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niers Pierre Dupont et Béranger, des romanciers George Sand et Eugène Süe et, en politique, les théories de Pierre Leroux, Cabet et Proud'hon.

Mais l'orateur n'a pas voulu poursuivre plus loin son intéressante étude, craignant d'aborder la politique en nous menant jusque dans les coulisses de notre théâtre parlementaire. Il nous a seulement mis en garde contre le collectivisme, forme moderne du communisme, mitigée pour le rendre plus pratique et plus facilement réalisable. « Il est »oiseux,» » a-t-il dit en terminant, « d'inscrire la fraternité » dans les lois avant de l'avoir gravée dans les cœurs. » Commençons par nous réformer et prêchons d'exemple. » M. Linyer ne se contente pas de donner le conseil : il le pratique lui-même en payant tous les jours de son temps et de son talent en de nombreuses œuvres destinées à servir les intérêts de ses concitoyens.

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Notre seconde conférence était faite par M. le Dr Hervouet sur ce sujet Le sommeil et les rêves. M. Hervouet a tant d'esprit, il sait présenter la science sous un aspect si clair, si lumineux et si aimable, qu'il arriverait presque à nous faire croire à tous que nous étions nés pour faire des

savants.

Après avoir répudié le matérialisme, qu'on attribue trop facilement à tous les médecins, il nous a exposé d'abord les différentes théories par lesquelles on avait essayé, jusqu'à ces dernières années, d'expliquer le sommeil, depuis Brown Séquard qui le considérait comme une sorte d'épilepsie, jusqu'à certains philosophes qui y voyaient tout simplement un repos de la conscience, prenant ainsi pour une explication ce qui ne pouvait être qu'une constatation, d'ailleurs inexacte. En réalité on était si peu d'accord que les uns attribuaient le sommeil à une congestion, afflux de sang au cerveau et les autres à une anémie temporaire ces der

niers touchaient de plus près à la vérité, mais ils ne se rendaient pas compte que, si l'anémie est, en effet, concomitante au sommeil, elle ne saurait en être la cause.

Et l'orateur arrive ainsi à sa théorie personnelle, à celle qui consiste à considérer le sommeil comme la conséquence de l'interruption des communications entre les groupes cellulaires du cerveau. Pour plus de précision, il est amené à nous exposer la théorie du neurone, d'après laquelle chaque cellule nerveuse est considérée comme composée d'un noyau central d'où s'échappent des ramifications nombreuses formant autour de lui un réseau et se terminant par des extrémités libres sans soudure nécessaire et continue avec les cellules voisines. Ces neurones changent de forme, se meuvent, se contractent ou s'étendent et ce serait leur union physiologique qui constituerait l'activité cérébrale. La cessation de tout contact entre les diverses cellules nerveuses du cerveau, chacune retirée sur elle-même, constituerait le sommeil, tout au moins le sommeil complet et absolu. Le rêve serait le résultat de l'activité isolée de quelques

neurones.

Mais, après avoir expliqué le mécanisme du rêve, on peut encore rechercher les causes qui le provoquent. Le conférencier s'est attaqué à une idée trop communément admise que le rêve n'est que la continuation des préoccupations que nous pouvions avoir pendant la veille. En réalité, selon lui, ce fait ne se produit que bien rarement et suppose une très exceptionnelle tension d'esprit. Plus souvent le rève est causé par des faits extérieurs qui se produisent pendant le sommeil lui-même et peut-être encore vaut-il mieux avouer que les causes des rêves sont très difficiles à déterminer. Enfin, passant rapidement sur le somnambulisme qui n'est que le rêve en action, M. Hervouet a terminé en insistant sur la nécessité du sommeil, indispensable à la réparation de nos

forces nerveuses, « si bien », a-t-il dit, « que le proverbe : « Qui dort dîne », n'est pas aussi faux qu'on pourrait le » croire et qu'en réalité on mourrait de défaut de sommeil » plus vite que de faim. » C'est peut-être le sort qui nous attendrait, tant nous y prendrions plaisir, si M. Hervouet, en une nouvelle série de Mille et une nuits, consentait à conserver pendant ce temps son rôle de conteur et de conférencier.

D'un intérêt d'un autre ordre, mais non moins vif, a été la conférence de M. Maurice Schwob sur le Port de Nantes. Patriote avant tout, tel est le portrait moral de M. Schwob; j'entends qu'il a tous les patriotismes, l'amour du pays comme l'amour de la cité. Qu'il nous signale, avec persistance de volonté et abondance de documents, le Danger allemand, en un remarquable volume dont le retentissement en France et à l'étranger a été si considérable, ou qu'il combatte pour l'avenir commercial de notre ville en une série de discours et de conférences, semés partout où il a eu l'espoir qu'ils pourraient germer, il poursuit toujours la même idée maîtresse : le relèvement de son pays.

Pour cela, il faut combattre la routine et le manque d'initiative; il faut aussi lutter contre l'esprit de coterie qui nous divise. « C'est ce système des coteries si puissant à » Nantes que je voudrais rompre », a dit l'orateur. « Voyons, » croyez-vous indispensable, avant que MM. X..., Y..., Z... » s'entendent pour porter au dehors l'influence française et » le commerce nantais, de leur faire passer un examen pour » savoir s'ils ont la même opinion sur la valeur du Minis» tère ou le même credo religieux. Il y a surtout un préjugé courant qui m'exaspère : « On ne peut se rencontrer » et s'entendre qu'entre gens du même monde. » Et de quel monde, s'il vous plaît ? Est-ce celui du cours Saint-» Pierre ou du cours Cambronne, de la place Launay ou

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de la place Graslin? Est-ce le boulevard Delorme ou la ⚫ rue Crébillon?» M. Maurice Schwob n'aime pas les petites chapelles et la Société Académique, qui nous a permis de l'entendre, ne les défendra pas, quoi qu'on en ait pu dire.

Elle a pour cela l'esprit trop large et trop libéral et voilà pourquoi elle reste vaillante et forte, malgré ses cent années qu'elle fêtera bientôt. Elle peut dédaigner les railleries ou les attaques; elle a l'indulgence aimable de ces douairières qui ont eu beaucoup de succès dans leur jeunesse et ont encore assez de charmes et d'esprit pour grouper autour d'elles un cercle de fidèles. Elle sait bien que c'est encore à elle qu'iront les hommages des délicats bien plutôt qu'aux caillettes un peu niaises du temps présent, car c'est elle qui a conservé le dernier salon en cette époque de cafés et de brasseries. Son grand âge même n'est-il pas un titre suffisant à la considération de tous et en particulier à la bienveillance des Pouvoirs publics? Aussi nous ne doutons pas que leur appui ne lui soit plus que jamais acquis et en son nom je veux dès maintenant leur en exprimer toute sa reconnaissance.

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Il y a quelques jours, un de nos plus fins lettres parisiens, M. Henri Chantavoine, commentant les rapports de l'Académie sur les concours littéraires de cette année, plaignait le Secrétaire perpétuel de l'Académie française d'avoir à remplir une tâche aussi rude et aussi difficile. S'il en est ainsi pour les professionnels, qu'elle ne doit pas être aujourd'hui ma frayeur, d'avoir, moi, profane, à vous rendre compte des ouvrages soumis au jugement de notre Société ? Plus d'une fois, depuis quinze jours, j'ai eu, je vous l'avoue, la tentation de briser ma plume et de remettre à un plus digne l'honneur de décerner les couronnes. Mais l'espoir de votre bienveillance m'a soutenu et, aujourd'hui, je compte qu'elle ne fera pas défaut.

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