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AU NOM DU DIEU TOUT PUISSANT,

S. M. I., le très haut et très puissant empereur et autocrate de toutes les Russies,

Et S. H. le très haut et très puissant empereur des Ottomans,

Animés d'un égal désir de mettre un terme aux calamités de la guerre, et d'établir, sur des bases solides et immuables, la paix, l'amitié et la bonne harmonie entre leurs empires, ont résolu, d'un commun accord, de confier cette œuvre salutaire à (suivent les noms et titres des plénipotentiaires).

Art. 1er. Toute inimitié et tous différends qui ont existé jusqu'à présent entre les deux empires cesseront à compter de ce jour, tant sur terre que sur mer, et il aura, à perpétuité, paix, amitié et bonne intelligence entre S. M. l'empereur et padishah de toutes les Russies et S. H. le padishah des Ottomans, leurs héritiers et successeurs au trône, ainsi qu'entre leurs empires respectifs. Les deux hautes parties contractantes porteront toute leur attention à empêcher tout ce qui pourrait faire renaître la mésintelligence entre leurs sujets respectifs; ils exécute

LESUR, Annuaire historique, 1829.

ront scrupuleusement toutes les conditions du présent traité de paix, et veilleront en même temps à ce qu'il ne soit enfreint en aucune manière, directement ou indi

tement.

2. S. M. l'empereur et padishah de toutes les Russies, désirant donner à S. H. l'empereur et padishah des Ottomans un gage de la sincérité de ses dispositions amicales, rend à la Sublime-Porte la principauté de Moldavie, avec toutes les frontières qu'elle avait avant le commencement de la guerre à laquelle le présent traité a mis fin. S. M. I. rend aussi la principauté de Valachie, le banat de Crajova, la Bulgarie et le pays de Dobrige, depuis le Danube jusqu'à la mer, ainsi que Silistrie, Hirsova, Matzia, Isaktia, Toulza, Babadag, Bazardjik, Varna, Pravady et autres villes, bourgs et villages qu'il contient, toute l'étendue du Balkan, depuis Emineh-Bournou jusqu'à Kosan, et tout le pays depuis le Balkan jusqu'à la mer, avec Selimnea, Jamboli, Aidos, Karnabat, Missenovica, Akhioly, Bourgas, Sizopolis, Kirk-Klissi, la ville d'Andrinople, Lule-Bourgas, et toutes les villes, bourgs et villages, et en général toutes les places que les troupes russes ont occupées dans la Romélie.

3. Le Pruth continuera de former la limite des deux empires, depuis le point où cette rivière touche au territoire de la Moldavie jusqu'à sa jonction avec le Danube. De ce point, la ligne frontière suivra le cours du Danube jusqu'à l'embouchure de Saint-Georges; de sorte que, laissant toutes les îles formées par les divers bras de cette rivière en possession de la Russie, la rive droite restera, comme anciennement, en possession de la Porte ottomane. Cependant il est convenu que cette rive droite restera inhabitée depuis le point où le bras de Saint-Georges se sépare de celui de Soulini, à une distance de deux heures de la rivière, et qu'aucun établissement d'aucune espèce n'y sera formé, non plus que sur les îles qui resteront au pouvoir de la cour de Russie, où, , à l'exception des quarantaines qui pourront y être établies, il ne sera permis de faire aucun autre établissement ou fortifications. Les bâtimens marchands des deux puissances auront la liberté de parcourir le Danube dans tout son cours, et ceux qui porteront pavillon ottoman auront libre entrée dans les embouchures de Keli et Soulini, celle de SaintGeorges restant commune aux navires de guerre et bâtimens marchands des deux puissances contractantes. Mais les navires de guerre russes, lorsqu'ils remonteront le Danube, n'iront pas au delà du point de sa jonction avec le Pruth.

