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de leur chef, s'il n'existait pas d'héritier plus proche qu'eux. L'indignité produirait, ni plus ni moins, les effets d'une renonciation.

Mais si l'adoption ne peut jamais être révoquée, il est clair qu'elle peut être déclarée nulle comme ayant eu lieu en dehors des conditions de la loi. Ainsi, si l'on prouve que l'adoptant a présenté un faux acte de naissance et qu'il n'avait pas cinquante ans ; que l'adopté n'était pas majeur; que l'acte de consentement du conjoint de l'adoptant, ou des père et mère de l'adopté, était faux ; que la prétendue circonstance dans laquelle l'adopté avait, disait-on, sauvé la vie à l'adoptant, est controuvée; qu'un enfant légitime de l'adoptant était conçu au moment de l'adoption, etc.; dans ce cas, les personnes intéressées moralement ou pécuniairement à critiquer l'adoption, savoir : le conjoint de l'adoptant, les père et mère de l'adopté, celle des parties qui aurait été dans l'erreur, et les héritiers de l'adoptant, pourraient faire déclarer nulle l'adoption ainsi réalisée en violation de la loi. Ici, comme dans le cas de mariage, les personnes ayant intérêt moral pourraient agir à toute époque, tandis que les héritiers de l'adoptant ne le pourraient que quand leur intérêt serait né et actuel, c'est-à-dire après la mort de l'adoptant. Et puisque l'adoption est une pure fiction, une création du droit civil, une institution de faveur, toute exceptionnelle et permise en dehors des principes du droit naturel, il faut dire que, quand l'une des conditions exigées par la loi a manqué, l'adoption s'est trouvée impossible légalement; en sorte que, bien que réalisée en fait, elle est demeurée non avenue en droit et nulle de nullité proprement dite. Il suit de là que la nullité en pourra être proposée à toute époque et sans qu'aucune prescription puisse atteindre l'action des intéressés.

122. Les auteurs, sans présenter aussi complétement que nous venons de le faire les règles sur la nullité de l'adoption (car ils se contentent de parler de l'action en tant seulement qu'elle appartient aux héritiers de l'adoptant, et ne disent pas, même pour ceux-ci, combien de temps elle durerait), les auteurs, disons-nous, ne contestent aucune de ces règles; mais il s'en faut de beaucoup qu'ils soient d'accord sur la voie à suivre pour faire valoir cette nullité.

Les uns, notamment Toullier, enseignent que c'est par pourvoi en cassation qu'on doit proposer la nullité de l'adoption; d'autres veulent qu'on s'adresse à la cour même qui a rendu l'arrêt, en formant devant elle une action principale ; d'autres, qu'on saisisse cette cour au moyen de la requête civile (Č. pr., art. 480 et suiv.); d'autres, enfin, qu'on prenne la voie de tierce-opposition.

Selon nous, tous ces systèmes sont erronés; ils partent tous de cette idée fausse que, pour faire juger la nullité d'une adoption, c'est directement l'arrêt de la cour qu'il faut attaquer, et dès lors agir par l'une des voies offertes pour faire tomber l'autorité de la chose jugée. Mais n'est-ce pas là une erreur capitale ? Les jugements et arrêts rendus en matière d'adoption ne sont pas des sentences judiciaires; le mot y est, mais la chose n'y est pas. Qu'est-ce qu'un jugement ? une déci

sion terminant un débat, vidant une contestation; mais entre l'adoptant et l'adopté, il n'y a pas eu débat, contestation, procès enfin. L'adoption est un contrat, dont l'arrêt est l'homologation, la légalisation : l'arrêt n'est pas l'adoption, il n'en est que l'accessoire. Quand les tribunaux prononcent en matière d'adoption, ils ne terminent pas un procès, ils n'exercent pas leur juridiction contentieuse, mais une juridiction gracieuse et volontaire; ils ne jugent pas. L'adoption, ce n'est pas l'arrêt homologuant le contrat; c'est le contrat homologué par l'arrêt. Donc, quand j'attaque une adoption, je n'attaque pas un arrêt, j'attaque un contrat. Donc je dois agir par une action ordinaire devant le tribunal de première instance du domicile du défendeur, sauf appel à la cour dont ce tribunal dépend, absolument comme pour tous les autres contrats (1).

