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sont conçus ou nés en mariage. Et en effet, la procédure de désaveu, loin de faire évanouir, ou seulement d'atténuer la preuve de la maternité, vient, au contraire, la rendre plus éclatante et la corroborer, puisqu'il a fallu une action difficile à admettre pour briser la présomption de paternité que cette preuve de maternité engendrait par sa seule énergie. Aussi le chap. III de notre titre ne s'occupe-t-il que des enfants nés hors mariage, comme le prouvent les art. 331 et 337, et tout l'ensemble du chapitre. Les preuves de notre chap. Il s'appliquent donc à tous les cas où il y a mariage, alors même que ce mariage viendrait à être annulé.

320. A défaut de ce titre, la possession constante de l'état d'enfant légitime suffit.

321. La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend appartenir. Les principaux de ces faits sont,

Que l'individu a toujours porté le nom du père auquel il prétend appartenir;

Que le père l'a traité comme son enfant, et a pourvu, en cette qualité, à son éducation, à son entretien et à son établissement ; Qu'il a été reconnu constamment pour tel dans la société ; Qu'il a été reconnu pour tel par la famille.

1.

SOMMAIRE.

Deuxième moyen de preuve. Quand cette preuve par possession d'état est-elle possible? - Elle doit porter directement sur le père comme sur la mère.

II. C'est à l'enfant de prouver sa possession, et ses adversaires peuvent en combattre la preuve. Ils peuvent aussi, quand la possession est avouée ou prouvée, en combattre les conséquences.

I. - 29. Lorsque l'enfant qui se dit issu de tel mariage n'a pas de titre à présenter, il peut prouver sa filiation par la possession constante de l'état d'enfant légitime des deux époux; c'est-à-dire, qu'au lieu de prouver qu'il est le fils de ces époux, il lui suffit de prouver qu'il passe pour l'être.

Peu importe comment l'enfant se trouve privé de titre. Ainsi, l'acte de naissance n'a pas été dressé; ou bien il a été perdu, détruit, mis hors d'état de servir; ou bien l'acte existe peut-être, mais l'enfant ne sait où il a été reçu. Dans ces diverses hypothèses, il y a pour l'enfant défaut de titre, et c'est le cas pour lui d'invoquer la preuve subsidiaire admise par notre article. Mais il en serait autrement, si, au lieu de n'avoir pas de titre, l'enfant en avait un qui lui attribuât une filiation contraire à celle que lui donne sa possession d'état, ou qui du moins fût, d'une manière quelconque, en opposition avec cette prétendue filiation. Ainsi, quand l'enfant qui passe pour fils légitime de Pierre et de Marie a un acte de naissance qui le dit fils de Thérèse, ou seule

ment né de parents inconnus, ce défaut d'harmonie entre l'état possédé par l'enfant et un acte qui est prouvé lui appartenir, neutralise l'effet de la possession d'état; si donc cet enfant prétend que Thérèse n'est qu'un faux nom, ou que les père et mère que l'acte dit inconnus sont bien Pierre et Marie, il lui faudra l'établir, non pas en s'appuyant sur sa possession, mais en le constatant directement par la preuve testimoniale que l'art. 323 lui offre dans ce cas, et qui constitue le troisième et dernier moyen, admis par la loi, de prouver la filiation légitime.

Du reste, ce n'est pas la possession d'état d'enfant de la mère que l'on peut ici présenter comme preuve de filiation; c'est uniquement celle de l'état d'enfant légitime, c'est-à-dire que la possession doit résulter tout ensemble de faits relatifs à la mère et au père. Cela est si vrai que l'art. 321 ne cite expressément que le père, ce qui n'est pas dit, au surplus, pour exclure la maternité, laquelle, au contraire, se trouve également comprise virtuellement dans l'article. En effet, avoir porté le nom du mari, avoir été reconnu et traité comme son enfant, non-seulement par lui-même, mais aussi par la famille et la société, c'est là l'apanage de l'enfant issu du mariage; ce sont là des faits qui ne pourraient se réaliser pour l'enfant que le mari aurait eu d'une autre femme que son épouse. D'ailleurs, l'art. 320 nous dit positivement qu'il faut la possession de l'état d'enfant légitime. La possession d'état est donc loin d'avoir la même force que le titre de filiation. Quand l'enfant présente un titre, il lui suffit que ce titre prouve la maternité de la feinmne mariée ; c'est ensuite la loi elle-même qui fait découler de cette preuve celle de la paternité du mari et la qualité d'enfant légitime. Quand, au contraire, l'enfant n'argumente que de sa possession d'état, la loi ne vient à son secours par aucune présomption, il faut que la maternité et la paternité soient l'une et l'autre l'objet de cette possession. Il y a donc inexactitude à dire comme M. Bonnier (Preuves, no 128), que les effets de la possession sont ici divisibles, et qu'une possession relative seulement à la mère assurerait l'état d'enfant legitime vis-à-vis d'elle. Il est évident que non; il est évident que l'état d'enfant légitime est l'etat d'enfant des deux époux, et qu'on ne se prouve pas entant légitime d'une femme tant qu'on ne se prouve pas enfant du mari de cette femme (4).

