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439 Quand une rivière, petite on grande, peu importe, au lieu de couler toujours dans un seul lit, comme elle faisait d'abord, laisse, à partir d'un certain point, couler une partie de ses eaux dans un lit nouveau, de manière à former un bras qui va rejoindre plus bas le lit ancien, il est clair que le terrain qui se trouve pris entre les deux bras n'est pas une ile née dans le cours d'eau : c'est évidemment le mene terrain qu'auparavant, et il continue d'appartenir au même propriétaire.

563. Si un fleuve ou une rivière navigable, flottable ou non, se forme un nouveau cours en abandonnant son ancien hit, les propriétaires des fonds nouvellement occupés prennent, à titre d'indemnité, l'ancien lit abandonné, chacun dans la proportion du terrain qui lui a été enlevé.

440. Cet article se trouve expliqué par ce qui a été dit sous les art. 560 et 561, où l'on a vu que, dans notre opinion, les rive rains d'un cours d'eau non flottable n'ont été gratifiés de la propriété du lit que résolutoirement et sous la condition que leur propriété s'évanouirait quand le cas prévu par notre article viendrait à se réaliser.

Et puisque les riverains n'ont sur le lit qu'une propriété résoluble pour ce cas, il est clair que les îles nées dans la petite rivière ne leur appartiennent que de la même manière, puisqu'ils ne les prennent que comme accessoire et partie de ce lit. Lors donc que la rivière changera de cours, les propriétaires des terrains nouvellement occupés prendront T'ancien lit dans l'état où il se trouve, avec les îles qui pouvaient y exister, lesquelles, aujourd'hui que le lit est à sec, ne sont plus que de petits monticules de terre, de simples accidents du terrain (1).

Que si l'ancien propriétaire du lit et des ils y avait fait des constructions ou travaux quelconques, le nouveau propriétaire serait tenu de lui en rembourser la valeur (art. 553, 1673).

Du reste, ce n'est pas par accession que la propriété de l'ancien lit

(1) Cette circonstance, à laquelle les différents auteurs ne paraissent pas avoir songé, deviem, selon nous, une objection insoluble contre la doctrine qui dénie aux riverains la proprieté da lit des petites rivières. En effet, la propriété de l'île n'étant plus, dans cette doctrine, la conséquence de la propriété du lit, mais un droit absolu et independant, il faudra, en cas de changement de ht, ou bien refuser au proprié taire qui prend l'ancien lit, titre d'ird, mni é, la propriété de l'ancienne ile, ou bien reconnaî re qu'il ne l'obtient que par expropriation forcée. Mais lui dénier la propriéte de l'ile, c'est impossible, puisque ce te ile, une fois le lit desséché c'est le hit même dans la partie où il présente une éminence. Il serait absurde de me dire proprietaire d'un terrain, moins le sommet d'un monticule; de dire que ce monticule est à moi, et que ce sormet est à vous. D'autre part, reconnaître que le proprietaire qui prend le lit le prend dans son ensemble et avec les parties supériemes qui étaient précédemment de petites iles, c'est tomber dans l'impossibilité légale qu'on nous reprochait plus haut, d'une expropriation forcée fane pour cause d'uuhé privée et sans aucune indemnité.

est acquise au propriétaire dont le terrain est occupé par le nouveau lit, car le fonds de ce propriétaire peut fort bien n'être pas en contact avec l'ancien lit qu'on lui attribue. Notre article présente donc un cas d'acquisition s'accomplissant directement et uniquement par la volonté de la loi, lege.

564. Les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou étang, appartiennent au propriétaire de ces objets, pourvu qu'ils n'y aient point été attirés par fraude et artifice.

SOMMAIRE.

1.

Mauvaise rédaction de l'article. Sa règle s'applique alors même que les animaux dont il parle sont attirés par fraude; et elle ne s'applique pas seulement à ces animaux.

II. Nouvelle preuve, offerte par notre section, de la mauvaise rédaction des art. 522– 525 et de l'inexactitude de la doctrine de M. Demante et autres.

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I. - 441. Quoique cet article se trouve expliqué déjà par ce qui a été dit sous les art. 525 et 546, nous devons cependant entrer encor dans quelques détails, ne fût-ce que pour prévenir deux erreurs que pourrait engendrer la rédaction vicieuse de notre texte.