CHAPITRE II.

DE LA TUTELLE OFFICIEUSE (ET AUSSI DE L'ADOPTION TESTAMENtaire).

361. Tout individu âgé de plus de cinquante ans, et sans enfants ni descendants légitimes, qui voudra, durant la minorité d'un individu, se l'attacher par un titre légal, pourra devenir son tuteur officieux, en obtenant le consentement des père et mère de l'enfant, ou du survivant d'entre eux, ou, à leur défaut, d'un conseil de famille, ou enfin, si l'enfant n'a point de parents connus, en obtenant le consentement des administrateurs de l'hospice où il aura été recueilli, ou de la municipalité du lieu de sa résidence. 362. — Un époux ne peut devenir tuteur officieux qu'avec le consentement de l'autre conjoint.

363.-Le juge de paix du domicile de l'enfant dressera procèsverbal des demandes et consentements relatifs à la tutelle officieuse. 364. Cette tutelle ne pourra avoir lieu qu'au profit d'enfants âgés de moins de quinze ans.

Elle emportera avec soi, sans préjudice de toutes stipulations particulières, l'obligation de nourrir le pupille, de l'élever, de le mettre en état de gagner sa vie.

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365. Si le pupille a quelque bien, et s'il était antérieurement en tutelle, l'administratration de ses biens, comme celle de sa personne, passera au tuteur officieux, qui ne pourra néanmoins imputer les dépenses de l'éducation sur les revenus du pupille.

1.

11.

SOMMAIRE.

Rapport intime de la tutelle officieuse avec l'adoption.

En quoi consiste l'effet principal de la tutelle officieuse.

III. C'est toujours et uniquement quand la jouissance des biens de l'enfant n'ap

(1) Conf. Delvincourt (t. 1), Duranton (III-329), Demolombe (VI-193); Colmar, 21 juill. 1821; Cassat., 22 sept. 1825; Nancy, 13 juin 1826.

partient pas à son père ou à sa mère que leur administration passe au tuteur officieux.

IV. Quant à l'administration de la personne, elle lui appartient toujours.

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I. · 123. On sait que, dans la pensée du législateur, la tutelle officieuse a pour but de faciliter et de préparer l'adoption. Ceci explique pourquoi la loi demande pour cette tutelle plusieurs des conditions exigées pour l'adoption 4° l'âge de cinquante ans chez le tuteur; 2o l'absence de descendant légitime; 3° le consentement des père et mère de l'enfant (ou à leur défaut, du conseil de famille, de l'administration de l'hospice ou du conseil municipal, selon les cas); 4° le consentement du conjoint du tuteur. C'est pour cela aussi que l'enfant qu'il s'agit de prendre en tutelle officieuse doit avoir au plus quinze ans ; il faut qu'il puisse recevoir les soins du tuteur pendant six années de minorité.

II. 124. En outre de l'effet subsidiaire que la tutelle officieuse produit quant à l'administration des biens du pupille, elle a pour effet principal, aux termes du deuxième alinéa de l'art. 364, la double obligation imposée au tuteur 1° d'élever, nourrir et entretenir le pupille jusqu'à sa majorité; 2o de le mettre en état de fournir plus tard à ses besoins, soit en l'adoptant, soit en lui procurant une profession ou un métier par lesquels il puisse gagner sa vie.

