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fruit, ne donne lieu à aucune difficulté ; car il suffira d'appliquer divisément la règle d'acquisition des fruits naturels pour tous les fruits que l'usufruitier a recueillis par lui-même, et celle des fruits civils pour tout le temps où il a existé un fermier (art. 586).

Que si c'était un colon partiaire qui existât, soit à l'ouverture, soit à l'extinction de l'usufruit, on voit que l'usufruitier dans le premier cas, et le propriétaire dans le second, recueilleraient des fruits naturels, comme si le fonds n'était pas loué; mais, bien entendu, ils ne recueilleraient que la portion de ces fruits appartenant au bailleur d'après la convention, les autres étant la propriété du colon (ibid.).

L'usufruitier peut aussi louer les meubles s'il s'agit de choses qu'on est dans l'usage de louer, comme serait un troupeau; ou que le constituant destinait à être louées, comme seraient les livres d'un cabinet de lecture, ou les meubles meublants d'un hôtel (art. 595).

XIII .— L'usufruitier trouvant dans son usufruit un bien incorporel dont il est propriétaire, et qui est meuble ou immeuble selon la nature mobilière ou immobilière de son objet, cet usufruitier, ce pro-priétaire de l'usufruit, peut donc intenter et peut seul intenter les actions possessoires ou pétitoires relatives à son bien, au droit de jouissance; et réciproquement, lui seul a qualité pour défendre aux actions que des tiers voudraient intenter pour cet objet. Cependant si l'une de ces actions était intentée par le nu propriétaire ou contre lui, et qu'il gagnât le procès, le jugement serait bon contre le tiers qui aurait ainsi consenti à prendre pour adversaire ce nu propriétaire, lequel serait devenu par là le gérant d'affaires de l'usufruitier; que si ce nu propriétaire perdait, le jugement ne serait pas valable contre l'usufruitier, qui pourrait refuser de sanctionner une gestion d'affaires qui ne lui a pas été utile. Réciproquement et par la même raison, quoique l'usufruitier n'ait pas qualité pour plaider sur la nue propriété, le jugement obtenu par lui n'en serait pas moins valable contre le tiers, mais celui dans lequel il aurait succombé serait sans force contre le nu propriétaire. Que si le procès concernait la pleine propriété de la chose, c'est-à-dire la nue propriété de l'un et l'usufruit de l'autre, et qu'un seul des deux fût en cause, on appliquerait les règles que nous venons d'indiquer, quant au droit de celui qui n'aurait pas figuré au procès (art. 614).

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XIV. Et puisque l'usufruitier est propriétaire de son droit de jouissance, il s'ensuit qu'il peut aliéner, comme tout autre bien, ce bien incorporel, ou encore le soumettre à une hypothèque s'il s'agit d'un immeuble. Mais il est bien clair qu'il ne peut aliéner ou hypothéquer que son droit d'usufruit, tel qu'il l'a et sans nuire à la nue propriété qui n'est pas sa chose.

Ainsi, dans le cas d'aliénation, à titre gratuit ou onéreux, peu importe, l'acquéreur sera bien propriétaire de l'usufruit à la place du cédant; c'est lui qui en recueillera tous les avantages; c'est par lui ou contre lui que devront être exercées les actions possessoires ou pétitoires relatives à l'usufruit; et il pourra, à son tour, aliéner ou hypoS EDIT., T. II.

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réserve l'usufruit à lui-même.-Ces dispenses, étant de véritables exceptions, ne peuvent pas s'étendre aux cas non prévus : ainsi l'ascendant (même le père ou la mère) qui devient, comme héritier de son descendant, usufruitier légal du tiers des biens pris par les collatéraux, ne serait pas dispensé, puisqu'il est alors usufruitier, non pas du bien du descendant, mais du bien des collatéraux. De même le père ou la mère qui se trouverait usufruitier d'un bien de l'enfant, mais par une cause autre que l'attribution de la loi, devrait la caution, puisqu'il ne serait plus usufruitier légal. Enfin l'acheteur ou donataire. de l'usufruit d'un bien dont le disposant se réserve la nue propriété ne serait pas dispensé, comme l'est le disposant dans le cas inverse (art. 601).

