Page images
PDF
EPUB

nal peut nommer un conseil; c'est toutes les fois que les circonstances l'exigent ainsi un sourd-muet ne sachant ni lire ni écrire, et ne pouvant se servir dès lors de l'intelligence dont il jouit, pourrait être soumis à un conseil, quoiqu'il ne pût être interdit (1).

Et puisque les tribunaux ont le droit, dans les cas dont il s'agit, de nommer un conseil, il s'ensuit que le conjoint ou les parents auraient le droit de former une demande tendant directement non à l'interdiction, mais à cette nomination de conseil; car il est évident qu'on a le droit de demander à un tribunal ce que ce tribunal a le droit d'accorder. On ne s'explique donc guère l'opinion contraire de Delvincourt, rejetée du reste par Merlin (Rép., vo Testament) et M. Zachariæ (I. p. 274).

Quand les parents ont demandé l'interdiction et que le tribunal ne prononce qu'une nomination de conseil, ces parents ne doivent pas être condamnés aux dépens; car le résultat prouve qu'ils ont eu raison d'appeler l'attention de la justice et qu'il y avait effectivement une mesure judiciaire à prendre. Loin d'avoir mal agi, ils ont accompli un devoir légal.

(Voy. l'explication de l'art. 513, pour compléter celle de cet article.)

500.- En cas d'appel du jugement rendu en première instance, la cour d'appel pourra, si elle le juge nécessaire, interroger de nouveau, ou faire interroger par un commissaire, la personne dont l'interdiction est demandée.

501. Tout arrêt ou jugement portant interdiction, ou nomination d'un conseil, sera, à la diligence des demandeurs, levé, signifié à partie, et inscrit dans les dix jours, sur les tableaux qui doivent être affichés dans la salle de l'auditoire et dans les études des notaires de l'arrondissement.

318. Quand il s'agit d'un jugement, et qu'il est frappé d'appel avant qu'il soit affiché, l'affiche n'en est pas moins nécessaire; car ce jugement peut être confirmé, et rester exécutoire du jour même de sa date. Tout acte passé postérieurement à sa prononciation serait donc nul, et dès lors, les tiers doivent être dès à présent avertis. En vain dirait-on qu'on ne peut pas afficher, et par là exécuter un jugement dont il y a appel, car l'affiche n'est pas une exécution, c'est tout simplement un moyen de mettre les tiers sur leurs gardes.

Comme une affiche, présentant la liste complète de tous les individus interdits ou pourvus d'un conseil dans l'arrondissement, serait souvent trop longue, on se contente ordinairement de placer dans l'auditoire du tribunal et dans les études des notaires, un tableau avertis

(1) Ainsi jugé le 14 janvier 1812 par un arêt de la cour de Lyon, lequel a réformé avec raison, un jugement qui avait interdit le sourd-muet.

sant le public que cette liste se trouve sur un registre qui est à la disposition de tout réclamant.

502. L'interdiction, ou la nomination du conseil, aura son effet du jour du jugement. Tous actes passés postérieurement par l'interdit, ou sans l'assistance du conseil, seront nuls de droit.

I-319. La rédaction de cet article pèche comme trop absolue. Et d'abord il est clair que la sentence ne produira ses effets qu'autant qu'elle sera rendue par la cour; ou, si elle émane du tribunal, qu'autant qu'elle ne serait pas frapée d'appel, ou qu'elle serait confirmée sur l'appel. Ainsi, quand un jugement d'interdiction est réformé sur l'appel, il est clair que ce jugement étant non avenu, les actes passés par le défendeur, même dans l'intervalle entre le prononcé du jugement et l'appel, restent valables car, en droit, il n'y a pas eu jugement. Il en serait de même si la cour avait remplacé l'interdiction par une nomination de conseil, et qu'il s'agit d'un acte que l'individu pourvu d'un conseil peut faire seul. Quand le jugement est confirmé, comme ce n'est pas l'arrêt qui confirme qu'on exécute, mais bien le jugement confirmé par l'arrêt, tous actes postérieurs à ce jugement restent nuls. Que si le jugement avait rejeté la demande en entier, et que ce soit la cour qui prononce la première l'interdiction ou la nomination de conseil, il est évident qu'il ne pourra être question, de nullité que pour les actes passés postérieurement à l'arrêt; il en serait de même des actes qu'on peut faire sans l'assistance d'un conseil, quand le tribunal a simplement donné ce conseil, et que la cour seule a interdit. Il est également évident, quant à la seconde phrase de l'article, que les actes postérieurs à la sentence irrévocable ne sont nuls tous que quand il y a eu interdiction; s'il y avait seulement nomination de conseil. la nullité n'existerait que pour les actes qui demanderaient l'assistance du conseil.