4. La Géorgie, l'Imirète, la Mingrélie, le Gouriel, et plusieurs autres provinces du Caucase, ayant été depuis longues années et à perpétuité unies à l'empire de Russie, et cet empire ayant, en outre, par le traité conclu avec la Perse à Towrk'wantchai le 10 février 1828, acquis les khanats d'Erivan et de Naktchivan, les deux hautes parties contractantes ont reconnu la nécessité d'établir entre leurs états respectifs tout le long de cette ligne une frontière bien tracée qui puisse prévenir toute discussion future. Elles ont également pris en considération les moyens convenables d'opposer des obstacles insurmontables aux incursions et déprédations que les tribus voisines ont commises jusqu'à ce jour, et qui ont si souvent compromis les relations d'amitié et de bonne affection entre les deux empires; en conséquence, il a été convenu de considérer dorénavant comme la frontière entre les territoires de la cour impériale de Russie et ceux de la Sublime-Porte ottomane en Asie la ligne qui, suivant la limite actuelle du Gouriel depuis la mer Noire, remonte jusqu'au bord de l'Imirète, et de là en ligne droite jusqu'au point où les frontières des pachalicks d'Akhaltzik et de Kars rencontrent celles de la Géorgie, laissant, de cette manière, au nord et au dedans de celle ligne la ville d'Akhaltzik et le fort de Khallnanick à une distance moindre de deux heures.

Tous les pays situés au midi et à l'ouest de cette ligne de démarca tion, vers les pachaliks de Kars et de Trébizonde, ainsi que la majeure partie du pachalick d'Akhaltzik, resteront à perpétuité sous la domination de la Sublime-Porte, tandis que ceux qui sont situés au nord et à l'est de ladite ligne vers la Géorgie, l'Imirète et le Gouriel, ainsi que le littoral de la mer Noire, depuis l'embouchure du Kouhen jusqu'au port Saint-Nicolas inclusivement, seront sous la domination de l'empereur de Russie. En conséquence, la cour impériale de Russie abandonne et rend à la Sublime-Porte le reste du pachalik d'Akhaltzik, la ville et le pachalik de Kars, la ville et le pachalik de Bayazid, la ville et le pachalik d'Erzeroum, ainsi que les places occupées par les troupes russes qui peuvent être en dehors de la ligne ci-dessus mentionnée.

5. Les principautés de Moldavie et Valachie s'étant, par une capitulation, placées sous la suzeraineté de la sublime Porte, et la Russie ayant garanti leur prospérité, il est entendu qu'elles conserveront tous les priviléges et immunités qui leur ont été accordés en vertu de leur capitulation, soit par les traités conclus entre les deux cours impériales ou par les hatti-schérifs promulgués à diverses époques. En conséquence, elles jouiront du libre exercice de leur religion, d'une parfaite sécurité, d'une administration nationale et indépendante, et d'une entière liberté

de commerce. Les clauses additionnelles aux stipulations précédentes, jugées nécessaires pour assurer à ces deux provinces la jouissance de leurs droits, seront insérées dans l'acte séparé annexé, qui est et sera considéré comme formant partie intégrante du présent traité.

6. Les circonstances qui se sont présentées depuis la conclusion de la convention d'Akerman n'ayant pas permis à la Sublime-Porte` d'entreprendre immédiatement l'exécution des clauses de l'acte séparé relatif à la Servie, et annexé au 5o article de ladite convention, la Sublime-Porte s'engage de la manière la plus solennelle à les exécuter sans le moindre délai et avec la plus scrupuleuse exactitude, et de procéder sur-tout à la restitution immédiate des six districts détachés de la Servie, afin d'assurer pour toujours la tranquillité et le bien-être de cette nation fidèle et soumise. Le firman confirmé par le hatti-shérif qui ordonnera l'exécution des clauses ci-dessus, sera livré et communiqué à la cour impériale de Russie dans l'intervalle d'un mois à compter de la signature du présent traité de paix.

