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des héritiers. La nécessité où seront souvent les héritiers de se faire renseigner sur des faits que le mari, lui, connaissait personnellement, fait assez comprendre pourquoi on leur accorde toujours deux mois au lieu d'un. Au surplus, comme c'est là un délai préfix qui ne constitue point une prescription, il courrait contre les héritiers mineurs aussi bien que contre des majeurs.

Du reste, dans ce délai d'un ou de deux mois, il n'est pas nécessaire d'intenter l'action en justice, d'assigner l'enfant devant le tribunal; il suffit de lui signifier un acte extrajudiciaire par lequel on déclare ne pas reconnaître la paternité du mari. C'est ce que va nous dire l'article suivant, qui, à partir de cet acte, donne un nouveau délai d'un mois pour intenter l'action.

21. Quoique l'art. 317 se serve, par rapport aux héritiers, des expressions contester la légitimité, il n'en est pas moins évident que c'est là, pour eux, comme pour le mari, un véritable désaveu. Il n'y a d'ailleurs rien de contraire à induire de ces expressions, puisque, comme nous l'avons dit, le désaveu est une des espèces de contestations de légitimité. Aussi, l'article suivant va-t-il nous parler du désaveu formé par le mari ou ses héritiers.

318. Tout acte extrajudiciaire contenant le désaveu de la part du mari ou de ses héritiers, sera comme non avenu, s'il n'est suivi, dans le délai d'un mois, d'une action en justice, dirigée contre un tuteur ad hoc donné à l'enfant, et en présence de sa mère.

22. La loi, statuant, ici comme toujours, de eo quod plerumque fit, suppose que l'action est intentee contre l'enfant encore mineur, et du vivant de la mère. C'est alors contre un tuteur douné ad hoc à l'enfant que l'action doit être dirigée; et comme la loi n'a pas dit que ce tuteur, par exception aux principes ordinaires, dût être nommé par le tribunal, c'est par un conseil de famille qu'il devra l'être, conformément aux art. 405 et suivants. Seulement, comme la paternité du mari,⚫ et dès lors la parenté paternelle de l'enfant, sont précisément en question, et que, d'ailleurs, ceux qui seraient les parents paternels s'il y avait légitimité, sont les adversaires de l'enfant, il n'y aura pas lieu de suivre la règle de l'art. 407, qui veut que le conseil, dans les cas ordinaires, se compose des plus proches parents des deux lignes; tous les membres seront donc des parents maternels cu des amis.

Si c'est contre un enfant majeur que l'action est intentée, soit par les héritiers du mari, soit par le mari lui-même après une longue absence, ou une naissance longtemps iguorée de lui, il est clair que le désaveu sera dirigé contre l'enfant lui-même. Mais, dans ce cas même, la mère, si elle vit encore, doit être mise en cause; il n'y a aucune raison de modifier, pour cette circonstance, la règle finale de notre article. Quoiqu'elle ne soit pas précisément partie dans le procès en désaveu, la mère a cependant un immense intérêt moral dans le débat,

lequel met son honneur en question; or cet intérêt est le même que l'enfant soit mineur ou majeur.

CHAPITRE II.

DES PREUVES DE LA FILIATION DES ENFANTS Légitimes.

25. L'intitulé de ce chapitre demande quelques développements et exige l'indication ou le rappel de quelques idées dont il est important de se pénétrer.

