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deux cours conservent, n'étant pas en guerre avec l'empire ottoman, le but de nos efforts et des leurs pour la pacification de la Grèce, ne cessera d'être le même : les mêmes intentions dirigeront leurs démarches et nos armes, les mêmes liens continueront de nous unir à elles pour le visible avantage de l'Europe et de l'humanité.

Il vous sera aisé, avec ces notions, de réfuter les bruits que la malveillance ou la peur feront circuler sur de prétendus dangers, qui menaceraient le maintien de la paix générale.

Il ne vous sera pas difficile non plus de répondre aux assertions qui tendent à effrayer tous les États européens des vues ambitieuses de la Russie, et de ses vastes projets de conquêtes.

Le traité de Londres aurait suffi pour réduire au néant ces accusations calomnieuses, s'il était possible de jamais imposer silence à la mauvaise foi. Ceux qui les répandent n'en connaissent pas moins que nous l'absurde fausseté, et cependant, ils s'efforcent d'en préoccuper les gouvernemens et les peuples. Sans étouffer ces clameurs, heureusement impuissantes, notre déclaration placera encore une fois dans tout son jour la modération de l'empereur. S. M. veut que les traités entre la Russie et la Porte se renou

vellent de manière à être efficaces et à renfermer en euxmêmes la garantie de leur observation scrupuleuse. Peutil y avoir une intention plus juste, plus naturelle et plus sincèrement pacifique? S. M. veut que la liberté de la navigation du Bosphore et du commerce de la mer Noire suit désormais inviolable. Les intérêts les plus chers de ses États lui dictent ce désir, et nous ne connaissons pas de pays qui ne doive le partager pour son propre bien. S. M. veut de plus que la crise du moment serve à la pacification du Levant tout entier. Un traité formel lai impose l'obligation d'y coopérer de tout son pouvoir; et l'accomplir,

c'est faire disparaître, au rétablissement de la paix, le dernier germe d'une autre guerre. Sans doute, l'empereur demandera à la Porte d'indemniser la Russie des frais de celle qui commence, et ses sujets des pertes dont ils ont à se plaindre. Mais cette demande découle des principes de la plus stricte équité. Et d'ailleurs, quand nous annonçons que des vues ambitieuses nous sont étrangères, que nous n'en voulons point à la puissance ottomane, et qu'aucun sacrifice trop onéreux ne sera réclamé de sa part, nous encouragerions ses efforts et nous l'inviterions, en quelque sorte, à prolonger les hostilités, si nous ne lui faisions sentir qu'en les prolongeant, elle aggravera sa position. Au demeurant, l'indemnité à exiger de la Turquie, sera réglée par S. M. I. d'après cette même modération qui caractérise toute sa politique.

Faut-il une preuve encore de ses véritables desseins? La lettre dont j'ai ordre d'accompagner notre déclaration, en la notifiant au grand-visir, démontre qu'il ne tient qu'à la Porte de conclure la paix avec nous; et que si, d'un côté, nous ne pouvons nous laisser entraîner dans une négociation qui nous ferait perdre toute une campagne, au cas où elle suspendrait les opérations militaires, de l'autre, notre unique pensée est d'ouvrir, dès à présent, les voies à une réconciliation aussi prompte que durable.

Au moment où nous traçons ces lignes, nos troupes vont franchir nos frontières, et le commandant en chef des armées de l'empereur adresse aux habitans des deux principautés une proclamation que je me fais un devoir de vous communiquer ci-après. Aucune espérance exagérée n'y est donnée aux Moldaves ni aux Valaques, aucun mot n'y dénote des intentions que la Porte elle-même ne puisse et ne doive approuver. Tous nos soins ont maintenant pour objet de conserver la tranquillité en Servie, et d'y empêcher une insurrection contre les Turcs, malgré les mesures

hostiles que le divan, toujours imprudent et aveugle, adopte envers cette province.

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Lettre du prince de METTERNICH, adressée, le 22 oct. 1814, au prince de HARDENBERG.

MON PRINCE,

J'ai reçu la lettre confidentielle que V. A. m'a fait l'honneur de m'adresser, le 9 octobre; je l'ai soumise à l'empereur, et S. M. I. m'a autorisé à développer au cabinet prussien, dans la réponse suivante, sa pensée entière.