H.-30. On a vu sous l'art. 197 en quoi consiste la possession d'état. Elle résulte de tous les faits, indistinctement, propres à faire passer notoirement l'individu pour enfant légitime des deux époux, faits que les commentateurs résument sous les termes nomen, tractatus, fama, et dout la loi, comme elle le dit elle-même, n'indique ici que les principaux. L'enfant pourrait donc en offrir d'autres que ceux indiqués par l'art. 521, comme il pourrait aussi réussir, sans avoir la réunion de tous ceux indiqués ici, le point de savoir s'il y a ou non

(1) Conf. Zachariæ (III, p. 656-657), Richefort (I-92), Demolombe (V-211).

possession suffisante étant entièrement laissé au pouvoir discrétionnaire du juge.

C'est évidemment par tous les moyens possibles, et notamment par témoins, que l'enfant peut, en cas de contestation, faire la preuve des faits qui doivent établir sa possession d'état. Au reste, ses adversaires peuvent toujours, et par tous moyens aussi, faire la preuve contraire à la sienne, comme ils le peuvent, quand l'enfant argumente de son titre seul car c'est seulement quand l'enfant a le titre et la possession réunis que, d'après l'art. 322, toute preuve contraire est inadmissible. Ainsi, non-seulement les adversaires de l'enfant peuvent renverser les faits de possession que celui-ci veut établir, ou encore, ces faits une fois prouvés, établir d'autres faits qui neutralisent l'effet des premiers et empêchent la constatation de la prétendue possession; mais aussi, quand la possession a été reconnue dès l'abord, ou qu'après contestation elle a été pleinement établie, ils pourront encore combattre les conséquences de paternité et de maternité qui résultent de cette possession, en prouvant qu'il n'est né aucun enfant du mariage des deux personnes, ou que ceux qui étaient issus de ce mariage sont morts. Donc, tant que la possession n'est pas reconnue, c'est à l'enfant à prouver qu'elle existe; une fois au contraire qu'elle est constatée, c'est à ses adversaires à prouver qu'elle est usurpée.

322. Nul ne peut réclamer un état contraire à celui que lui donnent son titre de naissance et la possession conforme à ce titre. Et réciproquement, nul ne peut contester l'état de celui qui a une possession conforme à son titre de naissance.

31. Quand un enfant est indiqué dans son acte de naissance comme né de l'itius et de Sempronia son épouse, ou seulement comme né de Sempronia, que l'on reconnaît, d'ailleurs, être la femme de Titius; et que cet enfant est en possession de l'état de fils légitime de ces deux époux, cet état est inexpugnable, il est invinciblement établi; aucune preuve contraire ne peut être écoutée. Ainsi, quand les adversaires de l'enfant, ou quand l'enfant lui-même, offriraient d'établir jusqu'à l'évidence, par un ensemble de faits incontestables, que Titius et Sempronia n'ont jamais eu d'enfant et que celui qui passe pour tel est le fils d'une autre femme auquel ils ont donné cette possession d'état, après l'avoir fait inscrire mensongèrement comme né de leur union, ces allégations ne pourraient pas être écoutées, et l'enfant resterait irrévocablement pour la loi fils légitime de Titius et de Sempronia. C'est qu'en effet, il fallait bien, pour le repos des familles, s'arrêter quelque part; et l'on ne pouvait pas, dans la prévision d'une fraude possible une fois sur cent mille, mettre l'état de tous les citoyens en butte à des attaques toujours permises.

N'oublions pas, du reste, que dans cet article, comme dans tous ceux de ce chapitre, il ne s'agit que des preuves de la filiation, et non des preuves de la légitimité. Ainsi, des adversaires de l'enfant, tout

en reconnaissant qu'il est le fils de Titius et de Sempronia, pourraient très-bien prétendre prouver qu'il n'y a jamais eu de célébration de mariage entre les deux auteurs, ou que le mariage célébré n'a pas pu avoir d'existence légale, parce que l'un d'eux était mort civilement, ou enfin que ce mariage est nul et avait été contracté de mauvaise foi par les deux époux. Mais, quant à la filiation, l'etat de l'enfant, nous le répétons, est inattaquable, et il n'y aurait pas lieu, quoi qu'en aient dit certains jurisconsultes, de parler alors d'une action en désaveu. Cette action, en effet, s'éteint toujours au plus tard après deux mois de silence gardé par le mari depuis le moment où la naissance lui est connue; or, il y a ici, au profit de l'enfant, possession d'état, c'est-àdire une série de faits par lesquels le mari lui-même lui a donné et assuré la qualité de fils légitime.

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323. A défaut de titre et de possession constante, ou si l'enfant a été inscrit, soit sous de faux noms, soit comme né de père et mère connus, la preuve de filiation peut se faire par témoins.

