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son pouvoir de sortir avec honneur et sûreté. L'empereur de Russie, de son côté, n'a point balancé de faire une première démarche décisive vers le but de la conciliation: la Sublime-Porte est dans l'obligation de faire la seconde, toute l'Europe s'y attend. Un refus de la part du divan fournirait la triste preuve que son désir de conserver la paix n'est nullement aussi sincère, que ses amis, et l'Angleterre la première, l'ont constamment présenté. Dans tous les cas, il est essentiel que la Sublime-Porte n'ignore pas que ce point se rattache si intimement au propre bien-être de l'Angleterre et de ses alliés, que jamais ils ne se désisteront d'une demande, de la justice et de la convenance de laquelle ils sont tous pleinement convaincus.

tés

3o Il n'est pas à présumer que les avantages et les sûreque la Sublime-Porte retirerait aussitôt d'une adhésion franche et loyale puissent échapper à la perspicacité d'une réunion d'hommes d'État aussi éclairés que ceux qui forment le ministère actuel de S. H.; ils n'ont qu'à les peser dans la balance du sens commun contre l'utilité chimérique de la présence de quelques milliers d'hommes dans les principautés, et bientôt la vérité l'emportera sur l'erreur. D'ailleurs, à quel progrès la Sublime-Porte peut-elle s'attendre dans l'ajustement des prétentions qu'elle-même compte faire valoir auprès du cabinet russe, soit pour des objets de commerce, soit pour des questions politiques, tant qu'un ministre de la Russie ne retournera pas dans la capitale ottomane? et quelle utilité pourrait-on se promettre de ce retour, tant que durera une violation aussi flagrante et injustifiable de ces mêmes traités, dont l'exécution la plus scrupuleuse serait sans aucun doute la première et la plus agréable tâche du nouveau ministre de S. M. I.?

La Sublime-Porte compterait-elle pour rien la certitude d'augmenter le nombre et la validité de ses titres, à l'es

time et à l'affection de ses amis, dans la même proportion qu'elle détruira les folles chimères de ses ennemis? La Sublime-Porte ignore-t-elle l'alarme répandu parmi les insurgés depuis que l'arrivée d'un agent russe est venu ajouter à la probabilité de la conservation de la paix? Ignoret-elle les efforts du gouvernement grec, les stratagèmes auxquels il a eu recours pour empêcher la circulation d'une nouvelle si fatale à ses projets, si destructrice de tout espoir d'accroître les difficultés et les malheurs de l'empire en le plongeant dans une guerre avec la Russie? Et, si telle a été l'alarme que l'arrivée d'un simple agent russe a donnée aux insurgés, quel effet ne produira pas sur eux la présence d'un représentant de S. M. l'empereur Alexandre dans la capitale du sultan, d'un ministre chargé de la tâche honorable de mettre le sceau à l'œuvre de la réconciliation, et d'imprimer aux nouvelles relations entre les deux cours le double caractère de la cordialité et de la stabilité?

4o Les inconvéniens majeurs et les périls certains qui seraient le résultat d'un refus ou d'un délai de la part de la Sublime-Porte, sont tous si faciles à apercevoir, et ils ont été tant de fois déjà si franchement indiqués au ministère de S. H., que le soussigné croit pouvoir se dispenser de la pénible obligation de les énumérer de rechef.

Pourtant, il est de son devoir d'appeler plus spécialement l'attention tout entière de la Sublime-Porte sur une de ces conséquences inévitables : il s'en acquitte en déclarant maintenant au nom de son auguste cour que, si le divan met du prix à conserver les relations cordiales qui unissent si heureusement la Grande-Bretagne et la Turquie; s'il désire s'assurer la continuation des bons offices employés avec tant de zèle et de constance dans sa faveur; si, en un mot, le divan souhaite que le présent lui soit un gage de l'avenir, il n'hésitera pas d'acquiescer à une de

mande de l'admission de laquelle dépend la nature de ses relations futures, plus ou moins amicales avec l'Angle

terre.