Cette double obligation, dont le Code va s'occuper de nouveau et déduire les conséquences dans les art. 367 et 369, constitue l'objet indispensable du contrat de tutelle officieuse; la supprimer, ce serait anéantir le contrat lui-même. Donc, les stipulations particulières dont parlent l'art. 364 et ces art. 367 et 369, lesquelles auront souvent lieu Íors de l'établissement de la tutelle officieuse, ne pourraient pas avoir pour objet de décharger le tuteur de cette obligation, ou même de la diminuer; leur but sera seulement d'éviter toute contestation ultérieure en fixant à l'avance, au profit du pupille, des avantages qui remplacent ou dépassent l'effet de cette obligation imposée au tuteur par la loi même. Ainsi, le tuteur pourrait dire que, dans le cas où l'adoption n'aurait pas lieu, le pupille aurait, à partir de sa majorité, ou de la mort du tuteur arrivée avant cette majorité, une rente viagère de....., ou un capital de....., ou tel bien déterminé, etc.

III. 125. C'est au tuteur officieux qn'appartient l'administration des biens que peut avoir l'enfant ; mais seulement, dit l'art. 365, quand l'enfant était antérieurement en tutelle. Or, ces termes rendent mal la pensée de la loi : le tuteur pourrait avoir l'administration, bien que l'enfant n'eût pas été en tutelle antérieurement; et il pourrait réciproquement ne pas l'avoir quoiqu'une tutelle antérieure existât. En effet, l'adoption elle-même laissant l'enfant dans sa famille et ne pouvant nuire en rien aux droits des père et mère, il en sera ainsi à plus forte raison de la tutelle officieuse; or, l'un des droits du père pendant le mariage, et du survivant des père et mère après la dissolution du mariage, c'est d'administrer les biens de l'enfant dans leur propre intérêt et pour en garder les revenus (art. 348). Lors donc que l'un des

deux parents sera mort et que l'enfant se trouvera ainsi en tutelle (art. 390), l'existence de cette tutelle n'empêchera pas le survivant des époux de conserver son usufruit légal sur les biens de l'enfant, et par conséquent, le tuteur officieux ne prendrait pas alors l'administration de ces biens par les mots s'il était en tutelle, le Code veut dire s'il dépendait d'un tuteur qui ne fût que son tuteur, qui n'eût que les droits de tuteur, et qui ne fût pas en même temps son père ou sa mère. Maintenant, et réciproquement, par des circonstances exceptionnelles et qui ne se présentent guère que pour des enfants naturels, il pourrait se faire que l'enfant qui a perdu ou qui n'a jamais connu ses père et mère, n'eût pas de tuteur, parce que personne ne se serait occupé de lui en faire nommer un; il est bien clair, cependant, que ceci n'empêcherait pas le tuteur officieux de prendre l'administration des biens quand la jouissance de ces biens n'appartient pas au père ou à la mère de l'enfant.

Au reste, la tutelle officieuse emportant de plein droit obligation de nourrir et d'élever le pupille (art. 364), il s'ensuit que, dans le cas même où l'enfant aura des biens, ce n'est pas sur les revenus de ces biens, mais de ses propres deniers, que le tuteur devra payer les dépenses d'éducation. Donc, dans le cas même où le pupille a des biens non soumis à l'usufruit légal du père ou de la mère, le tuteur officieux, quoiqu'il se trouve ainsi chargé de la tutelle ordinaire, en même temps que de la tutelle officieuse, diffère cependant encore d'un simple tuteur ordinaire.

IV. 126. Quant à l'administration de la personne, remarquons qu'elle n'est pas attribuée au tuteur pour le cas seulement où l'enfant était déjà en tutelle; c'est seulement pour l'administration des biens que l'art. 365 exige cette condition. L'article signifie que dans ce cas l'administration des biens passera aussi au tuteur, avec l'administration de la personne, laquelle lui passe toujours. En effet, c'est précisément cette administration de la personne de l'enfant qui constitue la tutelle officieuse; c'est toujours au tuteur, d'après l'art. 364, de nourrir et d'élever le pupille; c'est par les soins qu'il lui donne qu'il peut étudier son caractère, voir s'il est digne de l'adoption, et se procurer ainsi, en continuant ces soins pendant six ans, l'une des conditions indispensables de cette adoption.