Néanmoins cette preuve ne peut être admise que lorsqu'il y a commencement de preuve par écrit, ou lorsque les présomptions ou indices résultant de faits dès lors constants sont assez graves pour déterminer l'admission.

324. Le commencement de preuve par écrit résulte des titres de famille, des registres et papiers domestiques du père ou de la mère, des actes publics et même privés, émanés d'une partie engagée dans la contestation, ou qui y aurait intérêt si elle était vivaute.

SOMMAIRE,

I. Troisième et dernier moyen preuve testimoniale. Elle est offerte à l'enfant dans quatre cas.

II. Condition préalable sous laquelle elle est admissible.

III. Elle serait inutile pour les faits qui se trouveraient prouvés par écrit.

་.

32. Ces deux articles indiquent le troisième et dernier moyen offert à un enfant pour prouver sa filiation légitime : c'est la preuve testimoniale. Nous avons déjà parlé de preuve par témoins sous l'art. 321; mais là, ce n'était pas directement sa filiation que l'enfant avait à prouver; c'était simplement la possession : il lui suffisait d'établir qu'il passait notoirement pour fils de tels époux, et de là la loi concluait, jusqu'à la preuve du contraire, qu'il l'était réellement. Ici, il est réduit à prouver directement la filiation même ; il faut qu'il établisse positivement que la femme mariée dont il se dit fils est bien accouchée à l'époque qu'il prétend, et qu'il est bien l'enfant dont elle est accouchée. La preuve à faire ici est donc plus rigoureuse sous ce rapport, et elle l'est encore en ce qu'elle ne peut être admise que sous une condition préalable, qui n'est pas nécessaire dans le cas de l'art 321. Aussi, n'est-ce qu'à défaut des deux autres moyens de preuve, et quand

l'enfant n'a pour lui ni titre ni possession d'état, que la loi lui offre le moyen de preuve indiqué ici.

Mais on conçoit qu'ici l'enfant doit être considéré comme n'ayant pas de titre, quand son acte de naissance n'indique pas sa filiation, et le présente comme né de père et mère inconnus ; c'est ce que dit positivement notre art. 323; et il en serait exactement de même si la mère seulement était déclarée inconnue. Dans ce cas encore, évidemment, l'enfant n'a pas d'autre ressource que la preuve testimoniale. Du reste, cette preuve, qui, dans ces deux cas, lui est indispensable pour arriver à un état quelconque, lui est encore offerte pour réclamer un autre état que celui qui lui est attribué par le titre seul ou par la seule possession d'état, ou par un titre que la possession contredit. Ainsi, quand l'eufant est présenté par son acte de naissance comme issu du mariage de Jacques et de Françoise, et qu'il se prétend fils de Pierre et de Marie, il lui est permis (et c'est encore notre art. 323 qui le dit) de prouver par témoins qu'il est inscrit sous de faux noms, et que la filiation qu'il revendique lui appartient en effet. Mais, il faut pour cela que la filiation indiquée par l'acte de naissance ne soit pas accompagnée d'une possession conforme, puisque, comme on l'a vu par l'art. 322, la réunion du titre et de la possession exclut toute preuve contraire, aussi bien de la part de l'enfant que contre lui. Mais, puisque c'est seulement la réunion d'un titre et d'une possession conformes l'un à l'autre qui exclut la preuve contraire, la preuve testimoniale sera donc encore ouverte à l'enfant quand il aura une possession sans titre, ou bien un titre et une possession contradictoires entre eux.

Donc, la preuve par témoins autorisée par nos articles pour établir la filiation est permise dans quatre cas : 1o Quand l'enfant n'a aucun titre ni aucune possession, ou seulement, ce qui est la même chose, un titre n'indiquant pas de filiation; - 20 Quand il a un titre complet et régulier, mais sans possession; - 3o Quand il a une possession sans titre, ou avec un titre n'indiquant pas de filiation; 4o Quand il a un titre et une possession contradictoires.

II. — 33. Mais, dans tous ces cas, la preuve par témoins n'est jamais ouverte à l'enfant que sous une condition préalable: c'est que les deux faits de l'accouchement et de l'identité, qu'il offre d'établir, se trouvent déjà vraisemblables, soit au moyen d'un commencement de preuve écrit, soit par des indices suffisamment graves, résultant de circonstances dès à présent certaines. C'est aux tribunaux qu'il appartient de juger si les indices ont assez de gravité pour déterminer l'admission de la preuve par témoins. Le commencement écrit de preuve, que de graves indices peuvent remplacer s'il n'existe pas, peut résulter, soit 1o de titres de l'état civil concernant la famille à laquelle l'enfant prétend appartenir, et dans lesquels se trouveraient des énonciations donnant quelque vraisemblance aux prétentions de cet enfant; soit 2° de registres ou papiers domestiques des personnes que l'enfant dit être ses père et mère; soit enfin 3o de tous actes publics ou privés, émanés d'une personne quelconque qui, dans le procès actuel, se trouve avoir

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