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tribunal domestique, il ne forme cependant pas un premier degré de juridiction, et la sentence rendue sur la réclamation par le tribunal de première instance est toujours susceptible d'appel (art. 448).

TITRE XI.

DE LA MAJORIté, de l'interdiction et du CONSEIL JUDICIAIRE.

(Décrété le 29 mars 1803.- Promulgué le 8 avril.)

306. La loi, dans ce titre, en continuant de suivre les personnes après la cessation de leur minorité, arrive à déterminer quels individus sont majeurs (chap. 1, de la Majorité); et, sans entrer, quant à ces majeurs, dans un détail de règles inutiles à indiquer ici (puisque la majorité nous place dans le droit commun), elle s'occupe de régler l'incapacité plus ou moins complète dont elle croit devoir les frapper exceptionnellement, soit pour l'absence ou la faiblesse des facultés intellectuelles, soit pour un funeste penchant à de folles dépenses (chap. 2, de l'Interdiction; et chap. 3 du Conseil judiciaire).

488.

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CHAPITRE PREMIER.

DE LA MAJORITÉ.

La majorité est fixée à vingt-un ans accomplis; à cet âge on est capable de tous les actes de la vie civile, sauf la restriction portée au titre du Mariage.

307. Cet article a été expliqué en même temps que l'art. 388. La restriction qu'il rappelle pour le cas de mariage existe aussi pour le cas d'adoption (art. 346).

CHAPITRE II.

DE L'INTERDICTION.

308. La loi ne s'occupe ici que de l'interdiction judiciaire, prononcée par les tribunaux civils. Nous savous qu'il existe en outre une interdiction légale, qui a lieu de plein droit, par suite de toute condamnation à l'une des trois peines afflictives et infamantes n'emportant pas mort civile, savoir : les travaux forcés à temps, la détention et la réclusion. Cette interdiction légale, comme l'interdiction judiciaire, donne lieu à la formation d'un conseil de famille, et à la nomination d'un tuteur et d'un subrogé tuteur; elle produit aussi les autres effets de l'interdiction judiciaire, sauf les différences que nous indiquerons à la fin de ce chapitre (C. pénal, art. 28).

Quant à l'interdiction, légale aussi, qui résulte, pendant les cinq années de grâce, de la condamnation par contumace à une peine emportant mort civile, on sait que c'est à la régie des domaines qu'elle confie l'administration des biens de l'interdit.

489. Le majeur qui est dans un état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides.

309. Trois causes seulement permettent l'interdiction judiciaire d'un individu, et ces trois causes se réduisent à une, la privation des facultes intellectuelles. En effet, l'imbécillité est l'état d'un esprit qui n'a pas la force de concevoir; elle provient d'une organisation incomplète ou usée. La démence est l'état d'une intelligence qui conçoit, et conçoit ordinairement beaucoup, mais qui n'a que des conceptions déréglées; elle provient du dérangement de l'organisation. Enfin, la fureur n'est que la demence elle-même, en tant qu'elle porte à des actes dangereux et violents. La démence se nomme communément folie; et la fureur, folie furieuse ou méchante.

Quoique notre article ne parle que des majeurs (parce qu'il s'occupe de eo quod plerumque fit), il peut également s'appliquer aux mineurs émancipés et même aux mineurs non émancipés, si cette mesure était nécessaire. Remarquons d'abord que l'interdiction d'un mineur non émancipé ne serait pas sans effet, comme on pourrait le croire au premier coup d'oeil: le pupille, avec le consentement de certaines personnes, peut se marier, et après seize ans il peut faire son testament; or, l'interdiction lui enlèverait ces droits. Aussi, l'orateur du Gouvernement devant le Corps législatif disait il : Il peut arriver qu'une personne soit en tutelle lors de son interdiction, alors, etc. (Fenet, t. X, p. 712). Et c'est pour cela que le Conseil d'État, a rejeté un article du projet qui portait : « La provocation en interdiction n'est point admise contre les mineurs non émancipés, elle l'est contre les mineurs émancipés » (Ibid., t. II, p. 96, art. 39).

490. Tout parent est recevable à provoquer l'interdiction de son parent. Il en est de même de l'un des époux à l'égard de l'autre.

310 On comprend que si c'est une femme qui demande l'interdiction de son mari, elle doit, avant d'agir, se faire autoriser par la justice (art. 215). Elle aurait également besoin de l'autorisation, soit de son mari, soit de la justice. pour defendre à la demande dirigée contre elle par un autre que son mari.