Il ne s'agit pas, dans ce chapitre, des preuves de la légitimité d'un enfant, mais seulement des preuves de sa filiation: c'est-à-dire du point unique de savoir quel est son père et quelle est sa mère. Or, la preuve du père et de la mère ne constitue pas, pour l'enfant se disant légitime, une preuve de sa légitimité; elle n'en est qu'une partie, puisque, après cette preuve faite, il lui faut encore établir 1° que ce père et cette mère ont été mariés, et 2o qu'ils l'étaient au moment qu'il a été conçu, ou, tout au moins, au moment où il est né. Nous avons vu 1o par l'explication des art. 194 à 200, les quatre moyens par lesquels cet enfant peut établir à son profit la célébration du mariage de ses père et mère (sauf aux adversaires à prouver la non-existence légale, ou la non-validité de l'union célébrée); nous avons vu 2o sous l'art. 312, dans notre titre même, par quelle présomption la loi tire, du fait de l'accouchement de la femme mariée ou veuve, la conséquence de la conception dans le mariage; quant à la naissance dans ce mariage, elle est toujours facile à établir directement. Eh bien, c'est uniquement pour le troisième objet non expliqué jusqu'ici, pour le point de savoir quels sont les père et mère, que notre chapitre va nous dire quels moyens de preuve sont admis par la loi.

Ainsi, la preuve de la légitimité se compose de la réunion des trois preuves, 1o de la filiation, c'est-à-dire des père et mère; 2o du mariage de ces père et mère; 3o de la conception ou de la naissance dans ce mariage. Or, c'est seulement de la première qu'il s'agit ici.

24. Nous disons qu'il s'agit de la première de ces trois preuves. Car ce n'est pas de toute filiation que le chapitre s'occupe, mais seulement de la filiation considérée comme un des éléments de la preuve de légitimité, de la filiation de l'enfant qui veut arriver à se prouver légitime, laquelle ne s'établit pas de la même manière que la filiation de l'enfant naturel. Aussi, notre chapitre est-il intitulé De la preuve de la filiation des enfants légitimes. Au reste, l'enfant ne pouvant pas évidemment être dit légitime, alors que sa filiation même est encore en question, on conçoit qu'il y aurait cercle vicieux à prendre cet intitulé à la lettre, et que, pour être complétement, logique pour exprimer nettement toute la pensée de la loi, il faudrait dire: Des preuves de la filiation des enfants qui se prétendent légitimes.

Ainsi, n'oublions pas que notre rubrique signifie : Des moyens offerts aux enfants se disant légitimes pour prouver quels sont leurs père et mère.

25. L'enfant qui prétend droit à la légitimité a trois moyens, subsidiaires l'un à l'autre, d'établir sa filiation: 4o l'acte dressé à cet effet; 2o la possession de l'état qu'il réclame; 3o la preuve testimoniale.

Chacune de ces trois preuves, quand elle est seule, est susceptible d'être combattue par des preuves contraires. Il n'en est plus de même quand les deux premières se trouvent réunies : l'enfant qui joint, à l'acte indiquant sa filiation légitime, une possession constante de son état d'enfant légitime, est à l'abri de toute espèce d'attaque.

319. La filiation des enfants légitimes se prouve par les actes de naissance inscrits sur les registres de l'état civil.

SOMMAIRE.

I. Premier moyen de prouver la filiation légitime. C'est le titre, lequel consiste dans l'acte de naissance.

11. Ce titre se constitue par la seule indication de la mère; peu importe que celle du père soit fausse ou n'existe pas.-Force probante de l'acte par lui seul, quan t à chacune de ses indications.

III. Force probante de l'acte accompagné de la possession d'état d'enfant légitime.

I. - 26. La loi nous indique ici le premier et principal moyen de prouver la filiation légitime; c'est l'acte dressé pour cet objet, et qui n'est autre que l'acte de naissance lui-même. Cet acte est donc tout à la fois, quand il s'agit d'enfants légitimes ou prétendus légitimes, acte de naissance et acte de filiation. C'est parce que l'acte, dans ce cas, a pour objet de prouver, et 4° la naissance, c'est-à-dire quels sout le sexe de l'enfant, l'epoque et le lieu de sa naissance; puis 2o sa filiation, c'est-àdire quels sont ses père et mère; c'est pour cela qu'antérieurement nous avons dit que, quand l'acte de naissance d'un enfant légitime n'indique pas sa filiation, il y a lieu, au profit de cet enfant, non pas à un acte de reconnaissance, mais à une demande en rectification de l'acte incomplet. ( Voy. art. 62, no III ).