7. Les sujets russes jouiront, dans toute l'étendue de l'empire ottoman, tant par terre que par mer, de la liberté pleine et entière de commerce, qui leur a été assurée par les traités précédens conclus entre les deux hautes puissances contractantes. Aucune infraction à cette liberté de commerce ne sera commise, et il ne sera pas permis de l'interrompre dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, par une prohibition ou restriction quelconque, ni en conséquence d'aucun règlement ou mesure soit d'administration ou de législation intérieure. Les sujets, bâtimens et marchandises russes seront à l'abri de toute violence, de toute chicane. Les premiers seront sous la juridiction exclusive et la police des ministres et consuls de Russie. Les bâtimens russes ne seront soumis à aucune visite quelconque de la part des autorités ottomanes, ni à la mer, ni dans aucun des ports ou rades appartenant aux possessions de la Sublime-Porte. Toutes les marchandises et denrées appartenant à un sujet russe, après avoir payé les droits de douane stipulés par les tarifs, seront librement transportées, déposées à terre dans les magasins du propriétaire ou de son consignataire, ou autrement transportées à bord des bâtimens de toute autre nation quelconque, sans que les sujets russes soient tenus d'en donner avis aux autorités locales, et encore moins de demander leur autorisation. Il est expressément convenu que tous les grains provenant de la Russie jouiront des mêmes priviléges, et que le transit libre n'éprouvera jamais, sous aucun prétexte, de difficulté ou d'obstacle. La Sublime-Porte s'engage, en outre, à veiller soigneusement à ce que le commerce et la navigation de la mer Noire n'éprouvent pas la moindre entrave d'une nature quelconque,

Dans ce but, la Sublime-Porte reconnaît et déclare le passage du canal de Constantinople et le détroit des Dardanelles entièrement libres et ouverts aux bâtimens russes sous pavillons marchands, chargés ou sur leur lest, soit qu'ils viennent de la mer Noire pour aller dans la Méditerranée, ou soit que, revenant de la Méditerranée, ils veuillent rentrer dans la mer Noire. Ces bâtimens, pourvu que ce soient des navires marchands, de quelque grandeur qu'ils soient, quel que soit leur tonnage, ne seront exposés à aucune entrave ou vexation quelconque, comme il a été stipulé ci-dessus. Les deux cours s'entendront sur les meilleurs moyens employer pour empêcher tout délai dans l'expédition des acquits de la douane nécessaires. En vertu du même principe, le passage du canal de Constantinople et du détroit des Dardanelles est déclaré libre et ouvert à tous les bâtimens marchands des puissances en paix avec la SublimePorte, soit qu'ils se rendent dans les ports russes de la mer Noire ou qu'ils en viennent, soit qu'ils soient chargés ou sur leur lest, aux mêmes conditions que celles stipulées pour les bâtimens sous pavillon russe. Enfin, la Sublime-Porte reconnaissant le droit de la cour impériale de Russie d'obtenir une garantie de cette pleine liberté de commerce et de navigation dans la mer Noire, déclare solennellement que jamais, et sous aucun prétexte quelconque, elle n'y apportera le moindre obstacle ; elle promet surtout de ne jamais se permettre, à l'avenir, d'arrêter ou détenir des bâtimens chargés ou sur leur lest, soit russes ou appartenant à des nations avec lesquelles l'empire ottoman ne sera pas en état de guerre déclarée, qui passeraient par le détroit de Constantinople et le détroit des Dardanelles pour se rendre de la mer Noire dans la Méditerranée ou de la Méditerranée aux ports russes de la mer Noire; et si, à ce que Dieu ne plaise, quelqu'une des stipulations contenues dans le présent article était enfreinte, et que la réclamation du ministre russe à ce sujet n'obtînt pas une satisfaction pleine et prompte, la Sublime-Porte reconnaît d'avance le droit de la cour impériale russe de considérer une telle infraction comme un acte d'hostilité, et de faire immédiatement des représailles sur l'empire ottoman.

8. Les arrangemens précédemment stipulés par le 6o article de la convention d'Akerman, dans le dessein de régler et liquider les droits des sujets et marchands respectifs des deux empires, relativement à l'indemnité pour les pertes éprouvées à diverses époques depuis la guerre de 1806, n'ayant pas encore été mis à exécution, et le commerce russe n'ayant, depuis la conclusion de la susdite convention, souffert de nouveaux et considérables dommages en conséquence des mesures adoptées sur la navigation du Bosphore, il est arrêté et convenu que la SublimePorte, comme réparation pour ces dommages et ces pertes, paiera à la

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