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III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

LIVRES ETRANGERS (1).

AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.

ÉTATS-UNIS.

105. * Essays on American silk, etc.- Essais sur la soie d'Amérique, et sur les meilleurs moyens de faire de cette matière une source de richesses publiques et privées; avec des directions pour les cultivateurs qui voudront élever des vers à soie par J. D'HOMERGUE, fabricant de soieries, et par G. DuPONCEAU, membre de la Société philosophique américaine, etc. Philadelphie, 1830. In-12 de 140 pages.

Nous avons déjà parlé de l'introduction du mûrier et des vers à soie aux États-Unis, du zèle de M. d'Homergue pour la propagation de cette industrie, de l'assistance efficace que M. Duponceau prête à notre jeune compatriote, des succès de leurs efforts réunis cet ouvrage peut être considéré comme un compte rendu des progrès de la nouvelle culture, provoqués par les vues nobles et généreuses de ces deux véritables amis de l'humanité. M. Duponceau est déjà bien connu par des ouvrages qui le recommandent au monde savant; quant à M. d'Homergue, il s'est peint lui-même dans cet ouvrage, publié partiellement dans la Gazette nationale des États-Unis, sous le même titre d'Essais sur la soie d'Amérique; M. Duponceau s'était chargé

(1) Nous indiquons par un astérisque (*) placé à côté du titre de chaque ouvrage, ceux des livres étrangers ou français qui paraissent dignes d'une attention particulière, et nous en rendrons quelquefois compte dans la section des Analyses.

d'être le truchement de notre compatriote, encore peu familier avec l'idiome anglais. « Quelques amis zélés pour mes intérêts. m'ont dit plus d'une fois : Défiez-vous des Américains! ils sont adroits, intelligens; quelques momens d'entretien avec vous leur suffiront pour qu'ils devinent votre secret. Des secrets! hélas ! je n'en ai point. Je possède un art que je voudrais communiquer amicalement à tous les Américains, hommes, femmes et enfans, si cela m'était possible. Le musicien a-t-il un secret pour exécuter les chefs-d'œuvre de son art? On voit le mouvement de ses doigts, on entend les sons de sa voix; mais, pour l'imiter, il faut de l'étude et de la pratique, eût-on les dispositions naturelles d'un Orphée. Il en est de même de l'art de tra vailler la soie; c'est en le pratiquant qu'on peut l'apprendre; toute autre instruction serait insuffisante. >>

Outre l'intérêt attaché à l'histoire d'un art, aux conquêtes qu'il fait dans le Nouveau-Monde, et que M. Duponceau nous fait connaître dans l'introduction à cet ouvrage, introduction qui porte le nom de Préface, mais qui doit être lue préalablement; outre les motifs généraux qui feront rechercher ce petit livre par tous les amis de l'industrie, son apparition est un avertissement pour le commerce et les manufactures de l'Europe : il ne tiendrait qu'aux gouvernemens de profiter du même avis, s'ils savaient écouter, et s'ils comprenaient leurs véritables intérêts. Ils veulent des sujets obéissans; ils redoutent l'esprit de liberté que l'industrie fait naître, qu'elle développe et qu'elle fortifie jusqu'au moment où sa voix commence à faire trembler le despotisme. Les persécutions religieuses répandirent les fabricans français dans toute l'Europe tolérante ; les persécutions politiques exilèrent en Amérique les arts de l'Europe au préjudice de l'ancien monde que les deux révolutions françaises n'auront pu rajeunir. Le tems approche où la soie, produite en abondance par l'Amérique, attirera dans ce continent les fabriques d'étoffes de cette matière ; alors l'Europe, bornée à sa consommation, verra tomber la moitié de ses propres manufactures.