Il faut, nous dit l'article, un acte de naissance inscrit sur le registre de l'état civil. C'est qu'en effet l'acte rédigé partout ailleurs, par exemple, sur une feuille volante, ne constitue pas, ainsi qu'on l'a vu déja, un acte d'état civil. L'enfant, dans ce cas de rédaction faite partout ailleurs que sur le registre, ne pourrait donc que recourir à l'um des deux moyens subsidiaires qui vont être indiqués par les articles

suivants.

II. - 27. Mais, dès que l'acte est inscrit sur le registre, il fait preuve, par lui seul, de la filiation légitime qu'il indique; non pas, bien entendu, une preuve invincible, mais une preuve qui tiendrait jusqu'à ce qu'une preuve plus forte vint la renverser. Cette preuve plus forte devrait, du reste, être faite d'après des règles plus ou moins sévères, selon l'objet contre lequel elle porterait. Ainsi, s'il s'agissait, l'indication de la mère étant reconnue vraie, de renverser l'indication du père; comme cette dernière n'est dans l'acte de naissance que la répétition et la mise par écrit de la règle, déjà existante de plein droit,

que l'enfant conçu ou né d'une femme mariée a pour père le mari, il s'ensuit que cette indication ne pourrait être prouvée fausse, pour l'enfant conçu en mariage, qu'au moyen d'un desaveu admis, conformément aux art. 312 et 313, sur la justification de l'impossibilité physique de cohabitation, ou bien de l'impossibilité morale accompagnée de la preuve ded'adultère et du recel de la naissance, ou enfin des conditions indiquées par la loi de 1850 pour le cas de séparation de corps. Que si l'enfant était, non pas conçu, mais seulement né dans le mariage, le désaveu, comme on le sait, résulterait d'une simple dénégation, sauf les cas où il n'est plus possible: le tout conformément à l'art. 314. On voit par là que l'indication du père dans l'acte se trouve, en définitive, insignifiante, et que son absence laisserait exactement les choses dans le même état, puisque cette indication découle, de plein droit, de la présomption légale, par cela seul que la mère est une femme mariée. Par exemple, l'enfant qui aurait un acte de naissance le déclarant fils de Marie Duvernet (laquelle est épouse de Jules Lefebvre) et d'un père inconnu, se trouverait exactement dans la même position que si cet acte disait : Né de Marie Duvernet et de Jules Lefebvre, son époux, il en serait de même encore que l'acte dît : Né de Marie Duvernet, femme non mariée, ou épouse de Louis Thillard : dans tous les cas possibles, du moment qu'il est constant d'une part, par l'acte de naissance non critiqué sous ce rapport, que l'enfant est le fils de Marie Duvernet, et qu'il est constaté d'ailleurs que, lors de la conception ou au moins de la naissance de cet enfant, Marie Duvernet était mariée à Jules Lefebvre, tout le reste est insignifiant, et la présomption légale pater is est ressortant forcément de ces deux éléments, il s'ensuit, jusqu'à l'admission d'un désaveu, que l'enfant est le fils légitime des deux époux.

C'est donc seulement quand l'enfant été inscrit tout à fait sous de faux noms, c'est-à-dire quant à la mère aussi bien que quant au père, ou quand il l'a été comme né de père ET MÈRE inconnus, que son acte de naissance n'a plus de force pour lui et qu'il doit recourir à la possession d'état, ou, à son défaut, à la preuve testimoniale. C'est aussi ce que dit l'art. 323. Ou plutôt, c'est quant à la mère seulement que cette dernière règle peut s'appliquer, et cet art. 323 a tort de s'occuper et de la mère et du père; car, puisqu'en définitive l'indication du père est complétement surabondante, et qu'au moyen de la règle pater is est, c'est l'indication de la mère qui constitue à elle seule le titre de l'enfant conçu ou né en mariage, il s'ensuit que l'enfant se trouvera véritablement sans acte de filiation, quand il sera inscrit sous de faux noms quant à sa mère, ou comme né d'une mère inconnue, alors même que le père serait indiqué.