En dehors des trois cas indiqués par la loi, la dispense peut toujours résulter d'une clause de l'acte constitutif; pourvu qu'il ne s'agisse pas du legs d'un usufruit dont l'exercice abusif pourrait nuire aux droits d'héritiers à réserve; car alors ces héritiers pourraient, nonobstant la dispense, exiger caution jusqu'à concurrence de la part de réserve que cet exercice abusif pourrait leur enlever (ibid.).

XX. L'usufruitier non dispensé de donner la caution, et qui n'en trouve pas une, peut offrir en place un gage ou une hypothèque suffisants. Que s'il ne présente ni caution, ni gage, ni hypothèque, on prend, dans l'intérêt du propriétairę, les mesures suivantes :

Les immeubles sont loués ou confiés à un séquestre; les denrées et les effets mobiliers sont vendus, et le prix de leur vente, ainsi que l'argent comptant trouvé au commencement de l'usufruit, sont placés à intérêt, au nom et de l'usufruitier et du nu propriétaire, afin que l'un d'eux ne puisse en recevoir le remboursement à l'insu de l'autre. C'est l'usufruitier, bien entendu, qui reçoit les loyers ou fermages des immeubles et les intérêts des capitaux. Quant aux rentes comprises dans l'usufruit, de même que pour les capitaux placés avant son ouverture, le nu propriétaire doit faire signifier par acte authentique à leurs dé biteurs une défense de les rembourser arrière de lui, vu le défaut de caution.

La règle qu'à défaut de caution les effets mobiliers doivent être vendus, n'est pas sans exception; on peut y déroger, tantôt en faveur de l'usufruitier, tantôt dans l'intérêt du propriétaire.

Ainsi, quand il s'agit d'objets nécessaires à l'usage personnel de l'usufruitier, les juges peuvent, suivant les circonstances, c'est-à-dire en considérant l'importance des objets relativement au reste de l'usufruit, les besoins et la probité de l'usufruitier, ordonner que ces objets lui seront laissés sous la seule garantie de son serment d'en user modérément. Réciproquement, il est des meubles dont la jouissance pourra être enlevée à l'usufruitier sans aucune indemnité pour lui : nous voulons parler d'objets précieux, que l'on conserve avec soin parce qu'on ne les trouve pas facilement dans le commerce, comme serait une collection de médailles, de tableaux ou de statues ; si l'usufruitier ne trouve aucun moyen d'en garantir au propriétaire la resti

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tution et la conservation, il est clair que celui-ci peut les lui enlever (art. 602, 603).

XXI. Au reste, le délai plus ou moins long que l'usufruitier peut mettre à trouver une caution ou une autre garantie équivalente, ne modifie pas son droit aux fruits; ils lui appartiennent toujours du moment même où ils lui auraient appartenu si la caution avait été donnée sans retard, et ceux que le propriétaire aurait recueillis après ce moment devraient être restitués à l'usufruitier (art. 604).

2o Obligations contemporaines à la jouissance de l'usufruitier.

XXII. Dès le jour même de leur entrée en jouissance, commence, pour certains usufruitiers. une obligation qui continue pendant toute la durée de cette jouissance, et ne cesse qu'avec l'extinction de l'usufruit c'est celle d'acquitter annuellement les intérêts des dettes, ou d'une partie des dettes, qui grèvent le patrimoine de la personne qui a transmis l'usufruit. Cette obligation ne frappe que sur l'acquéreur à titre gratuit d'un usufruit universel ou à titre universel (art. 612).

