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des enfants légitimes. En effet, le premier parle de la filiation des enfants légitimes; le second, des preuves de cette filiation; et la première section du troisième, de la légitimation des enfants nés avant le mariage. La seconde et dernière section du chap. 3 traite des enfants illegitimes.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA FILIATION DES ENFANTS LÉGITIMES OU NÉS DANS LE MARIAGE.

3. Cet intitulé est inexact. Ce n'est pas seulement l'enfant né en mariage qui est réputé légitime; c'est aussi et surtout celui qui est conçu en mariage, alors même qu'il ne serait né qu'après la dissolution. Le principe de la légitimité, c'est, d'après l'art. 312, la conception dans le mariage; si le simple fait de la naissance en mariage produit aussi ce résultat, ce n'est que par une disposition de faveur qui n'est même pas toujours susceptible de s'appliquer, comme on va le voir plus loin.

312. L'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari. Néanmoins celui-ci pourra désavouer l'enfant, s'il prouve que, pendant le temps qui a couru depuis le trois centième jusqu'au cent quatre-vingtième jour avant la naissance de cet enfant, il était, soit par cause d'éloignement, soit par l'effet de quelque accident, dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme.

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II. Durée légale de la gestation la plus longue et de la gestation la plus courte.
Comment se compte le délai. Dissentiment avec Toullier et M. Zachariæ.
III. De l'action en désaveu. - Elle n'est permise que pour trois causes. — - Expli-
cation de la première.

I. 4. L'enfant vraiment légitime est, toujours et uniquement, celui qui est conçu des œuvres de deux individus mariés au moment de la conception. Donc, pour savoir si un enfant qui arrive au monde est on non légitime, il y aurait trois choses à faire: 1° rechercher l'époque de la conception; 2o regarder si à cette époque la mère qui vient d'accoucher était mariée; 3o voir si celui qui alors était son mari est bien le père de l'enfant. Or, de ces trois choses, il en est deux que la nature nous met dans l'impossibilité de connaître avec certitude; car, s'il est facile de savoir que telle femme est accouchée de tel enfant et que cette femme était mariée à telle époque, il ne nous est pas donné de savoir à quelle époque précise cet enfant a été conçu, ni quel homme l'a engendré. C'étaient donc de simples présomptions qu'il fallait ici ériger en règles. C'est ce que fait notre article.

Il déclare d'abord que, quand une femme est mariée au moment qu'elle conçoit, le mari de cette femme est le père de l'enfant. Et, en effet, le crime étant une exception et ne pouvant pas, dès lors, se sup

poser comme principe, le devoir de fidélité conjugale doit faire admettre, jusqu'à preuve contraire, que l'enfant appartient au mari. De même donc que la loi romaine disait: Pater is est quem nuptiæ demonstrant (Dig., 1. 2, t. 4, 5), notre Code proclame que « l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari. >>

II. — 4 bis. Quant à l'époque de la conception, la loi ne pouvait la déterminer qu'approximativement, en indiquant le délai le plus court possible, et le délai le plus long possible, de la grossesse. C'est ce qu'elle fait dans le 2e alinéa, en déclarant, à l'occasion de la preuve de non-paternité que voudrait faire le mari, que la gestation ne peut jamais durer moins de cent quatre-vingts jours, ni plus de trois cents jours (1). Donc, la conception peut se placer au choix, et selon que le demande l'intérêt de l'enfant, à tel ou tel moment des cent vingt et un jours qui se sont écoulés depuis le trois centième jour avant la naissance jusqu'au cent quatre-vingtième. Ainsi, l'enfant qui naît le cent soixante-dix-neuvième jour depuis la célébration du mariage, ou plus tôt, a été conçu avant le mariage; celui qui naît le trois cent et unième jour après la dissolution, ou plus tard, n'a été conçu qu'après le mariage rigoureusement et en principe, ni l'un ni l'autre ne sont légitimes. Il en serait autrement si le premier était né dans la journée suivante, et que le dernier fùt né dans le jour précédent.

Cette proposition, que l'on peut prendre ou la plus courte gestation ou la plus longue, selon que le demande l'intérêt de l'enfant, est suffisamment proclamée par la raison : car il est évident que c'est en faveur de l'enfant qu'est accordée cette latitude de cent vingt et un jours. Mais elle est justifiée en outre par le texte même du Code, dans les art. 314 et 345. En effet, d'après l'art. 514, le mari ne peut désavouer l'enfant comme conçu avant le mariage, que quand cet enfant naît avant le cent quatre-vingtième jour du mariage; et réciproquement, d'après l'art. 315, la légitimité de l'enfant ne peut être contestée que quand cet enfant est né trois cents jours révolus après la dissolution du mariage. Du reste, il n'importe pas que ce soit au commencement, au milieu ou à la fin de la journée, que la naissance ait lieu, pourvu qu'elle se réalise dans la cent quatre-vingtième journée au plus tôt, ou dans la trois centième journée au plus tard. Le texte même de notre article le dit, et c'est là, d'ailleurs, le principe général d'après lequel la loi suppute les délais; elle compte toujours de die ad diem, jamais de momento ad momentum (art. 2147, 2260 et 2261).