D'abord ce texte, pris dans son sens naturel, semblerait dire que le propriétaire du colombier, de la garenne ou de l'étang, ne sera propriétaire des nouveaux pigeons, lapins ou poissons, qu'autant qu'il ne les aurait pas attirés par fraude et artifice or, ce serait une erreur. De quelque manière que les animaux soient venus sur le fonds, du moment qu'ils y sont habitués et qu'ils y ont fixé leur demeure, ils appartiennent au propriétaire. Ces animaux ne faisant qu'un seul tout avec mon fonds, ils sont à moi comme le fonds.. Supposez que j'aie attiré frauduleusement vos pigeons, en attachant à mon colombier quelque substance de nature à produire cet effet, supposez même que j'aie été voler quelques poissons dans votre étang pour les jeter dans le mien, comment viendriez-vous revendiquer ces quelques pigeons ou poissons parmi les milliers d'animaux que renferment mon colombier et mon étang?..... C'est bien le cas de dire, avec la théorie romaine, qu'ils sont perdus et anéantis dans ma propriété : Accessio cedit principali; accessio cum principali unitatem facit, et que dès lors ils ne peuvent plus être revendiqués, extinctæ res vindicari non possunt. C'est donc par le fait même de leur accession, et sans aucune condition quelconque, que ces animaux appartiennent au propriétaire du fonds. Seulement (et c'est là ce que l'article a voulu indiquer), quand il y a eu ainsi fraude du propriétaire, ce n'est pas purement et simplement, ce n'est pas sans obligation vis-à-vis de vous qu'il en devient propriétaire; comme c'est par sa faute qu'il vous a causé la perte des animaux, il est tenu de vous en indemniser (art. 1382). Ainsi, tout en demeurant propriétaire des objets, il doit vous en payer la valeur,

sauf encore de plus amples dommages-intérêts, et même des poursuites criminelles, s'il y a lieu (1).

En secon 1 lieu, ce n'est pas seulement pour les pigeons de colombier, les lapins de garenne et les poissons d'étang que la règle s'appliquera; c'est pour toutes les choses mobilières que nous avons vues s'immobiliser par le seul fait de leur accession morale à un immeuble (p. 373-19). Ainsi, des chevreuils, daims et tous animaux constituant le gibier d'un parc, lorsqu'ils passeront de votre parc dans le mien; des clefs de bâtiments, des échalas de vignes qui seraient mis sur mon fonds par un tiers (un fermier, par exemple) deviendront à l'instant ma propriété, sans indemnité dans le premier cas, et sauf indemnité dans le second, parce qu'il y a eu alors gestion d'affaires de la part du tiers (art. 1375).

442. Pour bien préciser le principe mal formulé par notre article, rappelons quelques idées autérieurement développées :

On sait que les immeubles par destination sont les choses mobilières qui, sans tenir réellement à un fonds, sans devenir physiquement immobiles, se trouvent immobilisées fictivement et légalement par leur rapport moral avec le fonds. On sait aussi que ces immeubles par destination sont de deux espèces : 1° les objets pour lesquels l'accession à l'immeuble se réalise par la nature même des choses, sans autre condition ni circonstance que le fait du rapport établi entre eux et l'immeuble, par quelque cause que s'établisse ce rapport; 2o les objets pour lesquels l'accession ne se realise que par la volonté directe du propriétaire et quand ils sont mis sur le fouds à perpétuité par ce propriétaire lui-même tels sont les animaux attachés à la culture, les ustensiles aratoires, les pailles et engrais, etc., etc.

Eh bien, c'est à la première espèce de ces immeubles par destination que s'applique la règle de notre article. En effet, puisque ces objets deviennent l'accessoire du fonds, quelle que soit la cause qui procure leur union morale avec ce fonds, il n'y aura donc pas à rechercher cette cause pour déclarer qu'ils appartiennent au propriétaire du fonds; ils lui appartien-front, dans tous les cas, d'après cette règle absolue, accessio cedit principali, accessorium sequitur principale. Au contraire, la seconde espèce d'immeubles par destination comprenant des objets qui ne s'immobilisent que par la volonté spéciale du propriétaire du fonds, et nullement par la nature des choses, et cette volonté ne devant pas, ne pouvant pas être sanctionnée par la loi quand elle s'exerce en dehors de votre patrim sine, il s'ensuit que l'ac-1 cession ne se réalisera pas pour ces objets, et que dès lors leur imnobilisation n'aura pas lieu, alors même qu'ils auraient été mis à toujours

(1) Pothier enseignait cette doctrine (Dr. de propr, no 167), et M. Duranton a soin de la reproduire en relevant la mauvaise rédaction de notre article (t. IV, no 423). Qant à Toullier, il se contente ici, comme trop souvent, de copier notre article, sans en donner aucune explication (t. III n" 146, alın. dernier), et son annotateur, M. Duvergier, n'ajoute rien au texte de Toullier.

sur le fonds par le propriétaire, s'il n'avait pas le droit de les y mettre. Ainsi, tandis que le poisson sorti de votre étang et tombé dans le mien m'appartient toujours, et quand même je vous l'aurais volé (sauf, alors, des dommages-intérêts), le bœuf que je vous voterais ne deviendrait pas mien, et je ne pourrais pas en empêcher la revendication, par le curieux prétexte que je l'ai attaché à toujours à la culture de mes terres. Nous avons déjà fait cette remarque en terminant l'explication de l'art. 525.