Après avoir ainsi rempli les ordres du roi son maître, le soussigné a l'honneur d'informer la Sublime-Porte qu'il est autorisé par l'empereur de toutes les Russies à lui faire connaître que l'évacuation totale et immédiate des principautés est actuellement la seule et unique condition de laquelle S. M. I. fait dépendre le rétablissement de ses rapports diplomatiques avec le gouvernement ottoman; que cette condition, de tout temps la première, est aussi la dernière; et que dès l'instant où la Sublime-Porte remplira sur ce point essentiel ce que les traités lui prescrivent, le nouveau ministre de S. M. I. quittera Saint-Pétersbourg pour se rendre à Constantinople, y renouera les relations d'amitié si long-temps interrompues, et prouvera au divan, à l'aide d'une conduite toujours franche et loyale, la disposition du cabinet russe d'ensevelir tous les différends antérieurs dans un profond oubli.

Cette déclaration, aussi noble que bienveillante, constitue une nouvelle époque dans l'importante négociation qui occupe la sollicitude de l'Europe. Elle réduit la question à ses élémens les plus simples. La Sublime-Porte est officiellement informée maintenant que le retour d'une mission russe ne dépend plus que d'une seule condition, de la simple condition d'exécuter les traités, en d'autres mots, de la condition de faire ce qui est juste, utile, indispensable.

Le soussigné invite S. Ex. le reiss-effendi de porter le présent mémoire à la haute connaissance de l'empereur son maître; et telle est la confiance des cabinets réunis de l'Europe dans la sagesse du sultan, que tous se plaisent à attendre un résultat entièrement satisfaisant de leurs instantes représentations sur un objet qui concerne les intérêts les plus chers de l'empereur turc.

Le soussigné a ordre de son gouvernement de demander une conférence officielle avec les ministres de la SublimePorte, afin de recevoir la réponse de LL. EE. aux observations qu'il vient de leur soumettre, aussitôt que celles-ci auront été prises en mûre considération.

Signé STRANGFORD.

OFFICES ET NOTES.

OFFRE DE MÉDIATION.

Note du duc de WELLINGTON, adressée au duc
de MONTMORENCY.

Paris le 17 décembre.

Le soussigné, ministre plénipotentiaire de S. M. britannique, a expliqué et rapporté dans les conférences de Vérone, les sentimens de son gouvernement sur l'état critique actuel des affaires entre la France et l'Espagne, et la sollicitude sincère du roi son maître pour détourner une guerre dont aucune prévoyance humaine ne peut calculer les conséquences.

A son arrivée à Paris, le soussigné a trouvé des instructions de son gouvernement pour offrir à S. M. T. C. la médiation du roi son maître, avant qu'on ait fait la démarche décisive de transmettre à Madrid les dépêches rédigées à

Vérone.

Le soussigné se réjouit du délai mis à la transmission de ces dépêches à Madrid, par les invitations envoyées à Vérone; et son gouvernement a appris avec la plus vive satisfaction la résolution du gouvernement français, de pren

dre de nouveau en considération une mesure contre laquelle le soussigné s'est élevé avec tant d'intérêt.

S. M. espère sincèrement que ce nouvel examen salutaire pourra empêcher d'avoir recours aux armes ; mais comme le résultat du renvoi fait à Vérone peut être encore douteux, le soussigné a ordre de déclarer que, si la réponse à ce renvoi n'est pas telle qu'il arrête tout danger des hostilités, S. M. sera prête à accepter l'office de médiatrice entre les gouvernemens français et espagnol, et à employer ses plus grands efforts pour concilier leurs différends et conserver la paix du monde.

Signé WELLINGTON.

Note du duc de MONTMORENCY, en réponse à la précédente.

Paris, le 26 décembre 1822.

Le soussigné, ministre des affaires étrangères, a reçu et mis sous les yeux du roi la note que S. Exc. le duc de Wellington lui a fait l'honneur de lui adresser le 17 de ce mois.

S. M. a apprécié les sentimens qui ont engagé le roi d'Angleterre à offrir sa médiation à S. M., afin de prévenir une rupture entre elle et le gouvernement espagnol; mais S. M. n'a pu s'empêcher de voir que la situation de la France à l'égard de l'Espagne n'était pas de nature à appeler une médiation entre les deux cours.

En fait, il n'existe aucun différend entre elles, aucun point spécial de discussion par l'arrangement duquel leurs relations pourraient être rétablies dans l'état où elles devraient être. L'Espagne, par la nature de sa révolution et par les circonstances qui l'ont accompagnée, a excité les craintes de plusieurs grandes puissances ; l'Angleterre a partagé ces craintes,

TOME III.

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