L'intérêt que l'empereur voue à la prospérité de la Prusse n'a plus besoin d'assurance de sa part. Le jour où S. M. I. a pris sur elle de conseiller au roi de ne pas arrêter le noble élan qui, vers la fin de l'année 1812, l'avait porté à préparer des moyens, pour seconder les efforts que l'empereur de Russie avait annoncé vouloir consacrer au soutien de la cause de l'indépendance de l'Europe; ce jour même, la détermination de S. M. I. de ne pas séparer ses intérêts de ceux de la Prusse ne pouvait être douteuse. Décidé à sauver l'Europe en se liant d'intention et d'effet avec les puissances liguées pour cette fin, ou à partager toutes les chances de malheur de la Prusse, l'empereur n'a pas dévié un moment de la ligne qu'il s'était tracée.

TOME III.

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Le succès le plus complet ayant couronné l'entreprise des alliés, S. M. I. saisit toutes les occasions pour fournir à l'Europe des preuves de son éloignement de toute vue personnelle, de confiance dans les souverains amis, d'égards pour leurs intérêts, de sollicitude pour ceux de la Prusse. Convaincu que le seul résultat digne d'aussi grands efforts et de sacrifices aussi immenses, serait l'établissement d'un système de paix fondé sur une juste répartition de forces entre les puissances, l'empereur admit comme une des premières bases de ce système la reconstruction de la monarchie prussienne sur l'échelle de la plus grande dimension antérieure ; il n'hésita pas à déclarer qu'il verrait sans nulle jalousie le renforcement de cette monarchie au-delà même de ces bornes. Sur l'union la plus intime de l'Autriche et de la Prusse, renforcée par celle d'une fédération germanique, placée sous l'influence égale des deux États, sans que l'Allemagne cessât de former un seul corps politique, l'initiative appartient au cabinet autrichien. La marche entière de l'Autriche, tous les traités conclus par elle portent l'empreinte de cette idée, qui, dans son développement, et par l'intimité des puissances centrales que ce développement amènerait, offrirait à l'Allemagne une garantie de repos, et à l'Europe entière un gage de paix.

Des prétentions qui se sont élevées dans les derniers temps entravent cependant directement un système aussi salutaire. Trois objets occupent dans ce moment plus particulièrement la sollicitude des deux cabinets. Il s'agit de fixer des bornes aux vues que la Russie développe d'une manière aussi inquiétante pour le repos de l'Europe qu'elles

sont contraires aux textes des traités d'alliance avec l'Autriche et la Prusse. Le sort de la Saxe, et la répartition des territoires occupés provisoirement par les alliés, forment les autres.

L'empereur regarde le sort du duché de Varsovie comme trop intimément lié aux intérêts directs des deux puissances copartageantes de la Pologne, aussi bien qu'à ceux de l'Europe entière, pour le confondre avec un autre.

La Prusse a des motifs, pour le moins aussi puissans que l'Autriche, pour empêcher que la Russie ne dépasse de certaines bornes, et surtout pour qu'elle ne s'empare des points de défense nécessaires aux deux monarchies. L'Europe ne désire pas moins que le roi puisse cimenter de plus en plus les rapports les plus conformes à ses sentimens d'attachement et de reconnaissance personnelle envers l'empereur de Russie; mais elle ne saurait croire que de pareils rapports puissent exister à la longue, s'ils ne sont assis sur des principes avoués par les maximes d'une saine politique. L'empereur ne nourrit aucun doute que le roi ne partage et ses sentimens et ses principes, et il compte sur son appui pour le soutien d'une cause à laquelle se lient leurs intérêts les plus chers, pour le soutien de laquelle se prononcent les premières puissances de l'Europe, et en faveur de laquelle parlent, et les termes les plus précis des traités, et les principes qui ont guidé, dans sa belle carrière, Alexandre lui-même.

L'empereur m'a autorisé de m'entendre avec V. A. et lord Castlereagh, sur la suite immédiate à donner aux points de vue lumineux établis dans le mémoire de ce secrétaire d'État.

Les vues de la Prusse sur l'incorporation de la Saxe à sa monarchie sont un véritable sujet de regret pour l'empereur. Sans discuter cette question sous le rapport du droit, S. M. I. voit avec peine qu'une des plus anciennes dynasties de l'Europe puisse être menacée de perdre tout le patrimoine de ses pères, sous un système réparateur. L'intérêt direct de l'Autriche se lie par beaucoup de considérations à la conservation de la Saxe; des liens de fa

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