Quant aux meubles immobilisés réellement par leur accession physique au fonds (comme les pierres, briques, poutres formant un bâtiment, ou des cuves, chaudières et autres objets, fixés et scellés en maçonnerie ou autrement), nous avons vu que, malgré la rédaction contraire des art. 522-525, ils sont tous immeubles par nature. Ces objets sont done aussi, comme accessoire et partie de fonds, la propriété du maître de ce fonds. Mais ce n'est pas à ce cas que s'applique notre article; c'est dans les art. 555 à 555 que cette conséquence a été proclamée. II.443. L'explication de cet article et des précédents nous présente une nouvelle preuve de l'inexactitude dans laquelle sont tombés les rédacteurs du Code dans leur classification des immeubles.

Dans le titre précédent, le Code, sans aucun motif de distinction, sans aucune cause logique de division, déclare immeubles par destination seulement les briques entrant dans la maçonnerie qui fixe au sol mes cuves de teinture; puis il appelle immeubles par nature les autres briques entrant dans la maçonnerie du hangar qui abrite ces mêmes cuves. Or, dans notre titre, la nature des choses, la force de la vérité a conduit les rédacteurs à reconnaître implicitement que ces objets doivent être mis sur la même ligne et qu'il n'existe entre eux aucun point logique de démarcation. — Qu'on réfléchisse, et l'on verra que notre section est la meilleure critique de la classification adoptée par le Code, et la justification complète de la théorie que nous avons présentée.

Voyez... Nous avons dit que les objets que le Code appelle immeubles par destination devraient être nommés immeubles par accession, et que, rigoureusement, la classe des immeubles par accession comprenait les bâtiments eux-mêmes, les arbres, les plantes diverses, et généralement tout ce qui tient au sol sans être le sol même. Or, voici que notre section indique en effet les plantations et constructions comme étant acquises par accession au propriétaire du terrain (art. 553-555). Nous avons ajouté que si l'on voulait bien cependant appeler les bâtiments immeubles par nature (en écartant la nature primitive des matériaux pour ne considérer que la nature nouvelle du bâtinrent), il fallait appeler du même nom et mettre sur la même ligne tous les ouvrages quelconque unis physiquement soit au sol immédiatement, soit à un bâtiment fixé lui-même au sol. Or, voici que les art. 555-555 mettent en effet sur la même ligne les constructions et tous autres ouvruges faits sur un terrain ou dans l'intérieur. Nous avons dit que les objets unis physiquement à un fonds ne

devaient pas être confondus avec ceux qui ne sont immobilisés que fictivement, par une accession morale seulement qui ne change pas en fait leur nature mobilière. Or, voici qu'en effet le Code classe ici les uns dans la première partie de la section (art. 553-555), tandis qu'il rejette les autres dans la troisième partie (art. 564). — Nous avons enfin fait voir que les immeubles par simple accession morale (ou par simple destination, pour parler comme le Code) devaient être subdivisés en deux espèces très-distinctes, dont l'une s'immobilise par la force même des choses, tandis que pour la seconde l'immobilisation est soumise à la condition que la chose soit mise sur le fonds par le propriétaire lui-même. Or le Code reconnaît ici la distinction de ces deux espèces, puisque notre art. 564 porte pour la première une règle inapplicable à la seconde, · - Ce dernier article apporte la contradic'ion la plus positive à la proposition, répétée deux fois par l'article 524. qu'un objet n'est immeuble par destination. par accession, qu'autant qu'il est placé sur le fonds par le propriétaire; et M. Demante, entre autres auteurs, tombe à ce sujet dans la même contradiction que le Code (compar, ses nos 516 et 519 avec le no 567), et aussi dans l'erreur que nous venons de signaler au no 441.

SECTION 11.

DU DROIT D'ACCESSION RELATIVEMENT AUX CHOSES MOBILIÈRES.

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565. Le droit d'accession, quand il a pour objet deux choses mobilières appartenant à deux maîtres différents, est entièrement subordonné aux principes de l'équité naturelle

Les règles suivantes serviront d'exemple au juge pour se déterminer, dans les cas non prévus, suivant les circonstances particulières.

I. —444. Les différentes circonstances dans lesquelles peut se présenter l'union de choses mobilières appartenant à plusieurs sont si nombreuses et si variables, qu'il était impossible de soumettre cette matière à des principes absolus.

La décision de chaque affaire est donc abandonnée, par le législateur lui-même, à l'application que devront faire les tribunaux des règles de l'équité naturelle : c'est seulement pour guider le juge dans cette application, et par forme d'exemples, que sont tracées les règles de la section. Toutefois, ces règles, en même temps qu'elles doivent servir d'exemple, sont, bien entendu, des dispositions législatives obligatoires, et ce n'est que dans le silence de la loi dans les cas non prévus, comme le dit positivement l'article, que le juge pourra recourir aux inspirations de sa conscience : quand une espèce sera évidemment prévue par l'un de nos articles, il ne sera plus au pouvoir du juge de s'écarter de la disposition form elle de la loi.

Les règles tracées par les art. 566 à 574 se réfèrent à trois hypothèses:

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