La quotité d'intérêts que doit supporter l'usufruitier universel à titre gratuit se connaît toujours à priori: c'est la totalité, quand il a l'usufruit de tous les biens; c'est le quart, le tiers, la moitié, ou les trois quarts, quand il n'a l'usufruit que de la quotité disponible, et qu'il existe des héritiers à réserve. La quotité que doit l'usufruitier à titre universel est également connue quand son usufruit frappe sur une quote de tout l'ensemble du patrimoine; mais il n'en serait plus ainsi s'il frappait sur tous les immeubles, ou sur tous les meubles, ou sur une quote de ces immeubles ou de ces meubles. Dans ce cas, il faudrait, pour connaître la part contributoire de l'usufruitier dans l'intérêt des dettes, estimer, d'une part, les biens soumis à l'usufruit, d'autre part-l'universalité du patrimoine, et établir une proportion entre les deux valeurs (ibid.).

Il y a plusieurs moyens de faire subir à l'usufruitier le payement des intérêts qu'il doit supporter: 1° si l'usufruit comprend des capitaux, on paye les dettes avec eux, et par là l'usufruitier subit la perte des intérêts, en même temps que le propriétaire celle du capital; 2o si à défaut de capitaux soumis à l'usufruit, le propriétaire paye les dettes de ses deniers, l'usufruitier lui compte, pendant toute la durée de l'usufruit, l'intérêt du capital qu'il a déboursé; 3° si le propriétaire ne peut ou ne veut payer la somme, on vend jusqu'à due concurrence une partie des biens soumis à l'usufruit, et par ce moyen encore l'usufruitier perd l'intérêt, et le propriétaire le capital; 4° enfin, si l'usufruitier, pour éviter la vente du bien, consent à payer lui-même le capital, le propriétaire ne lui remboursera le capital qu'à l'extinction de l'usufruit. Que si les dettes ne sont pas exigibles. Fusufruitier en paye directement les intérêts aux créanciers. C'est ce qui a lien pour les rentes; et aussi bien pour les rentes viagères que pour les rentes perpétuelles. Nous avons déjà vu, en effet, que les arrérages des rentes viagères ne sont que des fruits, de simples intérêts pour la totalité;

Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.

I. — 582. Un fonds est obligé, par la force même des choses (dont la loi ne fait ici que consacrer les conséquences), de recevoir les eaux, et aussi les terres et les cailloux qui descendent naturellement du fonds su périeur ; et réciproquement, le propriétaire du fonds supérieur ne pourrait pas venir me réclamer les pierres ou cailloux amenés sur mon terrain par les eaux, ou descendus par l'effet de la pente du sol.

L'inconvénient pour moi de recevoir tout ce qui tombe du fonds supérieur, mais aussi l'avantage de voir mon terrain s'engraisser au moyen de l'humus qui en peut descendre, sont l'un et l'autre des conditions naturelles et forcées de la position respective de nos héritages.

II. 583. Si c'était par le fait du propriétaire supérieur que des cailloux, des eaux, etc., descendissent sur le terrain inférieur, le proprié. taire de celui-ci ne serait plus obligé de les recevoir; car la loi n'entend consacrer que le résultat naturel de la position des lieux. Ainsi je ne suis pas tenu de laisser couler à travers mon jardin les eaux qui sont amenées sur le vôtre par vos gouttières, et qui forment sur un seul point un courant assez considérable, tandis que, si vous n'aviez pas de gouttières, une bonne partie de ces eaux se perdrait dans votre sol, et l'autre partie arriverait sur mon fonds tellement divisée sur l'étendue de votre terrain, qu'elle ne me causerait que peu ou point de dommage. Vous devez donc, en établissant des gouttières, vous arranger de manière à conserver cette eau dans un réservoir ou à la faire perdre au fond de votre sol, ou s'écouler sur la voie publique (Voy. l'art. 681). - Ainsi encore, je ne suis pas tenu de recevoir vos eaux de ménage, ou celles que jette le déversoir de votre usine, ou celles d'un étang que vous avez créé, etc.; vous devez les faire perdre ou dans votre sol, ou dans un cours d'eau, ou sur la voie publique.