L'instruction que contient cet ouvrage pour diriger l'éducation des vers à soie est un résumé clair, méthodique et suffisant de ce que l'on a écrit sur cette industrie. On y a joint une description dú devidage de la soie, extraite du Manuel publié par ordre du congrès, au nombre de 6000 exemplaires, ce qui n'avait produit que très-peu d'effet sur les cultivateurs améri

cains, jusqu'au moment où M. D'Homergue leur fit sentir une impulsion plus efficace, celle de l'exemple. On a joint à cette description un dessin du devidoir de Piémont, simplifié par M. JENSOUL, mécanicien Lyonnais. F.

106. * A connected view of the whole internal navigation of the United States,—Tableau de toute la navigation intérieure des États-Unis, naturelle et artificielle, actuellement existante et en projet, etc.; par un citoyen des États-Unis. Philadelphie, 1830; Carey et Lea. In-8° de 618 pages.

107. -* A Treatise on Rail Roads, and internal communications. Traité sur les routes en fer et à rainures en bois; revuc des moyens de communications intérieures, d'après les meilleures autorités, avec des notes et remarques originales; par Thomas EARLE. Philadelphie, 1830. In-8° de 120 pages.

108. -* Message of the President, in relation to the survey of a route for a canal, etc.— Message du président des ÉtatsUnis, concernant l'examen d'un projet de canal entre le golfe du Mexique et l'Océan atlantique. 28 février 1829.

Les nombreux et vastes cours d'eau qui arrosent en tout seus le continent de l'Amérique du nord indiquaient et favorisaient tellement un système de navigation intérieure, qu'on ne peut s'étonner de l'immense développement qu'il y a pris. On compte aujourd'hui aux États-Unis 103,202 milles et demi de canaux, rivières, etc., dont 16,397. 172 milles de cours d'eau artificiels, et 86,805 naturels. Il en résulte que la nature apporte au calcul total plus de cinq sixièmes, et ne laisse qu'un sixième à l'art. Des 16,397 milles de navigation artificielle, 10,742 sont en canaux, et 5,655 en rivières rendues navigables. L'Etat de la Nouvelle-Angleterre a pour sa part cinq canaux en construction ou qui viennent d'être terminés : celui de New-York autant l'état de New-Jersey un seul, le Morris canal de 101 milles et demi de long: la Pensylvanie 8, dont 5 achevés. Plus, les canaux de l'Ohio entrepris par l'État ; ceux de la Virginie, de la Caroline du Nord, du Kentucky, etc.; tous en grand nombre et en progrès. Si l'on joint à cela la liste de ceux qu'on a jugés nécessaires à la défense du pays en cas de guerre, on aura un résultat effrayant et presque fabuleux pour nous. Cependant ces lignes gigantesques de communication ne suffisent pas encore à l'activité industrielle et commerciale du Nouveau-Monde : l'amélioration les routes, les moyens de

diminuer le frottement, d'utiliser la vapeur, en un mot de mettre les voies de transport par terre au niveau de celles par eau, sous le rapport de la vitesse, du bon marché et de la sûreté, occupent les esprits, et sont en ce moment l'objet de savantes recherches aux États-Unis. Heureux le peuple qui n'a que de pareils problèmes à résoudre, qui, en paix au dehors, libre et tranquille au dedans, veille lui-même à sa prospérité, où chacun, apportant sa part au bien-être de tous, en jouit en commun! Quand ce tems-là viendra-t-il pour nous? Quand sortirons-nous des stériles débats d'une étroite politique ? Quand verrons-nous appliquer les théories qui pleuvent de toutes parts? Quand d'un dédale de mots sortira-t-il des faits? Le siècle est positif : il a violemment rompu avec les illusions. Que nos hommes d'État y prennent garde; tandis qu'ils parlent on agit. L'action qui était jadis dans les gouvernemens a passé dans les peuples. Il n'est plus de saison de dire : « Qu'ils chantent, ils paieront. La vie est dans les masses; délirantes, fiévreuses, inquiètes, elles s'irritent contre l'immobilité; elles débordent et dépassent tout ce qui ne les précède pas. Mais qu'ont de commun ces réflexions avec les paisibles travaux des Américains, leur richesse, leur puissant repos. Rien; et c'est précisément ce douloureux contraste qui les a inspirées.

