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pas une entière satisfaction à nos compatriotes, et une modification de tracé est demandée de manière que la gare soit située sur la prairie de Mauves ou au bas du Cours. Le devis des frais de construction et d'achat du matériel roulant s'élève à 31,500,000 fr.

LE BOUFFAY.

Le Conseil général, dans sa séance du 28 janvier, repousse le projet adopté en 1828 pour la reconstruction du Palais de justice. Il estime que le sous-sol du Bouffay n'offre pas une résistance suffisante et décide que les bâtiments de la Préfecture seront aménagés pour recevoir le Tribunal. Un hôtel de la Préfecture serait construit au bout du cours Henri IV, sur le terrain acheté par la ville pour l'édification d'un Musée. Les partisans de la reconstruction sur place s'émeuvent et font entendre leurs récriminations.

DIVERS.

La feuille commerciale et maritime rédigée par Mangin, ajoute à son titre, à partir du 1er janvier, celui de Lloyd nantais.

Le général Dermoncourt publie la Vendée et Madame.

Prix du pain. Pain blanc : Il oscille entre 0 fr. 30 c. et 0 fr. 35 c. le kilogramme. Cours des vins: muscadet, 23 à 25 fr.; gros plant, 15 à 17 fr. la barrique, au cellier, hors Nantes.

La récolte du foin est presque nulle, par suite des grandes sécheresses. Il vaut 50 fr. les 1,000 livres rendues à Nantes.

Bertin, pharmacien, monte un établissement de bains chauds portatifs.

Les propriétaires de vignes à devoir et leurs colons ont des démêlés au sujet du payement de l'impôt foncier. L'opinion se prononce pour le payement par le propriétaire.

Concerts. En janvier: Mme Ducret, cantatrice, et Rhein, pianiste. Février: Artot, 1er violon du roi des Belges, et Edmond Lhuillier, chanteur comique, puis, Mile Brunet, harpiste. Mars: Leduc, flutiste et guitariste. Avril: concert d'amateurs, puis adieux de Ghys. Août Mile Boucault, pianiste et cantatrice. Novembre: concert des élèves de Ponchard. Grand-Théâtre. Il ne se soutient qu'en variant son répertoire à l'infini. On monte dans l'année la Tour de Nesle, Lucrèce Borgia, le Pré aux Clercs, Robert le Diable. Cirques. La troupe Tourniaire, à laquelle s'est réunie la troupe Vidal-Robba, occupe le manège Gachet, de décembre en mars. La troupe Loysset, avec le clown Auriol, lui succède en juin. Les écuyers Vidal et Robba reviennent en novembre inaugurer le cirque Olympique.

Le cirque Olympique est construit par l'architecte Chenantais, rue de l'Arche-Sèche, sur le terrain où l'établissement d'une usine à gaz avait été tenté. On l'appelle aussi cirque Paquer, du nom de son propriétaire.

Bosco donne, au Grand-Théâtre, quelques représentations de prestidigitation. Au manège Gachet, on exhibe une femme hercule, la Samson d'Asie. Conus y obtient un grand succès avec ses soirées de physique amusante, magie blanche, tableaux animés. Chaque dimanche, des amateurs s'y livrent aux exercices du carrousel, avec jeux de bague, de javelot de tête, comme à Saumur.

Dans une baraque, sur la Fosse, on montre une locomotive, une vraie, mais de dimensions réduites, roulant sur un chemin circulaire, au train de quatre lieues à l'heure.

(à suivre.)

UN TRIO DE POÈTES

Il y a quelques mois, M. Olivier de Gourcuff m'envoyait une gentille plaquette, tirée à 50 exemplaires non mis dans le commerce, et intitulée: Deux soubrettes, saynète en vers. Cette saynète m'a rappelé par sa composition le Rêve de Corneille, du même auteur, représenté à l'Odéon le 6 juin 1896, et sa scène: Amour d'Ames mise en musique par une nantaise de talent Mile C. Carissan; dans cette scène qu'il m'a fait l'honneur de me dédier et qui a été représentée à la Bodinière le 16 janvier 1898, il est encore question de vision, d'apparition, de rêve.

C'est bien un rêve que fait aussi Justine, la soubrette de nos jours. Dès qu'elle a fermé les paupières, après nous avoir exposé sa situation, elle voit apparaître, en effet, Fanchette, la soubrette du temps passé qui, en vers bien frappés, lui reproche le prosaïsme et l'égoïsme du siècle actuel, tandis qu'autrefois tout était amour et dévouement.