-Et bien entendu, quand vous faites écouler sur la voie publique les eaux dont le cours n'est pas naturel, ce doit être de manière qu'elles se perdent vraiment sur cette voie publique, et non pas de telle sorte qu'elles ne fassent que la traverser pour venir faire irruption sur ma propriété; car la circonstance qu'un chemin sépare nos deux héritages ne peut pas vous autoriser à mépriser mes droits, ni vous dispenser de réparer le tort que vous me causez par votre faute. La présence de la voie publique, sur laquelle on peut faire couler ses eaux, d'après l'art. 681, produit le même effet que la présence d'un terrain intermédiaire dont le propriétaire voudrait bien ne pas se plaindre de l'écoulement de vos eaux; le silence de ce propriétaire ne pourrait pas m'empêcher de me plaindre moi-même du préjudice que je subis (1).

584. Que s'il y avait impossibilité complète d'empêcher l'eau amenée par le fait du propriétaire supérieur de couler sur le fonds inférieur ; par exemple, s'il s'agissait d'un puits artésien qu'on a fait creuser, et

(1) Cassation d'un arrêt de Nancy, 8 janv. 1834 (Dev., 34, 1, 169).

si elles étaient occasionnées par le défaut de réparations d'entretien devenues nécessaires depuis l'ouverture de son usufruit, ou par les dégradations qu'il aurait commises; comme, réciproquement, le propriétaire serait obligé de faire à ses frais les réparations d'entretien qu'il aurait rendues nécessaires par son fait (art. 605-607).

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N. B. Il serait difficile de préciser la ligne de démarcation qui sépare les réparations d'entretien et les grosses réparations. Ce qu'on peut dire, c'est que les réparations d'entretien sont celles qui, revenant périodiquement, passent universellement pour une charge des revenus; tandis que les autres sont des accidents exceptionnels. Les grosses réparations ont en général pour objet de refaire ou 1o toute une partie des constructions, comme une toiture entière, une cheminée entière, tout un mur de clôture; ou 2o une chose dont la ruine entraînerait immédiatement ou prochainement celle d'une construction entière, comme une poutre ou l'un des gros murs d'un bâtiment. C'est par application du principe qui oblige l'usufruitier à entretenir la chose sans lui imposer les grosses réparations que l'usufruitier d'un troupeau est tenu de maintenir toujours ce troupeau dans le même état, en remplaçant annuellement les vieilles têtes par de jeunes animaux nés de ce troupeau, et même, quand le troupeau périt en partie, en employant ces jeunes animaux à le recompléter, mais sans jamais être tenu d'acheter des bêtes : c'est seulement au moyen du croît qu'il doit maintenir le troupeau (art. 606, 616).

XXV. Quand des charges extraordinaires viennent frapper sur le bien soumis à l'usufruit; par exemple, si par suite d'une guerre, une somme fixe est levée sur les propriétaires d'une commune, d'un canton, etc., en proportion de la valeur de chaque propriété, l'usufruitier est obligé de supporter les intérêts de la somme pour laquelle le fonds contribue; et l'on applique alors un des quatre modes indiqués plus haut dans le n° XXII (art. 609).

XXVI. Les frais des procès relatifs au bien soumis à l'usufruit sont à la charge de l'usufruitier d'après les distinctions suivantes. La règle est différente selon que l'usufruit est établi à titre gratuit ou à titre onéreux.

1o Quand l'usufruit est à titre gratuit, l'usufruitier supporte pour le tout, c'est-à-dire pour le capital aussi bien que pour les intérêts, les frais du procès qui ne concerne que la jouissance. Que si le procès concerne la pleine propriété, l'usufruitier et le nu propriétaire contribuent au payement de ces frais de l'une de ces deux manières. Si après le procès dont il s'agit, l'usufruit continue, le nu propriétaire subit la perte du capital, et l'usufruitier celle de la jouissance, par l'un des quatre moyens déjà indiqués; que si le procès a eu pour résultat l'extinction de l'usufruit, c'est une fraction du capital même des frais que l'usufruitier doit payer. Cette fraction sera, par rapport à la somme totale, celle que présentait la valeur de l'usufruit par rapport à la valeur de la pleine propriété.

2o Quand l'usufruit est à titre onéreux, le constituant étant alors tenu

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