366. Si le tuteur officieux, après cinq ans révolus depuis la tutelle, et dans la prévoyance de son décès avant la majorité du pupille, lui confère l'adoption par acte testamentaire, cette disposition sera valable, pourvu que le tuteur officieux ne laisse point d'enfants légitimes.

tions.

SOMMAIRE.

I. Troisième et dernière espèce d'adoption. Elle n'est soumise qu'à trois condiII. Elle ne devient irrévocable que par l'acceptation de l'enfant arrivé à sa majorité; mais elle produirait alors les mêmes effets que l'adoption entre-vifs.

I. - 127. Cet article nous présente le troisième et dernier mode d'adoption, l'adoption testamentaire, que nous avons annoncée en commençant l'explication de ce titre. Cette adoption exceptionnelle n'est soumise qu'à trois conditions: 1° Que le testament ne soit fait qu'après cinq ans de tutelle officieuse; 2° que le tuteur meure avant la majorité de l'enfant ; 3° enfin, qu'il ne laisse pas d'enfant légitime en

mourant.

1o Et d'abord, le testament ne doit pas, malgré l'opinion contraire de M. Odilon-Barrot (Encycl., v° Adopt., n° 63), être écrit avant cinq ans de tutelle. S'il l'était après trois ou quatre années, il ne produirait pas son effet; quand même le tuteur ne mourrait qu'après ce délai, sans l'avoir révoqué : le texte de la loi est formel, et nous sommes ici dans une matière exceptionnelle, où les conditions exigées ne sauraient être mitigées par la doctrine. Cette rigueur a d'ailleurs une raison facile à comprendre. La loi veut que le tuteur n'adopte que l'enfant qui en est digne; elle craint qu'après un court délai, avant d'avoir connu suffisamment l'enfant, un tuteur ne fasse, par un mouvement peu réfléchi, un testament que plus tard il n'aurait pas le courage d'anéantir ou de modifier, quoiqu'il en regrettât peut-être les dispositions. La répugnance que bien des personnes éprouvent à s'occuper de rédiger leurs volontés dernières, les empêche quelquefois de changer des dispositions qu'elles ne feraient pas, si elles n'étaient écrites déjà (1).

2o La seconde condition exigée, c'est que l'adoption se réalise, c'està-dire que le testament produise son effet par la mort du tuteur, pendant la minorité de l'enfant : c'est seulement dans la prévoyance de son décès avant la majorité du pupille que le tuteur, aux termes de notre article, peut l'adopter par acte testamentaire. C'est qu'en effet, ce mode tout privilégié n'est permis que quand le mode ordinaire est impossible, et si l'enfant devient majeur avant la mort du tuteur, c'est par ce mode ordinaire que l'adoption doit se faire, comme le dit positivement l'art. 368.

Mais il faut entendre cette condition de minorité du pupille d'une manière raisonnahle. La pensée de la loi, en autorisant l'adoption testamentaire, c'est de faire qu'après cinq ans de tutelle officieuse, le tuteur ne soit jamais dans l'impossibilité d'adopter l'enfant auquel il a donné ses soins dans ce but. Donc l'adoption testamentaire ne restera sans effet que quand il se sera écoulé, entre la majorité de l'enfant et la mort du tuteur, un délai suffisant pour réaliser l'adoption ordinaire. Ce délai, qui n'est pas précisé par la loi, devra être apprécié par les tribunaux d'après les circonstances dans lesquelles se sont trouvées les parties (Conf., Demolombe, VI-75).

30 Il faut enfin, que le testateur ne laisse en mourant aucun descen dant légitime. Il importerait peu qu'il en eût au moment qu'il écrit le

(1) Duranton (111-304), Demante (Thémis, VII, p. 149), Zachariæ (IV, p. 26), Valette (II, p. 270), Demolombe (V1-73).

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