Le défaut d'affiche n'empêcherait pas la nullité des actes; car cette nullité est établie pour l'incapable, et ce n'est pas cet incapable qui est en faute de n'avoir pas fait afficher, puisque c'est au demandeur, que cette obligation est imposée. D'ailleurs, le rapprochement de notre article avec l'article précédent prouve que la loi ne subordonne pas la nullité à la formalité de l'affiche, puisque la nullité a lieu du jour même du jugement, et qu'il suffit de faire afficher le dixième jour. Les tiers trompés par le défaut d'affiche pourraient donc seulement demander des dommages-intérêts à celui qui a fait prononcer le jugement; pourvu encore, bien entendu, que l'acte n'ait pas été passé dans les dix jours qui ont suivi ce jugement; puisque le demandeur a tout ce délai pour exécuter son obligation d'afficher.

II. 320. Une dernière expression de notre article demande encore une observation; c'est celle qui qualifie nul de droit les actes passés par l'incapable. On pourrait croire que ces actes sont nuls à proprement parler, c'est-à-dire, non existants en droit; or, ce serait une grave er

reur. Ces actes existent légalement ; ils sont seulement vicieux et annulables. L'incapable ou ses représentants ont, pour en demander l'annulation, dix ans à partir de la cessation de l'incapactié ou de la mort de l'incapable; après ce délai, l'annulation ne pourrait plus être demandée, et les actes demeureraient pleinement valables. Tel est le résultat de l'art. 1034. Le seul acte frappé de nullité proprement dite par suite de l'interdiction, c'est le mariage de l'interdit (Voy. t. I, chap. 4 du Mariage, observ. prélim., no II).

On sait déjà que, d'après l'art. 1125, l'annulation des actes de l'individu interdit ou pourvu d'un conseil ne peut être demandée que par lui, et jamais par l'individu capable avec lequel il aurait contracté.

Du reste, ce que nous disons que l'acte est simplement annulable, et pour dix années seulement, est vrai quand l'acte n'est attaqué que sur ce seul motif que son auteur était interdit. Mais s'il était constant, d'ailleurs, que l'individu n'avait pas sa raison au moment précis qu'il a fait cet acte, il est clair qu'il serait radicalement nul, non existant; et que dès lors, à quelque époque qu'on demandât aux tribunaux d'en reconnaître la nullité, cette nullité devrait être proclamée. Ceci n'est pas douteux, puisqu'il en serait ainsi de droit commun, alors même qu'il n'y aurait pas eu d'interdiction.

503. Les actes antérieurs à l'interdiction pourront être annulés si la cause de l'interdiction existait notoirement à l'époque où ces actes ont été faits.

504. Après la mort d'un individu, les actes par lui faits ne pourront être attaqués pour cause de démence, qu'autant que son interdiction aurait été prononcée ou provoquée avant son décès; à moins que la preuve de la démence ne résulte de l'acte même qui est attaqué.

I.-321. Le premier de ces deux articles est une extension du droit commun, des principes généraux; le second, au contraire, y apporte une restriction.

De droit commun, un acte peut, à quelque époque que ce soit, être déclaré nul, non existant, vu le défaut de raison de celui qui l'a consenti; mais il faut, bien entendu, que le demandeur établisse l'absence de raison au moment précis où l'acte a été passé. Or, l'art. 503 permet, non plus de proclamer la non-existence de l'acte, mais de l'annuler (dans le délai de l'art. 1304) par cela seul que l'état habituel d'imbécillité ou de démence était publiquement connu au moment où l'acte s'est fait. Il pourra donc arriver, dans ce cas, qu'on annulie un acte qui, en réalité, avait été contracté dans un intervalle lucide et avec pleine intelligence le motif de cette disposition exceptionnelle et si sévère contre les tiers, c'est d'écelui-là mérite peu que gards qui traite avec un homme en état habituel de folie, et qu'il y a grave présomption qu'il a abusé de sa triste position. Du reste, l'article

:

ne dit pas que l'acte sera annulé, mais qu'il pourra l'être; si donc le cocontractant prouvait qu'il a agi de bonne foi, qu'il ne connaissait pas l'état habituel de l'autre partie, et qu'au moment de l'acte cette partie jouissait vraiment de sa raison, l'acte devrait être maintenu.

Dans le cas de l'art. 304, au contraire, la loi refuse aux héritiers de celui dont l'interdiction n'a été ni prononcée ni provoquée, le droit de faire annuler ses actes, même pour l'absence de raison au moment qu'il les a faits; et ce, pour punir ces héritiers de n'avoir pas provoqué l'interdiction C'est qu'en effet, la loi désire, appelle l'interdiction des individus privés de leur raison, comme un bienfait pour eux-mêmes et un moyen d'éviter une foule de contestations; la personne privée de sa raison doit être interdite (art. 489), et c'est à ses parents, et à ses plus proches parents surtout, que ce devoir est imposé. Toutefois, il est un cas où la loi est forcée de reculer devant son système de punition, c'est quand l'acte attaqué porte en lui-même la preuve de la déraison; il est clair qu'il n'y a pas moyen de déclarer valable un acte pareil. Du reste, cette disposition si rigoureuse pour les heritiers et toute de faveur pour les tiers ne s'applique qu'aux actes onéreux et non aux dispositions gratuites; l'art. 901 déclare que les donations et les testaments ne sont jamais valables qu'autant qu'ils émanent d'un individu sain d'esprit. Cette règle absolue soustrait les libéralités à l'exception de notre article et les laisse sous l'empire du droit commun; on conçoit, en effet, que celui qui réclame une libéralité soit traité moins favorablement que celui qui invoque un acte onéreux (1).

