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opérations militaires de la France peuvent se résumer ainsi : Il fit franchir le Rhin par l'armée du général Muller, investir Philisbourg, menacer Ulm en se portant sur l'Ens, éclairer les mouvements de l'armée russe qui traversait la Bavière, la tenir en échec et empêcher les princes de la rive gauche de joindre de nouvelles troupes aux forces autrichiennes. Ces opérations avaient également pour but d'appeler l'archiduc sur les bords du Rhin, de dégager ainsi l'armée d'Helvétie et de permettre à Masséna de prendre l'offensive. Le prince Charles, craignant, en effet, de se voir déborder par l'armée du général Muller, s'éloigna des montagnes de la Suisse, à la lète de vingt-cinq mille hommes, et Masséna, libre de ses mouvements, put livrer l'immortelle bataille de Zurich, dont le résultat fut d'affaiblir les liens de la coalition et de ranimer l'ardeur des légions républicaines. En envoyant à Brune tous les secours dont il pouvait disposer, Bernadotte contribua également aux succès de l'armée de Hollande contre les Anglo-Russes à Bergen et à Castricum. Sans doute il n'était plus ministre lorsque ces grands

» fautes, il n'organisa rien, et le Directoire fut obligé de lui retirer le portefeuille. Il n'était pas ministre quand Masséna décida de la cam»pagne par la victoire de Zurich à la fin de septembre 1799: il fut tout » à fait étranger à ces combinaisons. » Mémoires de Napoléon, t. 1, p. 213.)

T. I.

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événements s'accomplirent, mais il faut reconnaître que son administration les avait préparés (1).

Quelques historiens bénévoles ont prétendu que Bernadotte, sincèrement dévoué à la constitution de l'an III, n'accepta le ministère que pour soustraire la France à la dictature de Bonaparte, dont il pénétrait les projets d'usurpation. Il avait, disentils, deviné ses vues ambitieuses, et un des motifs qui le déterminérent à entrer au pouvoir fut d'éviter que le retour du général de l'armée d'Égypte ne devint une nécessité publique. Il ne pouvait supporter l'idée de voir retomber sa patrie sous l'autorité d'un seul homme quel qu'il fût, et tous ses efforts tendaient à former un contre-poids à l'influence de Bonaparte (2). C'eût été là assurément une noble ambition; mais les faits permettent-ils de la donner pour motif à la conduite de Bernadotte, à l'époque où ce général, déjà allié de la famille Bonaparte, accepta de portefeuille de la guerre des mains du Directoire? Sans contester la sincérité de ses principes démocratiques en 1799, ne peut-on pas attribuer son acceptation à un autre ordre d'idées et d'intérêts? Examinons. A cette époque Bernadotte était encore républicain, et les patriotes trouvèrent un appui

(1) Voir pièces justificatives, no 3.

(2) Touchard-Lafosse: - Encyclopédie des gens du monde ;-Fastes de la Légion d'honneur, etc., etc.

dans le nouveau ministre cela est incontestable. Cependant ce général était beaucoup moins prononcé que la plupart de ses collègues de l'armée d'Italie (1). et l'on doit se souvenir qu'en arrivant sur le Tagliamento sa division croisa souvent le fer avec les soldats d'Augereau au sujet du mot monsieur que les officiers de l'armée du Rhin substituaient volontiers au nom de citoyen. Bernadotte avait une ambition inquiète, et que les rapports secrets du Directoire avec Joubert avaient déjà offusquée. Depuis la mort de ce général, il croyait qu'on songeait à Moreau pour favoriser un coup d'Etat; et, en effet, Sieves avait fait d'inutiles tentatives pour associer Moreau à ses projets. Toutes ces circonstances excitèrent le mécontentement de Bernadotte et contribuèrent, autant au moins que ses principes politiques, à le rattacher à la cause des patriotes.

C'était au moment où Jourdan (27 fructidor) fit aux Cinq-Cents la fameuse proposition de déclarer la patrie en danger: proposition qui entraînait la levée en masse et un retour aux grandes mesures révolutionnaires. Elle fut combue par les poliliques et défendue par les Liotes, avec une égale ardeur. Les premiers soutenaient qu'elle n'aurait pour résultat que d'exciter des craintes exagérées et des agitations dangereuses; les seconds mainte

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(1) Histoire de la Révolution française, par Thiers, t. x, p. 378.

naient qu'elle seule pouvait sauver la révolution. Dans cet état de choses, on répandait le bruit que, pressé par les jacobins, Bernadotte allait se placer à leur tête et faire une journée. C'est alors que Barras, Sieyes et Fouché convinrent, dit M. Thiers, d'arracher à Bernadotte sa démission sans la lui donner, et nous verrons bientôt comment le président du Directoire exécuta ce projet.

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A la même époque, le parti royaliste faisait, auprès du nouveau ministre de la guerre, une tentative en sens contraire de celle des patriotes. Chiappe, ancien conventionnel tout dévoué à la dynastie proscrite, se présente un jour chez Bernadotte, et, abordant brusquement la question : Général, lui dit-il, le régime républicain ne peut plus se soutenir; un mouvement général va éclater dans le but d'une restauration royaliste; le duc » d'Enghien, lieutenant-général de l'armée royale, » est à Paris au moment où je vous parle ; je suis chargé de vous faire connaitre l'état des choses; » le prince vous estime; il est prêt à accepter les » conditions qui pourront vous convenir; d'hors et déjà, il vous offre l'épée de connétable. » Bernadotte répondit, sans hésiter, que le duc d'Enghien n'aurait point à se repentir de la confiance qu'il plaçait dans sa loyauté, mais qu'il ne pouvait écouter ses propositions; que pendant trois jours il garderait le secret le plus profond sur tout ce

qu'il venait d'apprendre, mais que, ce délai expiré. il instruirait le Directoire de ce qui se passait. Le duc d'Enghien se trouvait-il réellement à Paris? Bernadotte pouvait le croire; mais c'est un point historique qui n'est pas encore suffisamment éclairci.

Cependant, Sieyès, après avoir fatigué Bernadotte par une résistance systématique à tous les actes de son administration, résolut de se débarrasser de ce ministre incommode. Supposant qu'il lui avait offert sa démission dans une conversation extraofficielle, et saisissant un moment où Gohier et Moulins étaient absents, il lui écrivit, le 28 fructidor an VII:

Le Directoire, citoyen ministre, d'après le vœu » que vous lui avez si souvent manifesté de repren» dre votre activité aux armées, vient de vous rem> placer au ministère de la guerre. Il charge le gé‣ néral de division Millet-Mureau du portefeuille de » la guerre par intérim : vous lui en ferez la re>mise. Le Directoire vous recevra avec plaisir, pendant le séjour que vous ferez à Paris, pour > conférer sur les objets relatifs au commandement qu'il vous destine. Le président du Directoire, » SIEYÈS. »

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Indigné de cette destitution motivée sur un mensonge, Bernadotte répondit aussitôt : « Je reçois à » l'instant, citoyens directeurs, votre arrêté d'hier,

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