5. Tout le monde est d'accord sur ce point; mais on ne l'est plus quand il s'agit de savoir s'il faut compter le jour de la célébration dans les cent soixante-dix-neuf jours après lesquels commence la légitimité,

(1) Nous avons déjà dit que, d'après le calendrier républicain, sous lequel le Code a été fait, ces chiffres répondaient à ceux de six mois et de dix mois, chaque mois étant alors de trente jours. Aujourd'hui que les mois sont composés d'un nombre inégal de jours, ce n'est pas le délai de six ou dix mois qu'il faudrait prendre, mais, rigoureusement, celui de cent quatre-vingts jours ou trois cents jours.

et celui de la dissolution dans les trois cents jours après lesquels cette légitimité s'arrête. Les uns, notamment Toullier (II, 791), veulent qu'on les compte tous deux; M. Zachariæ (III, p. 623), se fondant sur la règle qui veut que pour la supputation des délais en général on ne compte pas le jour d'où part le délai, dies a quo non computatur in termino, enseigne qu'on ne doit compter ni l'un ni l'autre.

S'il fallait choisir entre ces deux doctrines, nous n'hésiterions pas à suivre la dernière, appuyée sur la règle générale des délais; mais nous croyons devoir les rejeter toutes deux. Les règles générales de supputation des délais de prescription ou de procédure ne peuvent s'appliquer à une matière que quand les principes particuliers de cette matière ne s'y opposent pas. C'est ce qui arrive ici pour le calcul par jour et non par heure. Mais la règle qui rejette le dies a quo dans les deux délais des cent soixante-dix-neuf jours et des trois cents jours, aussi bien que celle qui les admet pour tous deux, serait ici une violation et de la pensée et du texte de la loi. C'est ici la faveur de la légitimité qui a fait resserrer ou étendre le délai, autant qu'il était possible; c'est donc cette faveur de la légitimité qu'il faut prendre pour point de départ. Ainsi, il est de toute justice que dans les cent soixantedix-neuf jours qui doivent s'accomplir à partir du mariage, on compte le dies a quo, le jour même de la célébration, puisqu'au jour de cette célébration, la conception légitime était déjà possible. Aussi l'art. 314 ne permet-il de désavouer, pour conception antérieure au mariage, que l'enfant né avant le cent quatre-vingtième jour du mariage, c'està-dire en dedans des cent soixante-dix-neuf jours du mariage; or, le premier jour du mariage, c'est celui de la célébration, et non pas le lendemain. Réciproquement, dans les trois cents jours par l'expiration desquels la légitimité s'évanouit, la faveur de cette légitimité demande qu'on ne comprenne pas le dies a quo, le jour de la dissolution, puisque dans ce jour la conception légitime était encore possible. Aussi, l'art. 315 ne permet-il de déclarer illégitime, pour conception postérieure au mariage, que l'enfant né, non pas le trois centième jour, mais trois cents jours (révolus et entiers) après la dissolution; or, au minuit qui suivra la dissolution, il est clair qu'il n'y aura pas un jour après la dissolution, laquelle a pu n'arriver, par la mort du mari, qu'à dix ou onze heures du soir.

Donc, le dies a quo est compris dans les cent soixante-dix-neuf jours du mariage, et il ne l'est pas dans les trois cents jours de la dissolution.

Et qu'on ne reproche pas à notre doctrine, comme le fait M. Zachariæ, d'être inconséquente, en admettant d'un côté ce qu'elle rejette de l'autre. La prétendue inconséquence, d'abord, appartiendrait, non à notre interprétation, mais à la loi même, qui donne les deux décisions dans les art. 314 et 515; mais cette prétendue inconséquence n'existe pas, et la loi est très-rationnelle. La loi est rationnelle, puisque le principe qui sert de point de départ ici, c'est l'intérêt de la légitimité, et que cet intérêt commande d'admettre dans un cas, et de

rejeter dans l'autre, le dies a quo. Les deux décisions opposées sont donc, l'une et l'autre, dans les circonstances opposées auxquelles elles s'appliquent, la conclusion logique des prémisses posées.

III. 6. Nous avons dit que la présomption d'après laquelle l'enfant conçu par une femme mariée appartient au mari, n'est admise par la loi que jusqu'à preuve contraire. Le mari, en effet, est admis, non pas absolument, mais dans trois circonstances, à désavouer l'enfant conçu par la femme pendant le mariage, c'est-à-dire, à prouver et faire déclarer que cet enfant n'est pas de lui. L'une de ces circonstances est indiquée par notre article; les deux autres sont prévues par le suivant.