491.

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Dans le cas de fureur, si l'interdiction n'est provoquée ni par l'époux ni par les parents, elle doit l'être par le procureur de la République, qui, dans le cas d'imbecillité ou de démence, peut

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aussi la provoquer contre un individu qui n'a ni époux, ni épouse, ni parents connus.

311. Dans les cas d'imbécillité et de démence, il y a pour le ministère public, simple faculté d'agir; et encore cette faculté n'existe qu'autant qu'il n'y a ni conjoints ni parents. Dans le cas de fureur, au contraire, comme alors la sûreté publique est compromise il y a pour lui devoir de provoquer l'interdiction, malgré l'existence de parents et d'un époux qui négligent de le faire.

312. Il est évident que nul ne pourrait, par convention, se mettre dans un état d'interdiction; l'état des personnes ne dépend pas de la volonté privée, et un pareil contrat serait nul comme contraire aux bonnes mœurs (Cassat. 7 septembre 1808).

Mais faut-il en conclure, avec Merlin (Rép., vo Interdict. § 3), M. Duranton (III-724) et M. Zachariæ (1, p. 253), qu'un individu ne pourrait pas provoquer lui-même son interdiction?... Évidemment non. Qu'y a-t-il de commun entre s'interdire soi-même et prier l'autorité compétente d'examiner s'il y a lieu à l'interdiction? Où voit-on l'ombre d'une immoralité dans le fait d'un malheureux qui, privé de parents qui provoquent l'action du tribunal, profite d'un intervalle lucide pour demander d'être garapti contre sa propre incapacité? Lorsqu'en 1808, l'Italien Benoit Galli fit la sottise d'aller s'interdire par acte notarié, et que le tribunal de Parme commit l'incroyable abus de déclarer un tel acte valable, la Cour suprême dut casser un tel jugement: attendu (c'est son motif unique) qu'on ne peut déroger par convention aux lois qui règlent l'état des citoyens ; mais si c'eût éte le tribunal qui eût prononcé l'interdiction après l'examen voulu, où eût été l'unmoralité? Aussi, malgré l'insistance de M. le procureur général Merlin, la Cour se garda bien de déclarer qu'on ne pouvait provoquer soi-même son interdiction.

Il est bien vrai que la loi ne classe pas l'interdit parmi les personnes qui peuvent agir; mais c'est qu'il n'arrivera presque jamais qu'un pauvre fou, dans ses intervalles lucides, ait assez de philosophie pour ne pas rougir de son malheur : De eo quod plerumque fit statuit lex. Mais si mon frère ou mon cousin, par le seul intérêt qu'ils out comme pouvant hériter de moi, ont la faculté de me faire mettre à l'abri des dangers que je cours, comment ne le pourrais-je pas moi-même, quand je n'ai aucun parent ou que mes parents ne s'occupent pas de moi ? Le jugement de Parme avait violé de la manière la plus complète les art. 6, 492, 493, 494, etc.; notre doctrine ne blesse aucune disposition du Code.

492. Toute demande en interdiction sera portée devant le tribunal de première instance.

493. Les faits d'imbécillité, de démence ou de fureur, seront articulés par écrits. Ceux qui poursuivront l'interdiction, présenteront les témoins et les pièces.

313. C'est devant le tribunal du lieu où est domiciliée la personne à interdire que l'action se porte, et c'est dans la requête présentée au président que le poursuivant doit articuler (c'est-à-dire préciser article par article) les faits d'imbécillité, de démence ou de fureur, et indiquer les témoins qui peuvent en déposer. Il doit joindre à cette requête les différents actes qui pourraient être de nature à justifier de ces faits (C. pr., art. 890).

494. Le tribunal ordonnera que le conseil de famille, formé selon le mode déterminé a la section 4 du chapitre 2 du titre de la Minorité, de la Tutelle et de l'Emancipation, donne son avis sur l'état de la personne dont l'interdiction est demandée.

314. Le tribunal peut fort bien, avant même de consulter la famille, rejeter la demande, soit comme formee irrégulièrement (par un simple allié, par exemple), soit comme lui paraissant mal fondée. La raison seule le voudrait ainsi; mais en outre, d'après l'art. 892, C. pr., le tribunal n'est tenu d'ordonner la convocation du conseil de famille dont parle notre article, qu'autant que le rapport fait par l'un des juges l'a éclairé sur la valeur de la demande, sur l'importance suffisante des faits articulés.

