l'infini le nombre des hommes de loi : c'est une lèpre qui ronge la Sicile. Les Siciliens et les Napolitains s'abhorrent, autant peut-être que les Lombards et les Autrichiens. C'est encore là un accouplement factice qui ne peut durer. Du reste, la Sicile nous semble en dehors du mouvement italien. L'Europe se réfléchit jusqu'à un certain point dans l'Italie; en Sicile, il en est autrement. Cette île semi-africaine forme le passage de l'Europe à l'Afrique. Ses intérêts sont concentrés sur elle-même; elle reste étrangère et indifférente aux choses du monde extérieur, et ne demande que ses vieux parlemens et ses anciennes franchises, dont Naples l'a dépouillée. On dit que le nouveau monarque vient de lui envoyer pour vice-roi un de ses frères mineurs, sous la tutelle du général Nunziante. Malheur à elle !

Comme Rome, Naples est trop éloignée du centre de ses États; mais ici, la mer remédie un peu à cet inconvénient. Sa population de quatre cent mille habitans en fait une capitale hors de proportion avec le reste du royaume, une tête de géant sur le corps d'un nain. En attirant à elle, pour ainsi dire, le suc de tous les membres, elle les épuise. La métropole méconnaît l'esprit des provinces; car elle a peu de rapports avec elles: et nous croyons que, dans un moment donné, on devrait moins compter sur les Napolitains de Naples que sur ceux de la province, parce que la province souffre plus que la capitale, et qu'il y a plus d'énergie et de courage.

Telle est, en résumé, la statistique morale des divers États d'Italie; c'est un croquis d'après nature. Nous laissons pour le moment au lecteur le soin de tirer ses conclusions; nous avons mis les pièces sous ses yeux. Du reste,

c'est un sujet sur lequel nous reviendrons. Nous avons étudié et parcouru l'Italie avec amour, et nous serions heureux de faire passer dans quelques âmes la profonde pitié que ses malheurs nous inspirent et l'immense intérêt que nous portons à son avenir. Nous regrettons d'avoir dû nous borner à l'esquisse incomplète et rapide d'un si vaste tableau; toutefois, si imparfaite qu'elle soit, elle peut présenter quelque intérêt. Dans un moment où la guerre est peut-être imminente, il paraît utile d'appeler l'attention sur les pays qui en seront le théâtre; car, dans notre opinion, le premier coup de canon tiré en Europe sera, pour l'Italie, la trompette de la résurrection.

On a pu voir, par ce qui précède, que deux principes règnent sur l'Italie, la France et l'Autriche. L'une est son bon, l'autre son mauvais génie. Il y a là-dessus unité de craintes, unité d'espérances, chez les Napolitains comme chez les Lombards. C'est là un lien commun qui, à défaut d'autre, pourrait servir de point de ralliement, de but central d'opérations et d'attaques.

Le moment décisif de l'Italie nous semble arrivé. Une occasion aussi favorable peut ne pas se représenter de tout un siècle. Le tocsin sonne ; la générale bat. En avant! Nous avons assisté, depuis dix ans, à de grands spectacles; mais nous sommes destinés à en voir un plus grand encore : le réveil des Italiens. La Pologne leur a donné l'exemple; c'est une nécessité pour eux de le suivre, sous peine de se perdre à jamais dans l'opinion du monde ; car leur position est mille fois plus favorable que celle des Polonais. Qu'ils n'attendent pas plus qu'eux qu'on leur apporte la liberté. Une liberté importée par l'étranger se paie toujours cher. Que la leur soit un fruit de leur sol natal mûri par leur soleil. Elle leur sera d'autant plus chère qu'ils l'auront conquise avec plus de peine, et qu'elle leur aura coûté plus de sang. Qu'ils se familiarisent avec l'idée de combattre seul à seul avec l'Autriche, et ne comptent pas trop sur l'assistance des autres peuples. S'ils ont une résolution forte et

REVUE DES JOURNAUX POLITIQUES, etc. Зог de l'unité dans leur résistance, ils peuvent se suffire. L'Angleterre ne serait pas leur alliée, car elle les craint; et quant à la France, le système faux, timide, incertain de son Cabinet, pourrait bien la jeter dans des embarras tels qu'elle n'aurait pas trop de toutes ses forces pour sa propre défense. Nous le répétons que les Italiens s'attendent à une lutte corps à corps avec l'ennemi commun et s'y préparent; mais qu'ils ne l'entreprennent qu'avec une volonté ferme; une demi-résolution leur serait funeste : car l'expérience de tous les peuples, de tous les âges, leur propre expérience prouve que toute tentative manquée d'une nation, pour renaître à l'indépendance, a pour résultat cer– tain de river plus fortement les fers qu'elle n'a pas su briser. CH. DIDIER.

REVUE DES JOURNAUX POLITIQUES DE PARIS.

La vie est rapide au siècle où nous sommes: les émotions s'y succèdent, les événemens s'y multiplient avec une vitesse inconnue aux générations qui nous ont précédés. Les révolutions politiques, qui pour elles se déroulaient lentement le long des siècles, se précipitent sous nos yeux, s'amoncèlent derrière nous, et laissent à peine à l'histoire le tems d'en prendre note pour les races qui nous rempla

ceront.

A une époque pareille, il faut renoncer aux longs travaux, aux tranquilles et profondes méditations. Pendant que vous bâtissez lentement votre ouvrage sur un sujet que vous croyez jeune, les peuples s'avancent; et lorsque vous leur apportez le fruit de veilles laborieuses, ils sont déjà bien loin, ils vous ont dépassé, ils ont oublié le sujet qui vous a préoccupé vingt ans, et vos vérités hardies, vos découvertes récentes sont pour eux des lieux communs et des vieilleries banales.

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