La première cause qui ouvre au mari l'action en désaveu contre l'enfant conçu par l'épouse pendant le mariage, c'est l'impossibilité physique où il aurait été de cohabiter avec sa femme pendant les cent vingt et un jours dans lesquels se place la conception. Cette impossibilité doit résulter, soit de la séparation des époux, soit d'un accident qui aurait mis le mari hors d'état d'avoir aucun commerce avec sa femme. Le texte de la loi, et avec lui la raison, nous disent qu'il ne suffirait pas d'une grande improbabilité, d'une grave difficulté, de ces présomptions que moralement et par manière de parler on appelle aussi des impossibilités; il faut une impossibilité physique, maté rielle, absolue. Ainsi, quoique les époux demeurent habituellement l'un à Paris, l'autre à Bourges, le mari ne pourrait pas être admis à prouver que pendant les cent vingt et un jours à l'un desquels remonte la conception il n'a pas quitté Bourges, et que pendant ce temps sa femme n'est pas sortie de Paris. L'intervalle pouvant se franchir en sept ou huit heures, le mari aurait donc pu déjeuner un jour à Bourges avec des amis, et y dîner dès le lendemain après avoir passé à Paris plusieurs heures avec sa femme, ce qui n'empêcherait pas des témoins très-consciencieux d'affirmer qu'ils l'ont vu à Bourges tous les jours. Sans doute, on ne peut pas exiger un éloignement tel que la distance qui séparait les époux n'ait pu être franchie en cent vingt et un jours; car chacun des époux pouvant faire la moitié du chemin, ce délai leur suffirait pour se réunir en partant des deux bouts du monde, et le globe entier ne présenterait pas deux points assez distants pour donner lieu à l'application de notre article. Mais il faut une distance assez grande pour que le juge, au moyen des circonstances indiquées par les témoins, acquière la certitude qu'il a été complétement impossible aux époux de se réunir un seul instant. On conçoit, du reste, que c'est là un point de fait abandonné à l'appréciation des tribunaux.

L'accident dont parle l'article doit également être de nature à empêcher le mari d'accomplir l'acte de la génération; il faut que cet accident le frappe d'une impuissance qui, si elle ne doit pas toujours rester, dure au moins pendant les cent vingt et un jours. De plus, cet accident doit être postérieur au mariage; le texte et l'esprit de la loi l'indiquent assez. D'un côté, en mettant l'accident survenu au mari

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sur la même ligne que l'éloignement, la loi fait voir qu'il ne s'agit pas
de faits antérieurs au mariage; d'autre part, l'article suivant, en ne
permettant jamais au mari un désaveu fondé sur son impuissance na-
turelle, alors même que cette impuissance serait manifeste, prouve
que le législateur ne veut pas entendre la plainte de ce mari, quand
c'est lui qui est en faute d'avoir trompé sa femme.

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313. Le mari ne pourra, en alléguant son impuissance naturelle, désavouer l'enfant : il ne pourra le désavouer même pour cause d'adultère, à moins que la naissance ne lui ait été cachée, auquel cas il sera admis à proposer tous les faits propres à justifier qu'il n'en est pas le père.

En cas de séparation de corps prononcée, ou même demandée, le mari pourra désavouer l'enfant qui sera né trois cents jours après l'ordonnance du président, rendue aux termes de l'article 878 du Code de procédure civile, et moins de cent quatre-ving's jours depuis le rejet définitif de la demande ou depuis la réconciliation. L'action en désaveu ne sera pas admise s'il y a eu réunion de fait entre les époux.

SOMMAIRE,

I. Deuxième cause de désaveu contre l'enfant conçu en mariage. Elle est fondée sur
l'impossibilité morale de cohabitation.

II. C'est au mari de prouver, d'abord l'adultère coïncidant à l'époque de la concep-
tion et le recel de la naissance, et ensuite les faits justificatifs de sa non-
cohabitation.

III. L'action peut être reçue sous la condition de donner plus tard la preuve du
recel et de l'adulière; mais cette preuve doit toujours être donnée en outre
de celle des autres faits. Erreur de plusieurs arrêts. Contradiction de
M. Demolombe. Quid du-recel de la grossesse.

IV. Troisième et dernière cause de désaveu, introduite par la loi du 6 décembre
1850, pour le cas de séparation de corps.

1. 7. La seconde cause qui permet au mari d'intenter une action en désaveu contre l'enfant né de sa femme et conçu pendant le mariage, c'est l'adultère de l'épouse suivi de cette circonstance, que cette épouse a caché au mari la naissance de l'enfant.

Mais il faut bien entendre l'article: ce double fait que la femme s'est rendue coupable d'adultère et a ensuite caché au mari la naissance de l'enfant ne suffit pas pour faire déclarer que l'enfant n'est pas du mari; il permet seulement à celui-ci de prouver qu'il n'est pas le père. Il se pourrait fort bien, en effet, que la femme eût eu des relations coupables avec un étranger au moment auquel se place approximativement l'époque de la conception, et qu'ensuite la pensée que cet enfant appartient à son amant la porte à céler la naissance au mari; il se pourrait, disons-nous, que ces deux circonstances fussent réunies, et que pourtant les rapports habituels et ordinaires du mari et de la femme missent dans l'impossibilité d'affirmer que l'enfant n'est pas de

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