Et, comme le jouvenceau de la pièce, comparant la soubrette aimée à la Muse, je songeais, en lisant cette plaquette, où la soubrette des temps passés offre un contraste saisissant avec celle de nos jours, à la Muse d'aujourd'hui et à la Muse d'autrefois à la Muse d'autrefois, souriante et pleine de santé, de vigueur; à la Muse d'aujourd'hui, énigmatique, triste, rongée par l'anémie, et répandant mille parfums

capiteux. Et j'avais sous les yeux, à ce moment même, les œuvres d'un poète classique et un poète décadent, dont je veux dire un mot ici.

La meilleure manière de connaître un poète c'est encore de le lire, comme la meilleure manière de connaître un objet c'est de le voir. Un simple coup d'œil, mieux que les plus minutieuses descriptions, fixera l'image de l'objet dans votre esprit; une simple lecture de dix minutes vous donnera une idée plus exacte du talent d'un poète que les critiques les plus subtiles et les appréciations les plus savantes Aussi ai-je l'habitude de présenter en quelques lignes les poètes et de renvoyer à la lecture de leur volume. A quoi bon, en effet, de longues dissertations sur leurs mérites et leurs défauts, ce qui me plait peut très bien ne pas plaire à un autre ; des goûts et des couleurs, il ne faut pas discuter. Laharpe ne trouvait-il pas Bossuet médiocre sermonnaire, tandis que Châteaubriant le trouvait sublime?

Ainsi j'ai sous les yeux, en ce moment, un classique et un décadent, M. Achille Millien et M. John-Antoine Nau.

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M. Achille Millien, dont le volume vient d'être couronné par l'Académie française, a chanté son beau Nivernais, pays des vallons verts. Avec le style large et sobre d'un Racan, il en a traduit d'une façon admirable les sentiments et les mœurs dans l'Eglise abandonnée, dans Pierre le laboureur, et surtout dans la Tristesse du vigneron, il a fait de la grande poésie et certaines de ses pages m'ont fait songer à l'Attelage nivernais et à la Venaison de Rosa Bonheur. John-Antoine Nau, au contraire, s'est montré, dans son curieux volume: Au seuil de l'espoir, un décadent convaincu. C'est un auteur difficile, comme aurait dit Catulle Mendès, il faut, pour le comprendre, une certaine initiation, ses vers évoquent tantôt des enfers, tantôt des paradis artificiels, comme ceux de Baudelaire, dans un style et avec

des images rappelant le style et les images de Stéphane Mallarmé, avant que l'auteur de l'Après-midi d'un Faune soit devenu tout à fait incompréhensible; on sort de la lecture de son volume comme d'un songe plein des plus étranges associations d'idées, qui semblent avoir été provoquées par le haschisch et l'opium.

Maintenant, suivant vos goûts et vos prédilections, vous pourrez choisir l'un ou l'autre de ces deux poètes d'écoles différentes; ou plutôt lisez-les tous les deux, car ils se font admirablement ressortir comme dans un salon les deux tableaux des Roses sauvages et des Roses mousseuses. Dans le premier on voit des bergères dans le fond d'une campagne superbe repousser un beau chasseur; dans l'autre on voit de jolies filles se grisant à pleines coupes sous les lustres d'or d'un joyeux amphitryon. Les uns préfèreront le premier de ces tableaux, la belle nature et la vertu des robustes campagnardes, les autres, le second, les salons dorés et les brillantes toilettes des joyeuses citadines ; et pourtant ces deux tableaux frappent par leur contraste et se font pendant comme le livre du poète classique M. Achille Millien et celui du poète décadent M. John- Antoine Nau le feront dans toute bibliothèque qui voudra bien leur donner l'hospitalité.

Un poète, dont j'ai eu l'occasion de parler ici l'an dernier, vient de faire paraître les Souvenirs inédits du Comte de la Boissière-Chambors (1633-1715). Ces souvenirs dans lesquels, comme le dit l'éditeur, on rencontre, à défaut d'importantes trouvailles historiques, le récit d'événements peu connus et des anecdotes finement contées, sont bien faits pour piquer la curiosité du lecteur. Combien de nous savaient, par exemple, que l'origine du mot Fiacre vient de ce que

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