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Enfin, tous les voeux de Bernadotte étaient exaucés et sa joie, à l'idée de porter bientôt un royaume en dot à la Suède, était devenue du délire,

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Ah! écrivait-il au duc de Sudermanie, si je réussis: » mon cher fils, à donner la Norvège à la Suède, je >> t'assure qu'elle m'aura coûté plus de peine que la conquête du plus beau royaume. »

Cependant cette conquête si ardemment désirée et si chèrement payée, devait coûter encore de cruels soucis au prince royal de Suède.

CHAPITRE V.

Invasion du territoire français. Une partie de l'armée de Bernadotte pénètre en Hollande. Il reprend les hostilités contre le Danemark. -Traité de Kiel, 14 janvier, entre le Danemark et la Suède. - Cession de la Norvége. Joie de Bernadotte. Il compare Alexandre à Agamemnon.Il court sur le Rhin et établit son quartier-général à Cologne. Sa proclamation aux Français. Les clefs de Mons, d'ABlücher sauvé par une partie

vesnes et de Reims lui sont apportées.

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de l'armée de Bernadotte. Lettre à son fils. Lettre au roi de Suède. Il accuse le peu de générosité des alliés. — Bernadotte à Liége. - Il y reçoit deux communications secrètes. — Un émissaire de Joseph. -Ombrages des alliés. Ils veulent encore éluder leurs engagements envers Bernadotte. Il se plaint à Alexandre. Lettre à ce monarque. Demi-satisfaction. Bernadotte se montre contraire au rétablissement des Bourbons. Pourquoi. Bernadotte et Carnot. - Lettre de Bernadotte à madame Moreau. - L'insulte au malheur. trait de Bernadotte.

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Beau

Le 21 décembre 1813, les proclamations des alliés avaient annoncé à la France la reprise des hostilités. Le territoire français venait d'être envahi par trois grandes puissances. L'armée de Schwarzenberg, com posée d'Autrichiens, de Bavarois, de Wurtembergeois et des gardes impériales d'Autriche et de Russie, avait pénétré, par la Suisse, dans l'Alsace et la Franche-Comté. L'armée de Silésie, conduite par Blücher et grossie de divisions russes et saxonnes,

avait franchi le fleuve à Manheim, et se portait sur la Lorraine; une partie de l'armée du Nord, commandée par Bernadotte et formée de Suédois, de Russes, de Prussiens et d'Anglais, après avoir traversé le Hanovre et la Hesse, détruit le royaume de Westphalie et occupé la Hollande, se tenait prête à pénétrer en Belgique. Le plan des alliés était de tourner nos places de guerre, et de marcher par grandes masses sur la capitale de l'Empire.

Dans le nord de l'Allemagne, l'armistice de Kiel, accordé le 15 septembre aux troupes danoises, étant à la veille d'expirer, sans qu'on eût pu s'entendre sur les bases de la paix entre le Danemark et la Suède, le cabinet de Copenhague demanda une prolongation de quinze jours. Mais ce nouveau délai n'ayant amené aucun accommodement, les hostilités recommencèrent le 6 janvier. Dès le 5, l'importante forteresse de Gluckstadt qui domine la navigation de l'Elbe, s'était rendue conformément à une convention antérieure, livrant à l'ennemi près de trois cents canons et des approvisionnements considérables. Alors l'armée suédoise investit Rendsbourg, s'empara de Frederikstad et se porta sur Schleswig d'où Bernadotte se préparait à pénétrer au cœur du royaume, lorsque le cabinet de Copenhague sollicita et obtint la paix. Par le traité qui fut signé à Kiel le 14 janvier 1814, le Danemark entrait dans la coalition, déclarait la guerre à la France et

fournissait aux alliés un corps de dix mille hommes, qui devait faire partie de l'armée du Nord. La Norvége, à l'exception du Groenland, des îles de Faroé et d'Island, était réunie à la Suède qui, de son côté, cédait au Danemark la Pomeranie et l'île de Rügen. Par un article secret, le cabinet de Stockholm promettait de payer à la cour de Copenhague, un mildion de rixdallers de banque suédoise. Enfin, toutes les troupes commandées par le prince royal devaient évacuer le Holstein, moins celles qui faisaient partie du corps de blocus de Hambourg.

Le traité de Kiel causa à Bernadotte une joie indicible. Il mettait un terme à ses anxiétés les plus vives et comblait le vou le plus ardent de son ambition. Aussi la reconnaissance du prince royal s'adressa-t-elle, avec peu de franchise il est vrai, à tous les souverains à la fois. « La Norvége est remise »à la Suède, écrivait-il à l'empereur Alexandre; la » presqu'ile scandinave doit à Votre Majesté sa sû» reté et son indépendance; c'est dans les plaines de Leipsig et dans les murs de cette ville, que ce grand événement a été opéré. Les peuples de » l'Europe y étaient réunis, et Votre Majesté était l'Agamemnon de cette mémorable lutte. La Suède » n'a autre chose à offrir à Votre Majesté qu'une épée et sa reconnaissance : sera-t-elle assez bonne pour agréer l'une et l'autre; le roi mon sou» verain me charge de les lui offrir. L'épée est

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>> notre croix de Saint-Georges, et, sous ce rapport, j'ose espérer que Votre Majesté daignera în recevoir l'hommage (1). » Le même jour il écrivait au prince régent d'Angleterre, que la paix du nord de l'Allemagne était due à la juste influence de la Grande Bretagne dans les affaires de l'Europe. Il était, disait-il, pénétré des sentiments de la plus vive reconnaissance pour le prince régent, auquel il devait l'acquisition de la Norvége, et il promettait de ne jamais perdre le souvenir de ce que Son Altesse Royale avait fait pour sa nouvelle patrie. « Li»bre maintenant de toutes craintes sur les derriè»res de mon armée, j'irai me porter en toute hate » sur le Rhin, et partager les efforts des puissances » alliées pour rétablir l'ordre en Europe, et obtenir » enfin la tranquillité du monde (2). »

Après la conclusion du traité de Kiel et l'évacua tion du Holstein, Bernadotte prit des dispositions pour presser le blocus de Hambourg, pensant que la durée des gelées lui permettrait d'enlever de vive force la place défendue par le prince d'Ekmuhl pour lequel il ressentit de tout temps une haine fanatique. A cet effet, Bernadotte avait rapproché ses troupes

(1) Lettre du prince royal à l'empereur Alexandre, Kiel, 15 janvier 1814. (2) Lettre du prince royal au prince régent d'Angleterre, Kiel, 16 janvier 1814.

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