II. 322. Puisque nos deux art. 503 et 504 sont des exceptions au droit commun, on n'appliquera donc ni l'un ni l'autre en dehors des cas par eux prévus. Ainsi, qu'un individu qui n'a pas été interdit (ce n'est donc plus le cas de l'art. 505), vienne attaquer lui-même (ce n'est donc plus le cas de l'art. 504), pour cause de démence, l'acte qu'il a consenti, ce sera à lui de prouver, par témoins et par tous autres moyens qui pourraient être en son pouvoir, qu'il n'avait pas sa raison alors qu'il a passé l'acte. Il en serait autrement, d'après une exception écrite dans la loi du 30 juin 1838 (dont nous donnerons l'analyse à la suite du résumé de ce titre), s'il s'agissait d'une personne qui, sans être interdite, se trouvait placée, au moment de l'acte, dans un établis sement d'aliénés.

505. S'il n'y a pas d'appel du jugement d'interdiction rendu en première instance, ou s'il est confirmé sur l'appel, il sera pourvu à la nomination d'un tuteur et d'un subrogé tuteur à

(1) Conf. Toullier (II-1363), Grenier (Donations, I, 284), Merlin (Rép., vo Testament, sect. 1), Duranton (III-787), Zachariæ (1, p. 261), Coin-Delisle (art. 901, no 9); Poitiers, 27 mai 1809; Cass., 9 oct. 1809, et 20 nov. 1810; Besançon, 19 déc 1810; Colmar, 17 juin 18 2; Paris, 26 mai 1815; Rouen, 3 mai 1816; Metz, 26 juill. 1817; Toulouse, 10 févr. 1521; Cassat., 10 mars 1824, etc.

l'interdit, suivant les règles prescrites au titre de la Minorité, de la Tutelle et de l'Emancipation. L'administrateur provisoire cessera ses fonctions, et rendra compte au tuteur s'il ne l'est pas lui

même.

323. Tant qu'il n'y a pas eu d'appel, et quand même on serait dans le délai de cet appel, on doit nommer les tuteur et subrogé tuteur ; car on peut toujours exécuter un jugement tant que l'appel n'est pas interjeté ; que si l'appel survenait après la nomination faite, les tuteur et subrogé tuteur feraient place de nouveau à l'administrateur provisoire.

506. Le mari est, de droit, le tuteur de sa femme interdite.

324. Dans le cas d'interdiction, la tutelle est toujours dative, excepté seulement pour l'époux de la femme interdite; il n'y a jamais ni tutelle testamentaire, ni, hors le cas du mari, tutelle légale. L'art. 505 veut qu'après la sentence, il soit pourvu à la nomination du tuteur, et la disposition de l'art. 506 est la seule exception que nous trouvons à cette règle. Le Tribunat avait demandé qu'on rejetât de l'art. 505 ce mot de nomination, pour faire place à l'application des règles sur la tutelle des mineurs; mais cette demande a été rejetée (Fenet, t. X, p. 701).

507. La femme pourra être nommée tutrice de son mari. En ce cas, le conseil de famille réglera la forme et les conditions de l'administration, sauf le recours devant les tribunaux de la part de la femme qui se croirait lésée par l'arrêté de la famille.

I. 325. L'interdiction du mari n'augmente ni ne diminue en rien la capacité de la femme. Que cette femme soit ou non nommée tutrice (1), elle est toujours femme mariée, et comme telle, elle reste incapable de passer sans autorisation aucun acte la corcernant; tous les actes pour lesquels il lui fallait antérieurement l'autorisation du mari, elle ne peut les passer désormais qu'avec l'autorisation de la justice (art. 222). Ainsi, elle ne peut prétendre, de son chef et en son nom propre, à l'administration de la communauté, s'il en existe une, ni à celle de ses biens propres dont l'administration appartenait

(1) La femine peut être nommée tutrice; mais le conseil est libre, comme dans toute tutelle dative, de choisir tel tuteur qu'il jugera bon. Notre article a tout simplement relevé la femme de l'incapacité dont elle se trouvait frappée dans l'article 442-3°: elle rentrait en effet dans la règle de ce 3o, sans rentrer dans son exception. Le conseil pourra donc choisir la femme, la mère ou une autre ascendante de l'interdit; mais il n'y sera pas tenu.

Un arrêt de Paris du 7 janvier 1815, qui avait arbitrairement jugé le contraire, a été cassé le 27 novembre 1816; et sur le renvoi, la cour d'Orléans, le 9 août 1817, a jugé, comme la Cour de cassation, que c'est là pour le conseil une simple faculté.

« PreviousContinue »