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LE CŒUR.

C'est au fond de notre être une divine lyre Que la joie et le deuil effleurent tour à tour, Qui tressaille d'espoir ou frissonne d'amour Et vibre de douleur, de haine ou de délire.

Tabernacle où jamais nul regard ne peut lire, Où tous les sentiments en secret se font jour, Des grandes passions le cœur est le séjour, Haïssant avec rage, aimant jusqu'ae martyre.

Chaste, resplendissant de l'éclat virginal,
Ou séduit par le vice à l'attrait infernal,
Affamé de bonheur, il le poursuit sans trève,

Espérant voir enfin tous ses vœux s'accomplir..
Mais il n'atteint jamais l'idéal de son rêve;
Il lui faut l'Infini: Dieu seul peut le remplir.

NOTICE SUR LES CEUVRES

DE M. VERDAD-LESSARD

PAR M. LE Dr L. POISSON.

M. Lessard, dont le nom et la sympathique personnalité ne vous sont point inconnus, nous a fait l'honneur de nous adresser deux de ses plus récents ouvrages. Ils ne sont qu'une faible partie de l'œuvre importante qu'il a produite sous forme de brochures et d'articles de journaux; car notre distingué compatriote a beaucoup écrit.

L'une de ces brochures est une étude philosophique intitulée La vérité existe-t-elle ? M. Lessard, qui est un spiritualiste, y combat le doute, cette maladie de la société moderne et y cherche un critérium pour lutter contre le scepticisme qui fait courir de véritables dangers à la philosophie religieuse et à la civilisation moderne ; il voudrait une religion sans mystère, acceptable pour tout le monde, une philosophie-synthèse des plus hautes aspirations indiquant véritablement le but de la vie et rétablissant l'ordre au sein des sociétés et des consciences.

La philosophie de M. Lessard est une philosophie douce, faite d'amour du prochain, de la haine du mal, du désir de voir régner l'harmonie dans notre monde moderne si troublé. Cette même préoccupation du bonheur individuel et

général se retrouve dans la seconde brochure de M. Lessard. Elle a pour titre: Du parti qu'on peut tirer de la colonisation pour résoudre le problème social.

Elle date de 1897 et a été présentée au public sous les auspices d'un des hommes qui ont le plus contribué à l'accroissement de notre patrimoine colonial, M. de Mahy, qui a écrit pour elle une préface importante. J'ai eu grand plaisir à lire ce travail, car il est écrit d'un style correct et simple; les idées s'y enchaînent, les raisonnements s'y suivent avec une logique impeccable et quand on a fini de le lire, on rêve, comme M. Lessard, de voir se résoudre d'une façon aussi pratique, sans secousse et pour le plus grand profit de tous, la question sociale.

M. Lessard ne se défend pas d'être socialiste, socialiste d'Etat même. Mais son socialisme est celui de tous ceux qui aiment la justice, aspirent à une plus égale répartition de la richesse et souffrent avec les déshérités de ce monde ; nous sommes tous plus ou moins socialistes avec lui.

Il a horreur des révolutions violentes et repousse le collectivisme qu'on confond trop souvent avec le socialisme que veut le collectiviste.

Il veut le partage rapide du capital acquis. Mais ce partage, c'est la ruine générale. Tout le monde pauvre et l'auteur voudrait tout le monde riche.

Le collectiviste veut l'Etat possesseur, se substituant à l'individu et distribuant à chacun, travail, pâture et le reste.

Quelle dangereuse utopie ! C'est l'abdication de la liberté et de la propriété individuelle pour lesquelles ont combattu nos pères de 89. L'Etat collectiviste sera despote comme T'Etat autocrate et alors nous serons tous esclaves, tous ilotes, tous encouventés...

Les collectivistes ne veulent rien savoir; ils n'ont qu'une

aspiration, ruiner les riches, alors même que leur ruine ne doit profiter à personne, tout renverser sans trop savoir ce qu'on pourra bien faire après... C'est le système de la haine...

Le socialisme est tout différent; pour que tout le monde possède, il n'est pas nécessaire d'abolir le capital actuel, tout au contraire, il faut rendre le capital accessible à

tous.

Comment enrichir les uns sans appauvrir les autres ? Où trouver ce capital petit ou gros sans lequel la liberté, fille de l'indépendance, n'est qu'un vain mot?

Ce capital est disponible; il n'appartient à personne ; il n'y a qu'à se le partager, et nous mourons de faim auprès de richesses dont nous ne savons pas nous servir.

Ce capital existe tout prêt dans les millions d'hectares que nous possédons à l'étranger; il existe dans nos colonies improductives; il existe dans ces terres vierges qui ne demandent qu'à produire. Nous nous entassons dans quelques points du globe et nous passons notre vie à nous envier les uns des autres, à nous hair. Nous avons parcouru le globe, nous avons planté le drapeau de la civilisation dans des îles fécondes et sur des continents immenses perdus pour la culture, et nous ne sommes pas beaucoup plus avancés que les peuples primitifs qui croyaient de bonne foi la terre finie là où se couchait le soleil... moins intelligents que les animaux qui obéissent aveuglément à l'instinct de l'espa

cement.

La solution, c'est l'émigration méthodique et raisonnée. Non pas l'émigration individuelle qui ne peut profiter qu'aux riches, mais l'émigration du pauvre sous la protection de l'Etat, l'émigration avec des ressources fournies par les capitalistes de la métropole. Ce que voudrait M. Lessard, c'est la création d'une banque, d'une banque avec garantie

d'Etat prêtant aux travailleurs qui voudraient aller conquérir au loin un domaine de 10, 20, 50 hectares.

Les fonctions de l'Etat ne se limitent pas à être un ajusteur public, mais son rôle parfait doit être celui d'un

assureur.

L'Etat-Providence garantit le capital engagé du riche et veille à l'organisation du travail, partout où l'européen peut vivre sans danger, en Calédonie, au Congo, en Tunisie, à Madagascar, où sais-je encore ?

Telles sont les généreuses pensées qu'agite M. Lessard dans son livre..

Verrons-nous cette Arcadie ?

Pourquoi pas.

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