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JAMES LLOYD naquit à Londres, le 17 mars 1810, quelques jours après la mort de son père; sa mère, Elisa Lake, restée veuve à 21 ans, épousa, en second mariage, un français, M. Charles Ranson.

Venu en France avec ses parents, l'enfant, âgé de 6 ans environ, fut placé au collège Charlemagne, à Paris ; il apprenait facilement; son caractère droit, loyal, mais entier, très résolu, se manifestait déjà depuis le jour où le proviseur lui infligea une punition qui lui sembla injuste, l'élève devint à jamais irréconciliable. Il resta jusqu'à l'âge de 13 ans dans cet établissement.

Son beau père, M. Ranson, ayant été nommé directeur des Contributions Indirectes à Quimperlé en 1823, on fit venir James au collège de Lorient et nous le trouvons en possession d'un diplôme de bachelier ès-lettres daté de 1829. C'est vers le notariat que se portaient alors les vues des parents du jeune homme, aussi le placèrent-ils bientôt à Paris, comme clerc de notaire, dans une étude.

Mais les goûts et les aptitudes de leur fils ne répondaient

point à ces projets; pendant cette courte période passée dans la capitale, toutes ses économies furent employées à prendre des leçons de chant, à suivre assidûment les concerts, et une tendance marquée vers la carrière artistique se manifesta nettement chez le jeune Lloyd. Nous verrons que cet amour pour la musique, il l'a conservé jusqu'à ses derniers jours.

La révolution de 1830 venait d'éclater; effrayée des fréquentes vicissitudes politiques de notre pays et craignant que son fils pût être appelé à porter les armes contre son propre pays, Madame Ranson insista fortement pour que les projets de naturalisation nécessaire, en vue de rendre accessible à Lloyd le notariat, fussent abandonnés.

On l'envoya alors en Angleterre; le voici donc, à Londres, chez un négociant. Cette tentative ne fut pas heureuse et nous voyons, presque aussitôt, notre jeune voyageur rentrant en France, quelque peu contre le gré de ses parents.

M. Ranson était alors directeur des Contributions Indirectes en Bourgogne, à Avallon (Yonne). C'est là que son beau-fils vint rejoindre la famille.

Sur ces entrefaites, M. Ranson est appelé à la retraite (1831) et tous les trois viennent babiter Nantes, rue SaintClément.

Une affection du larynx, une santé très délicate, qui faisait même craindre la phtisie, contraignirent Lloyd à abandonner la carrière musicale (1). Aussitôt à Nantes, la vocation

(1)«Quand je suis venu à Nantes, ma santé était en très mauvais état, je sentais » des douleurs à la poitrine qui me faisaient croire que cet organe était attaqué; »j'étais persuadé que j'allais mourir. Ma faiblesse était telle que je ne pouvais aller » au Pont du Cens sans être obligé de me reposer; j'ai mis trois jours à aller de » Saint-Nazaire au Croisic et encore, chaque soir, j'étais accablé de fatigue. »

(Lettre à M. Letourneux, 11 avril 1841.)

véritable qui devait remplir, au grand profit de la science, cette existence tout entière se manifesta. Désormais, sa voie était trouvée la musique, sans être.complètement délaissée, était vaincue par la botanique, ainsi qu'il me l'a bien souvent répété.

Les plantes l'intéressent de plus en plus; il étudie d'abord les « mauvaises herbes » de son jardin. Il demande à Hectot les premiers conseils; sa première herborisation a pour théâtre un des points des environs de la ville de Nantes les plus pittoresques à cette époque le Pont du Cens.

Huit ans environ après son installation à Nantes, la famille Ranson achète une propriété à Thouaré et va s'y fixer. Nous l'y trouvons en 1840.

Rien de plus charmant que cet intérieur, nous dit un intime ami, alors leur voisin excellent fils, plein de déférence pour ses parents, plus attentif encore peut-être pour son beau-père dont le caractère, d'une grande douceur, contrastait quelque peu avec l'humeur plus vive de sa mère, Lloyd était alors dans tout le feu de ses explorations, de ses études. Il venait de publier la Flore de la Loire-Inférieure, qui parut en 1844.

Les jours se passaient pour lui en courses ardentes : «Lundi matin je suis parti pour Ancenis et suis revenu hier » soir après avoir fait vingt lieues dans mes deux jours, » écrit-il à l'abbé Delalande, le 12 février 1845. »

Les soirées étaient consacrées à la musique, car tous les trois la cultivaient.

C'est encore de Thouaré qu'est datée la première édition de la Flore de l'Ouest (1854).

Mais la santé de M. Ranson obligea la famille à quitter cette retraite pour revenir à Nantes. Elle s'installa en 1858 rue de la Bastille; c'est là, c'est à cette porte que, tout enfant, j'allai frapper pour avoir la confirmation d'une détermination qui me tenait au cœur. J'y reçus le meilleur accueil

de Madame Ranson et ce fut elle qui m'apprit que mon Orchis n'était, hélas! que le bifolia, alors que j'avais cru tenir le rare chlorantha. Ge souvenir remonte à 1861. Obligeamment invité à revenir, j'entrai ainsi en relations avec le Maître, qui ne m'a jamais ménagé, depuis, son aide et ses conseils.

En 1869, Lloyd eut le chagrin de perdre sa mère, et cet événement retentit pendant quelques années sur sa santé d'une façon fâcheuse.

Enfin, en 1885, il quitte la rue de la Bastille pour aller habiter rue François Bruneau, où il est mort, le 10 mai 1896, dans sa 87 année.

Il avait le pressentiment de sa fin prochaine : un billet, écrit en anglais, qu'il m'adressa le jour de son « birth day », en mars dernier, trahit cet état d'esprit; mais il devait conserver sa lucidité jusqu'à son dernier jour.

Prévenu, la veille de sa mort, par une lettre (1) dont l'écriture semble à peine altérée, qu'il venait de s'aliter, je le trouvai quelque peu fatigué, sans que son état me fit prévoir sa fin rapide. Le lendemain, dimanche 10 mai, vers 8 heures 1/4 du soir, il s'éteignit doucement, sans crise, sans agonie.

<< Rien ne trouble sa fin, c'est le soir d'un beau jour. »>

Les tulipes qu'il avait tant aimées venaient de finir (2), le manuscrit de la 5° édition était là, entièrement achevé de sa

(1) Voir cet autographe à la fin de la notice; je le transcris ici pour en faciliter la lecture: « Après un excès de Tulipes j'ai la tête brouillée et été obligé de me suis pas mieux.

» mettre au lit, aujourd'hui je ne

» Voilà le 9e jour que la 1r pl. (première planche de Tulipes) est dans sa beauté

» à présent à 8 heures 1/2. Merci pour l'Elatine que je sèmerai lorsque je serai >> remis. Yours truly.

- J Lloyd. »

(2) Le matin même de sa mort, il insistait encore pour que j'allasse les admirer avant de le quitter.

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