Que si, maintenant, c'est l'indication même de la mère, c'est-à-dire ce qui constitue l'essence de l'acte de filiation, que l'on conteste, l'acte, quant à elle, a, ni plus ni moins, la force ordinaire de tous les actes de l'état civil: c'est-à-dire qu'il prouve jusqu'à inscription de faux les faits attestés par l'officier public lui-même, savoir qu'un enfant de tel sexe lui a été présenté à telle époque, comme né de telle femme, et a

reçu tels noms et prénoms; et au contraire, jusqu'à preuve ordinaire, les faits qui ne sont attestés que par les déclarants, savoir que l'enfant était bien né de cette femme (Voy. art. 45, no IV). Ainsi, quand un acte de naissance constate qu'un enfant mâle a été présenté à telle époque à l'officier civil, comme né de Marie Duvernet, et qu'il a reçu le nom de Victor, on ne pourrait prouver que par l'inscription de faux que cette présentation et ces déclarations n'ont pas eu lieu; mais on pourrait très-bien prouver par tous les moyens que Marie Duvernet n'a point eu d'enfant à l'époque dont il s'agit, ou que c'est d'une fille qu'elle est accouchée, et que dès lors c'est par une déclaration mensongère qu'un enfant mâle a été présenté comme son fils. Tant que cette preuve contraire ne sera point faite, il restera établi que Marie Duvernet est vraiment accouchée d'un enfant mâle à l'époque relatée dans l'acte.

Mais on conçoit de reste qu'il ne suffit pas qu'un acte de naissance constate qu'un enfant mâle, nommé Victor, est né, à cette époque, de Marie Duvernet, pour que le premier venu, qui se trouve sans position dans la société, prétende avec succès qu'il est ce Victor Duvernet et que cet acte est le sien. Pour qu'un enfant puisse s'appliquer l'acte et en déduire les conséquences à son profit, il faut qu'il soit prouvé qu'il est bien celui dont la femme est accouchée; or, c'est à lui de prouver l'identité, à moins, bien entendu, qu'il ne soit en possession de l'état d'enfant de Marie Duvernet. Dans ce cas, il n'a plus aucune preuve à faire; ce serait à ses adversaires de prouver que cette possession est mal fondée.

III.-28. Dans toute l'explication de cet article, nous avons supposé, avec la loi elle-même, qu'il s'agit de l'acte seul ou accompagné, tout au plus, de la possession d'état d'enfant de la mère, mais non pas de l'acte accompagné de la possession complète de l'état d'enfant légitime. Dans ce dernier cas, en effet, ainsi que nous le prouvera l'art. 322, aucune preuve contraire ne serait admissible.

Une dernière observation importante à faire, c'est que, quand l'enfant, inscrit aux registres de l'état civil comme né d'une femme qui était mariée au moment de sa conception ou de sa naissance, a vu briser, par l'admission d'un désaveu, la paternité légitime qui résultait pour lui de la règle pater is est, l'acte de naissance n'en reste pas moins, pour cet enfant, une preuve de la maternité de la femme à laquelle il est attribué : il est enfant adultérin, s'il a été conçu pendant le mariage; s'il y est seulement né, il est eufant naturel simple. Il ne faudrait pas croire, en effet, que cet enfant tombant au rang de non légitime, il se trouve déchu des moyens de preuve admis pour lui, dans l'espérance de la légitimité, et ne peut plus dès lors prouver sa filiation que par un acte de reconnaissance, comme les enfants naturels ordinaires Car, ainsi que nous l'avons dit, ce n'est pas seulement pour les enfants qui sont légitimes que les preuves de notre chapitre sont organisées; c'est pour tous ceux qui, jusqu'à la preuve du contraire, peuvent se prétendre légitimes, c'est-à-dire pour tous ceux qui

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