Dans des tems plus heureux et plus calmes, on pourra consulter avec fruit les ouvrages annoncés en tête de cet article; ils contiennent beaucoup de renseignemens d'une haute importance, et d'une application qui semble facile. L. Sw. B. 109. * The Novels of Charles Brockden Brown.-OEuvres de Charles BROCKDEN BROWN. Boston, Goodrich. 7 vol. in-12.

1830;

La plupart des lecteurs français ne connaissent guère la littérature américaine que par les essais fleuris, polis, essentiellement raisonnables, de Geoffrey Crayon, autrement dit Washington Irving, qui tira d'un petit talent et d'un petit esprit tout le parti possible, et par la poésie extérieure et mobile de Cooper, créateur de ces sites pittoresques où il jette trop souvent des personnages si froidement extravagans, si nuls avec effort; peu d'hommes ont écrit avec plus d'insouciance et d'aplomb que ce dernier romancier, et peu ont été plus que lui tour-à-tour sublimes et bizarres. Ce sont pour nous les deux génies transcendans des États-Unis, les représentans du classicisme et du romantisme dans le Nouveau

Monde. Ceux qui les ont précédés sont non avenus, et cependant, il y a près de trente ans qu'un roman de Brown, traduit en français, je crois, par M. Pigault de Mont-Baillard, sous le titre de la famille Wieland, révéla un talent original et profond. Ce n'était pas le reflet des objets extérieurs, mais l'étude consciencieuse du cœur de l'homme, de ses mystérieuses frénésies, de ses mouvemens désordonnés. C'était de la métaphysique développée par des incidens terribles, par une croyance exaltée; une idée fixe dominant toute la vie, se rapprochant de la folie par ses actes, et conséquente dans ses raisonnemens. De même que les romans de Godwin, qu'ils ont précédés pour la plupart, ceux de Brockden Brown se refusent à toute analyse. Les détails en font seuls le mérite. C'est un acheminement progressif vers un but qu'on n'a pu prévoir, une sorte de fatalité logique à laquelle on ne peut échapper: une pensée ayant accès dans l'âme, s'y enracinant chaque jour davantage, d'abord spéculativement et en longues rêveries, puis, forte, arrivée à sa maturité, débordant sur l'existence, passant de la vie spéculative à la vie réelle, dévastant tout ce qui lui fait obstacle, avançant toujours en remorquant à sa suite l'homme qu'elle domine, et qui marche comme dans un rêve, faisant de lui sa dupe ou sa proie, le poussant au crime avec tout le délire de la vertu. Cette disposition qui fait les fanatiques en politique et en religion est admirablement comprise par l'auteur américain : il l'a reproduite deux fois, toujours avec une égale force. Dans Wieland, son héros, homme pieux, doux, bon mari et bon père, devient, par l'empire d'une préoccupation religieuse, l'assassin de sa femme et de ses enfans. Dans Ormond, un de ces jeunes et ardens rêveurs, tels que dut en enfanter la révolution de 89, et tels que nous en voyons aujourd'hui, veut abolir les institutions établies, pour reconstruire la société tout entière sur un nouveau plan. Il conspire à la fois contre toutes les religions, contre tous les gouvernemens. Il dévoue à cette œuvre de destruction ses richesses, ses talens; mais il a ses faiblesses; il est libertin, et meurt de la main d'une femme. La première donnée du caractère est très-remarquable: on ne peut en dire autant du développement. Il semblerait que le modèle a manqué à l'auteur. Il y a dans ce livre le germe d'un ouvrage de notre époque.

Arthur Mervyn et Edgar Huntley,ou les Mémoires d'un Som nambule, méritent aussi une mention particulière. Ils ont, de

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