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495. Ceux qui auront provoqué l'interdiction ne pourront faire partie du conseil de famille; cependant l'époux ou l'épouse et les enfants de la personne dont l'interdiction sera provoquée pourront y être admis, saus y avoir voix délibérative.

315. Le conseil dont il s'agit ici se compose des six plus proches parents ou alliés comme en cas de minorité; sauf que le conjoint, dont il ne pouvait pas être question dans ce dernier cas, doit y être appelé avant tous autres. Il y a exception à cette règle de composition pour ceux qui ont provoque l'interdiction; ils en sont écartés, et avec raison, parce qu'il est à craindre que, pour soutenir leur idée première, ils ne votent dans le sens de leur demande, alors même qu'ils la verraient mal fondée.

Cependant, quand la provocation part du conjoint ou des enfants, ceux-ci sont également admis au couseil, mais sans y avoir voix délibérative; l'importance des renseignements qu'ils ont à douner ne permet pas de les exclure.

Et puisque le conjoint et les enfants se trouvent avoir pour l'entrée au conseil un droit plus fort que celui des autres parents, il est clair qu'ils y seront appelés avec voix délibérative, quand la provocation ne viendra pas d'eux. En vain dirait-on, comme Toullier (II-1322), qu'il y a quelque chose d'immoral à voir un conjoint et des enfants voter l'interdiction de leur époux et de leur père; car il n'y a rien d'immoral à voter, mà provoquer une mesure qui est toute de protection pour le malade; aussi, la provocation même, beaucoup plus grave

que le simple avis, est regardée par la loi comme un devoir imposé aux personnes ayant le droit d'agir, et de l'inaccomplissement duquel elle les punit dans l'art. 504. D'ailleurs, ceux qui admettraient cette idée fausse d'immoralité, doivent voir une immoralité plus grande encore dans le fait d'un enfant qui provoque l'interdiction de son père; or, la provocation lui est permise, le simple vote doit donc l'être à fortiori. Enfin (et ceci arrête toute discussion), la défense de voter, pour les enfants et le conjoint, était écrite dans le projet (Fenet, t. III. p. 91, art. 10), et elle a été rejetée au Conseil d'Etat; plus tard, le Tribunat a demandé positivement cette même défense (ibid., t. X, p. 698), et cette demande a été rejetée une seconde fois. L'opinion de Toullier est donc une erreur certaine (1).

496. Après avoir reçu l'avis du conseil de famille, le tribunal interrogera le défendeur à la chambre du conseil : s'il ne peut s'y présenter, il sera interrogé dans sa demeure, par l'un des juges ce commis, assisté du greffier. Dans tous les cas, le procureur de la République sera présent à l'interrogatoire.

497. Après le premier interrogatoire, le tribunal commettra, s'il y a lieu, un administrateur provisoire, pour prendre soin de la personne et des biens du défendeur.

316. Cet administrateur provisoire n'ayant pas la qualité de tuteur, ne pourrait faire que les actes de pure administration et ne serait pas soumis à l'hypothèque légale.

498. Le jugement sur une demande en interdiction, ne pourra être rendu qu'à l'audience publique, les parties entendues ou appelées.

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499. En rejetant la demande en interdiction, le tribunal pourra néanmoins, si les circonstances l'exigent, ordonner que le défendeur ne pourra désormais plaider, transiger, emprunter, recevoir un capital mobilier, ni en donner décharge, aliéner, ni grever ses biens d'hypothèques, sans l'assistance d'un conseil qui lui sera nommé par le même jugement.

317. Lorsque l'imbécillité et la démence, quoique réelles, n'existent cependant pas à un degré assez haut pour motiver une interdiction, le tribunal peut, en rejetant la demande d'interdiction, placer le dé fendeur sous l'assistance d'un conseil judiciaire dont le concours lui sera nécessaire pour tous les actes autres que ceux de pure administration. Et ce n'est pas seulement pour le défaut de raison que le tribu

(1) Conf. Duvergier (sur Toull.); Dijon, 22 août 1829; Rejet, 13 mars 1833, Rouen, 30 nov. 1836 (Dev., 33, 1, 527; 37, 2, 88).

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